• Exploration de Jécrivaine

    LA GROTTE DE MAITRE ABNAR

    Je m’appelle Amayelle.
    Je viens du continent d’Enkidiev, du royaume d’Emeraude.
    Je suis magique.

    La grotte dans laquelle je viens d’entrer, est celle de mon maitre, Abnar. Il est assis les yeux fermés. On pourrait penser qu’il dort, mais je sais que non. Je m’assois devant lui, et j’attends.

    Quelques secondes plus tard, il ouvre ses yeux argentés, et me fixe.
    « Tu n’avais pas le droit de sortir. Ce chateau est dangereux. C’est une des rares pièces qu’il ne contrôle pas. »
    Je ne réponds rien, et il soupire. Il m’ordonne d’aller rejoindre les autres.
    Les autres, se sont mes frères et soeurs. Nous détenons chacun un pouvoir différend.
    -Océane, ne vit que par l’eau.
    -Auriane maitrise l’air.
    -Kio, peut faire pousser n’importe quoi.
    -Ignis est un feu ardent.
    Et moi, je suis musicale.
    Pour l’instant, ils dorment. Je me blottis contre Ignis, et je m’endors
    Cette grotte est impressionnante. Elle mesure 50 mètres carrés, et une source vive se situe dans le fond.
    Nous sommes réveillés par la lumière produite par la source. Abnar, est un immortel, serviteur des dieux, mais pour rester longtemps dans le monde des humains, il doit prendre de l’énergie dans cette source magique.
    Durant quelques minutes, il sera vulnérable, et nous devrons le protéger.
    Au moment même où la source s’illumine, un guerrier apparait dans un tourbillon de lumière. Nous le connaissons bien, et ne faisons aucun geste offensif. Il s’appelle Hadrian D’argent. Il vient d’Enkidiev, lui aussi, et est le frère de notre maitre, même si lui, est humain. Contrairement à Abnar, cet homme nous a toujours témoigné de l’affection, et ne voit que nos côtés positifs. Il attend que son frère ne soit plus vulnérable et s’approche.
    « Abnar, quand laissera tu tes élèves partir?
    -Leur place est ici.
    -Non,ce sont les sauveurs d’Enkidiev, ils doivent rejoindre les chevaliers d’Emeraude.
    -Je ne fais pas confiance à cet ordre, et surtout pas à Wellan.
    -Pourtant, je fais parti des chevaliers d’Emeraude, et tu accepte ma présence.
    -Tu es mon frère, et avec Kira, vous êtes les seuls que j’admire.
    -Je t’en prie. La menace est proche. Le chateau se déchaine sur les chevaliers, et les autres aventuriers.
    -Je ne fais pas confiance aux humains.
    -Mon frère, cette erreur date, cela fait 500 ans, et ces enfants avec qui tu vis sont aussi des humains.
    -Ils sont différends.
    -Alors fait leur confiance, ils s’en sortiront »
    Mon maitre soupire profondément, et se glisse vers nous.
    Ils nous donne à chacun un médaillon, et nous dit qu’il servira à canaliser nos pouvoirs.
    Puis il nous ordonne d’avancer dans le centre de la grotte. Nous voletons jusqu’à lui, et il forme un grand vortex. Hadrian nous sourit, puis se glisse dedans. Nous le suivons et fermons les yeux. Nous savons que nous serons dans une pièce différente quand nous les ouvrirons.

     

    LE HALL DES CHEVALIERS D’EMERAUDE

     

    Au moment où nous ouvrons les yeux, Des épées convergent vers nous, et des guerriers s’emparent d’Hadrian. Une femme mauve et un grand guerrier s’approchent.
    Ils nous regardent avec méfiance, et doivent certainement penser que nous sommes ennemis.
    Le guerrier s’approche et dit
    -Ils ont des pouvoirs, et peuvent certainement lire dans nos pensées.
    Aussitôt, des dizaines d’esprits se ferment, et nous ne pouvons plus savoir ce qu’ils pensent.
    La femme mauve s’avance à son tour et dit
    -Je ne sens pas d’énergie insecte comme la mienne. Il ne sont pas à la solde d’Amecareth.
    -Qu’en sais tu? Peut être à t’il le moyen de cacher leur énergie néfaste.
    -Pour l’instant, ils n’ont rien fait, à part qu’ils sont arrivés grâce à un vortex surpuissant.
    Le chevalier se tourna vers nous et dit:
    -Parlez vous notre langue? Que voulez vous?
    Le pouvoir que déploie Ignis est sur le point d’éclater, et je m’avance.
    -Je m’appelle Amayelle d’Emeraude.
    -Tu viens d’Emeraude? Que veux tu?
    -Je ne veux rien. C’est sire Hadrian qui a convaincu notre maitre de nous emmener auprès des chevaliers d’Emeraude.
    -Qui est votre maitre?
    C’est Kio qui s’avance et dit
    -C’est le magicien de Cristal, Maitre Abnar.
    La stupeur qui se lit sur leurs yeux est évidente.
    -Je m’appelle Wellan, Wellan d’Emeraude. Pourquoi le magicien de Cristal n’est il pas avec vous?
    -Nous n’en savons rien.
    -Peut être vous a t’il abandonné?
    -C’est impossible! Il ne voulait pas que nous partions, c’est un signe du fait qu’il s’inquiète pour nous!
    Kio s’énerve à son tour, et je reprends la parole.
    -Sire Wellan, si notre maitre nous a abandonné, c’est à votre tour de nous prendre en charge.
    -Je n’ai que faire des enfants. Je suis un guerrier.
    Il se tourne vers les chevaliers, et demande:
    -Qui veut les prendre en charge?
    Un guerrier s’avance lentement. Il a des yeux de miroirs et je sens que son énergie est comme celle de la femme mauve, qui vient se coller contre lui. Elle le regarde et dit:
    -Sage, tu as déjà ton faucon, qui te considère comme sa mère. Cela ne te suffit pas?
    -Nous sommes stériles Kira, car nous sommes hybrides. Je veux m’occuper de quelqu’un d’autre qu’un faucon, qui n’est plus là depuis 2 ans.
    -Si cela te fais plaisir…
    Wellan leva les bras, et dit:
    -Soit! Installez vous dans un coin du hall, nous partons demain pour nous purifier.
    Le hall est immense, haut, et soutenu par des colonnes. Les murs, les colonnes et le plafond sont blanc, et le sol est de marbre vert émeraude. Les guerriers s’éloignent, et s’assoient dans des coins. Un feu magique brille au centre de la salle, et chauffe les alentours.
    Le guerrier qui a pris notre défense, est au fond de la salle.
    Auriane se retourne, et dit
    -Je ne crois pas que Maitre Abnar nous ai abandonné.
    -Nous n’en savons rien, dit Ignis.
    -Le mieux est de faire confiance aux chevaliers, explique Océane.
    Nous acceptons, et nous séparons pour découvrir un maximum de chevaliers.
    Je me dirige vers Wellan, et il se retourne.
    -Tu n’es pas comme les autres.
    -Vous non plus sire. Notre maitre parlait souvent de vous.
    -Il n’en disait certainement pas du bien.
    -Pourquoi ne m’aimez vous pas?
    -Tu as été formée par Abnar.
    -Je ne suis pas comme lui.
    -Comment pourrais je le savoir.
    -De mes frères et soeurs, c’était toujours moi qu’il réprimandait le plus.
    -Pourquoi?
    -J’ai un plus grand pouvoir, et je m’en sers moins bien.
    Au moment où il allait répliquer, le guerrier qui nous avait défendu, s’approche. Au fur et à mesure, je me sens moins bien, j’ai froid, et j’ai mal. Une douleur intense au coeur me touche. Mes frères ont senti mon problème , et s’avancent en courant. Mais trop tard. Le guerrier, même s’il ne le veut pas me fait du mal, et je m’évanouis dans les bras de Wellan avant qu’il ne réagisse.

     

    LA PIECE DES BAINS

     

    Je me réveille dans les bras du guerrier que je reconnais être Sage.
    Son contact me brule, et je gémis. L’instant d’après, je suis posée à même le sol, et une main me touche, et regarde mes blessures. J’entrouvre mes yeux, persuadée de voir mon maitre accomplir cet acte de guérison, mais il n’en est rien. Un chevalier blond, certainement guérisseur s’occupe de moi, et de mes frères, car ils ont ressenti la même douleur que moi.
    Puis, le chevalier s’éloigne, satisfait de son travail.
    Wellan s’approche alors, et me regarde dans les yeux. Tous les chevaliers sont suspendus à ses lèvres. Puis il déclare
    -Je ne comprend pas pourquoi elle s’est évanouie lorsque Sage s’est approchée d’elle, et pourquoi il y a des traces de brulures là où il l’a touchée.
    Les chevaliers se mettent alors à débattre, et seul Santo le chevalier guérisseur reste près de moi. J’en profite pour regarder autour, car je suis vulnérable.
    La pièce est grande, aérée, et fraiche. Des marches mènent à une eau pure, et froide.
    Puis un vortex apparait, et je soupire de soulagement. Car la personne qui en sort est mon maitre.
    Maitre Abnar s’avance vers moi, pose une main sur mon front, et illumine ses mains. Quelques minutes après, je ne sens rien, et Abnar se relève. Il déclare aux chevaliers
    -Ce n’est rien.
    -Pourquoi s’est elle évanouie alors, demande un des chevaliers?
    -Sage, est un hybride. Toute sa vie, elle a été confrontée uniquement à ma magie céleste et celle de ses frères. Cette magie insecte l’a foudroyée.
    Puis il se tourne vers moi, et dit
    -Pourquoi es tu partie, tu n’étais pas prête.
    -C’est vous qui avez crée le vortex. Je n’ai fait que vous obéir.
    -j’aurais préféré te protéger d’avantage… Je crains que tu ne suives la voie de Kira.
    -Je n’ai fait que suivre mes rêves! s’exclame la femme mauve.
    Contrarié, mon maitre pousse un soupir, et s’évapore en une poussière d’étoiles.
    Ignis se tourne vers moi et dit
    -ça aurait pu être pire! Tu te souviens de la fois où j’ai bu de l’eau céleste? Il était tellement contrarié, qu’il est parti en feu d’artifice!
    Les chevaliers éclatent de rire, et je me détend. Mais une chose me reste dans la tête.
    Nous sortons de la pièce, et au moment où je passe la porte, je me dis:
    J’ai trahi sa confiance…

     

    LA PIECE D’ONYX

     

    Une main brulante me saisit par le bras, et fait de même avec mes frères. Nous sommes transportés dans une pièce, où nous sommes jetés à même le sol. Océane émet une plainte sourde, car elle saigne. L’homme nous attache les mains et les pieds, et menace de trancher nos ailes. Je frissonne de peur. Il se relève, et la pièce se met à tourner 30 secondes. Elle est grande, et un trône est dans le fond. Puis il nous regarde, et satisfait, déclare:
    -La pièce s’est déplacée à l’extrémité du chateau. Les chevaliers ne vous retrouveront pas.
    -Vous n’avez pas le droit! je m’écris.
    Mes frères sont inconscients car il les a blessé, et m’a curieusement épargnée.
    -Je suis le roi d’Emeraude!J’ai tous les droits.
    -Vous êtes Onyx… Mon maitre nous a parlé de vous.
    -Un immortel? Je le connais bien, il a menacé de me tuer dans mon ancienne vie!
    -Il l’a fait pour le bien d’Enkidiev, vous vouliez assouvir tous les peuples!
    -Il a manipulé votre esprit pendant des années. Je comprend que tu ne sois pas d’accord avec moi, mais je te ferais changer d’avis.
    Je me tais et baisse la tête, car il ne sert à rien de communiquer avec cet homme.
    Je tente d’établir une discussion avec Sage, pour qu’il retrouve notre trace:
    -Sage!
    -Amayelle? Où êtes vous? Je suis fou d’inquiétude!
    -Le roi Onyx nous retient!
    -Reste en communication. Nous allons tenter de vous repérer.
    J’accepte, même si ce contact commence à me faire du mal.
    A ce moment, un éclair fulgurant d’Onyx me touche, qui a certainement entendu ma discussion, et je sombre dans l’inconscience, car il est un des plus grands magiciens d’Enkidiev.
    Lorsque je me réveille, je reconnais l’odeur du vin, et la voix d’Hadrian. Je soupire de soulagement, car ils sont venus nous sauver.
    Un homme est à mon chevet, et j’ose espérer que c’est mon maitre, pour lui dire à quel point je regrette, mais il n’en est rien.
    C’est Sage. Il est agenouillé, les yeux fermés, et une larme s’en échappe. Je le sonde et découvre que ne pas pouvoir nous approcher le tue. Pourtant, je ne ressens aucune douleur. Une seconde larme s’échappe, et je saisis la main de Sage.
    Il ouvre ses yeux surpris, et me regarde.
    Amayelle? Retire ta main, tu vas te bruler!
    -Je n’ai plus mal.
    -Mais pas tes frères. Une de mes larmes a brulé Auriane.
    -Moi, je ne ressens rien, à par ta peine.
    Wellan s’approche alors, et dit
    -Un lien curieux s’est crée entre vous. Il serait dangereux de vous séparer. Elle sera sous ton autorité, et je confierai les autres à Jasson.
    Puis il s’éloigne discrètement, et Sage me sourit. Il me serre dans ses bras, heureux de pouvoir enfin établir un contact, et Kira, son épouse vient à son tour, et nous nous serrons les uns contre les autres. Je suis heureuse. Kira et Sage m’ont accueillie.
    Onyx s’approche alors de moi, et dit
    -Je m’excuse de vous avoir attaqué. Je pensais que vous étiez comme Abnar, mais Hadrian m’a dit que vous étiez rebelles. Je suis désolé.
    Et à ce moment, Wellan hurle que nous sommes en danger dans cette pièce, et dit à chacun d’aller vers son groupe.
    Sage court vers Wellan, et je le suis. Puis il prend ma main, et nous nous engouffrons dans le vortex.

    LA PIECE DU TEMPLE DE THEANDRAS

     

    Les cris fusent, tout le monde se bouscule. Le vortex nous emmène dans une salle sombre, éclairée par des bougies, au fond, une statue d’or représentant une femme. Les dalles sont en pierre, et plus on s’approche de la statue, plus elles sont chaudes.

     

    Sage me sert si fort la main que j’en suis marquée, et je gémis. Il me lâche aussitôt, et me regarde, de crainte de m’avoir blessée comme il l’avait déjà fait.
    Je tourne sur moi même, et je m’angoisse. Je ne sens pas la présence de mes frères. La connexion est rompue. Je me rappelle alors que Wellan avait confié mes frères au chevalier Jasson, et que comme nous avons été séparés par groupe, je ne suis plus avec eux.
    Sage me regarde de nouveau, et souris tristement:
    -Je ne suis pas avec Kira non plus. Elle me manque comme toi, et la séparation est de plus en plus difficile.
    -Peux tu me laisser un peu seule s’il te plait?
    -Comme tu veux. Je vais tenter de communiquer avec Kira.
    Je me glisse dans le coin le plus isolé de la salle, soit le plus froid, et même si Wellan m’interroge du regard, je ne dis rien, et je m’assois.
    J’essaie de rentrer en transe, mais je n’y arrive pas. J’ai l’impression de me sentir mal, j’ai très chaud, alors qu’il fait très froid, et je commence à trembler. Personne ne s’aperçoit de mon trouble, et je commence à avoir peur.
    C’est alors que j’entends la voix de mon mentor dans ma tête.
    -Amayelle?
    -Maitre?
    -Je suis soulagé de te savoir seine et sauve.
    -Où êtes vous?
    -Je ne peux pas te le dire.
    -Pourquoi me suis je sentie mal?
    -Ce n’est rien. Le fait que je m’infiltre dans ton esprit t’a certainement fait souffrir un peu, mais cela ne se reproduira plus.
    -Viendrez vous à notre secours?
    -Je suis toujours ton maitre, et mon devoir est de veiller sur toi.
    -Merci
    -Où es tu?
    -Dans une pièce étrange. Une statue de femme est au fond, et plus on s’approche d’elle, et plus il fait chaud.
    Mon mentor soupire intérieurement et dit
    -Tout va bien. Tu es dans un temple dédié à Théandras. Elle est la protectrice du royaume de Rubis et d’Emeraude.
    -Où sont mes frères?
    -En lieu sur. Je ne t’en dirai pas plus. Tu ne dois pas savoir.
    Son ton est sec et tranchant.Un sanglot monte dans ma gorge.
    -Vous… Vous avez toujours veillé sur nous, mais vous avez toujours refusé de nous regarder en véritable père. Vous nous avez tout enseigné, mais n’avez jamais voulu nous divulguer de tendresse. Et même maintenant, vous êtes toujours aussi insensible.
    -Je suis un immortel. Je ne ressens aucune émotion. Je suis ton maitre, et je ne peux te transmettre de la tendresse, car j’obéis aux ordres des dieux.
    Je pleurs en silence, et je me tais. Je n’obtiendrais jamais le dernier mot avec lui.
    -Comprends moi…
    Et il coupe la communication. Je relève la tête. Autour de moi, aucun bruit, et je m’aperçois que tout le monde dort. Je me glisse vers Sage, et lorsqu’il voit l’état dans lequel je suis, il m’attire contre lui, et me frotte doucement le dos. Cet homme contrairement à mon mentor m’a toujours témoigné de l’affection
    Je m’endors contre lui, dos à dos, et il en fait autant.
    Lorsque je me réveille, tout le monde dort encore sauf Wellan. Il parle avec une femme extraordinaire aux cheveux de flammes.
    -C’est Théandras, me souffle mon mentor à l’oreille. Ainsi, il n’a pas rompu la connexion, et répond à mes interrogations quand il le peux.
    -La déesse s’est aperçue que l’immortel m’a parlé, car elle se tourne vers moi et sourit.
    Elle me fait signe de venir, et j’accepte. Je les rejoins Wellan et elle, et il me lance un regard inquisiteur.
    -Je suis Théandras, jeune fille. Et toi, qui es tu?
    -Je m’appelle Amayelle d’Emeraude. Apprentie du magicien de Cristal.
    -Ainsi donc, tu es une des sauveurs d’Enkidiev?
    -Oui, d’après mon maitre.
    -Abnar ne m’a jamais dit qu’il avait adopté des enfants.
    -Il ne l’a pas fait.
    -Qu’a t’il fait alors?
    -Je ne suis qu’un outil, sans plus. Aucune affection, aucun remerciement, que des reproches.
    Mon maitre apparait alors, dans une pluie d’étincelles.
    -Déesse, salue t’il.
    Théandras sourit, et déclare:
    -Je voudrais une conversation privée.
    Et nous nous évaporons rapidement.

     

    LA PIECE DE LA FORET


    Nous apparaissons dans une pièce qui semble ne pas en être une, car le sol est recouvert d’herbe.
    Le plafond est peint d’un ciel étoilé, et les murs sont hauts, de 10 mètre environ. La pièce est tellement grande que l’on ne les voit pas. Des arbres parsèment la pièce, et forment une forêt. Du vent frais joue avec mes cheveux. Nous sommes dans ce qui semble être une clairière au milieu de tous ces arbres. La lune dessinée nous éclaire faiblement, et me permet de voir les visage de Théandras, Wellan et mon mentor.
    Théandras se tourne vers mon maitre, et lui dit:
    -Abnar! Je suis heureuse de te revoir. Qui est cette jeune fille, et pourquoi t’en veut elle?
    -Déesse, c’est Amayelle, une des sauveurs d’Enkidiev.
    -Tu n’as pas répondu entièrement à ma question.
    -Amayelle veut que je lui transmette de l’affection, que je me comporte en père. C’est impossible.
    -Pourquoi? Nous n’empêchons pas d’aimer, nous les dieux. Tu peux faire ce que tu veux du moment que tu obéis à nos ordres.
    -Je suis né serviteur des dieux, et j’estime que ma fonction n’est pas de témoigner de l’amour, mais de réaliser vos missions.
    Mon maitre se tourne vers moi, et plonge ses yeux de cristal dans les miens. Il lit dans mes yeux, il me sonde. Ma vie, mes sentiments, tout lui apparait, et lorsqu’il comprend que je suis sincère, il ne dit rien.
    Les larmes coulent sur mes joues, mises en valeur par la lune. Je volais dans les airs, mais mes ailes retombent, et je tombe à mon tour sur le sol, agenouillée. Je n’ai plus la force de relever la tête. Je me sens vide, abandonnée, je commence à penser que ma vie est un échec. J’ai été manipulée, je commence à comprendre les paroles d’Onyx.
    Mon mentor reste impassible, et c’est Théandras qui me relève la tête.
    -Ton maitre a connu une vie difficile. Viens, suis moi. Tu comprendras ce que je veux dire.
    Je n’ai rien à perdre, mais tout à gagner. Je veux savoir pourquoi mon mentor est impassible. Je veux tout savoir sur lui, car il sait tout sur moi.
    Je saisi sa main, et je disparais sous le hurlement de frustration de mon maitre, qui veux me garder sous sa surveillance.

     

    LA PIECE AU BASSIN DU DEMON

     

    Théandras nous fait apparaitre dans une pièce incroyable. Les murs sont de pierre blanche, et des colonnes collés à ceux ci les soutiennent. Je ne peux pas distinguer le sol, car une brume épaisse de 30 centimètres le couvre. Le plafond, est surprenant, également. 5 mètres au dessus du sol, il semble être une couche d’eau limpide qui reste dans les airs. Derrière cette paroi, il n’y a qu’un vide profond, avec au centre une étoile.
    La déesse me dirige vers un bassin que je n’avais pas aperçu avant. Creusé à même le sol, il dégage une lumière vive, et je ressens un pincement au coeur, en me souvenant de la source magique dans laquelle mon maitre reprenait ses forces. Coupé du monde mortel et vulnérable, c’était les moments dans lesquels mes frères et moi devions le protéger, et c’étaient également les rares moments pendant lesquels nous pouvions discuter.
    Théandras ne dit rien, mais suit le cours de mes pensées, et ressent ma profonde tristesse.
    Elle parle tout à coup, vers le bassin:
    -Démon des eaux troubles! Je t’ordonne de répondre à mes questions. Serviteur des dieux, il est de ton devoir de m’obéir.
    -Que puis je pour vous, Déesse?
    Je ne vois personne, mais la voix, magiquement amplifiée résonne dans toute la pièce.
    -Montre à la sauveuse d’Enkidiev la vie qu’a subi son maitre.
    Les images défilent devant mes yeux. Lorsque mon maitre nait, curieusement déjà adulte, quoique jeune, lorsqu’il prête serment à Parandar, maitre des dieux, lorsqu’il reçoit sa première mission, soit sauver Enkidiev de la menace de l’empereur Insecte, puis, une image apparait, une scène que je n’oublierai jamais.
    Car Théandras, pour que je la retienne bien, me projette dans le bassin. Je ferme les yeux, et lorsque je les rouvre, je suis devant mon maitre.
    -Il ne te verra pas, assure la déesse, c’est une scène de son passé.
    Wellan du passé entre dans la pièce où est mon maitre.
    -Maitre Abnar?
    -Sire Wellan.
    -J’ai une requête à vous faire.
    -Je vous écoute.
    -Je veux me déplacer par magie.
    -Je ne peux pas vous accorder ce pouvoir.
    -Pourquoi? Deux de mes hommes sont morts hier par votre faute! Vous nous aviez promis votre soutien, mais vous n’êtes pas venu! Ils sont morts à cause de votre incompétence!
    -Je ne peux vous donner un pouvoir à cause de votre colère, Wellan. Vous n’avez pas l’esprit clair.
    -Nous ne pouvons nous permettre d’attendre votre bon vouloir pour mener cette guerre! C’est le continent qui est en jeu!
    -Sortez!
    Le ton de mon maitre est clair et sans réplique. Wellan sort en serrant les poings.
    Le roi Onyx apparait alors, un sourire moqueur aux lèvres.
    -Tiens donc, un immortel qui se fâche!
    -Que faites vous ici?
    -Je viens pour me venger de vous.
    -Pourquoi? Qu’ai je donc fait pour que le contient m’en veuille?
    -Vous avez voulu me tuer…
    -Pour le bien d’Enkidiev.
    -Regardez autour de vous Abnar! Qui voudrait d’un immortel sans conscience, sans parole, sans vie?
    -J’obéis aux ordres des dieux!
    -Je n’ai que faire des dieux!
    -Ne parlez pas de mes maitres ainsi!
    Onyx disparait alors, un mauvais sourire aux lèvres.
    Je sors brusquement de cette image, et Théandras s’adresse alors à moi.
    -Abnar ne s’est jamais remit du fait que personne ne le respectait. Que tous les humains le méprisent, ne l’apprécient pas, aient peur de lui, l’a profondément affecté. Seuls Kira et un homme nommé Lassa avaient confiance en lui. Les hommes le craignent, mais disent du mal de lui dans son dos. De plus, il a été de nombreuses fois accusé de meurtre, et il en souffre encore. De nombreuses blessures ne se sont pas refermées.
    -Je… Je n’aurai jamais pensé à ça… Il est si dur avec moi. Je pensais qu’il ne ressentait rien…
    -Ton maitre croyait combattre ton instinct humain en te faisant plier devant touts ses ordres.
    -Vénérable Déesse? Croyez vous que j’ai eu tort?
    -Tort de quoi?
    -De croire qu’il ne ressentait rien pour moi, qu’il n’avait pas peur pour moi, de penser qu’il ne s’inquiétait pas, mais aussi de refuser plusieurs fois d’accepter ses consignes?
    -Ton maitre n’est pas une créature faite pour ressentir des émotions. En revanche toi si. Il est normal que tu poses des questions, que tu ai besoin de sa présence…
    Elle me sourit, et s’évapore dans un nuage de flammes.
    A ce moment, mon maitre arrive dans un tourbillon d’éclairs.
    -Amayelle!
    -Maitre?
    -Es tu folle? Je suis fou d’inquiétude! Cesse d’échapper à ma surveillance!
    -Maitre? Je suis désolée… J’ai toujours cru que vous étiez surnaturel, que vous ne ressentiez rien, que vous étiez comme les dieux. Mais en fait, vous êtes comme les humains.
    Je comprend alors que je fais une erreur. Mon maitre n’aime pas les humains. Le regard que me lance mon maitre de ses yeux d’argent me fait craindre qu’il veuille me tuer.
    -Je suis désolée, maitre! Je ne voulais pas vous blesser en disant cela.
    Il lève sa main, et me projette violemment contre un mur. Je me relève péniblement, puis je m’approche de lui.
    -Toute ma vie! Toute ma longue vie, je n’ai cessé de faire de mon mieux pour les humains! Tous me craignent me méprisent, et ne veulent pas de moi!
    -Je ne rejette pas votre présence!
    -Tu as peur de moi, tu ne m’apprécies pas!
    -Vous ne croyez pas en moi non plus…
    Il me projette de nouveau contre le sol cette fois ci mais me force grâce à ses pouvoirs à rester couchée. Je tente alors d’utiliser le mien, et entonne un faible chant elfique pour l’endormir.
    Il se redresse amusé.
    -Un simple chant? Je ne t’ai donc rien appris?
    -Je ne veux pas vous blesser!
    -Parce que tu crois que tu peux me tuer?
    Je suis morte. Il est trop fort pour moi. Je lance un appel télépathique déchirant:
    -Aidez moi! N’importe qui!
    Mon maitre relève le bras, et me soulève dans les airs, puis, avec une violence incroyable, me plaque contre le mur. Je ne me relève pas. Je ne dis rien. Mêmes si nos précédents combats étaient oraux, car je me rebellais souvent, c’était toujours lui qui gagnait, après m’avoir projetée sur le sol. Comme d’habitude, il s’avance pour appliquer sa sentence, cette fois ci,certainement la mort. Alors je vois derrière lui, un homme sauter du plafond constitué d’eau, puis s’avancer vers mon mentor.
    -Abnar!
    Mon maitre se retourne, et la stupéfaction se lit sur son visage:
    -Maitre?
    Ainsi mon maitre à moi a aussi un maitre. J’en reste abasourdie, ce qui n’est pas difficile vu la douleur que j’éprouve dans tout mon corps. L’homme se tourne vers moi, puis lève ses bras, et nous entoure de lumière. Lorsqu’elle s’éteindra, je serai dans une autre pièce.

     

    LA PIECE DU CROMLECH

     

    Parandar ouvre ses mains, et la lumière diminue, jusqu’à disparaitre. J’ouvre les yeux, et vois un cromlech au centre d’une pièce tellement vaste qu’on ne voit pas les bords. Des arbres chargés de fleurs entourent le cromlech, et le plafond est peint en un ciel étoilé, avec une lune pleine, comme dans la pièce de la forêt avec Théandras.
    Je suis adossée à une des pierres du cromlech, et mon maitre et Parandar sont au centre de celui ci. Mon mentor tout à l’heure autoritaire et énervé contre moi, semble soumis et craintif envers le dieu. Leur attention n’est pas dirigée vers moi, et j’en soupire de soulagement, car mon maitre est très agressif envers moi ces derniers temps.
    Le dieu suprême met alors à parler:
    -Abnar! L’équilibre du monde est menacé! Cette enfant ne doit pas mourir et tu le sais très bien! Si jamais elle meurt, je te ferais disparaitre, et remplacer par Danalieth, mon second immortel!
    -Maitre. Cette enfant en question doit m’obéir afin de pouvoir découvrir les magies qu’elle devra m’apprendre. Je ne voulais que la punir car elle m’a désobéi.
    -Je ne pense pas. Elle a rouvert une ancienne blessure, et ne l’a su que trop tard. Tu ne peux pas exiger d’elle plus qu’elle ne peut en fournir.
    -Elle pouvait le faire, et ne s’est jamais plainte.
    -Elle a ouvert les yeux, volé de ses propres ailes, parlé avec des gens qui pensent par eux mêmes, et a découvert un monde autre que ta grotte enchantée. C’est normal.
    -Je pensais avoir guidé son esprit…
    -Tu l’as conformé au tien. Amayelle a simplement ouvert les yeux.
    -Je ne sais plus quoi penser, maitre.
    -Laisse la rêver, mais guide la.
    -Oui, maitre.
    Le dieu pose une main sur l’épaule de mon maitre, sourit tristement, puis s’évapore.
    Mon maitre tombe à genoux, et se renferme sur lui même. Je vois qu’il est mal en point, mais je n’ose pas faire un geste, de peur qu’il m’agresse.
    Je suis tellement fatiguée que je m’endors au bout quelques minutes.
    Je me réveille quelques heures plus tard, lorsque mon maitre me secoue doucement. J’ouvre les yeux, et il me dit de sa voix douce habituelle:
    -Nous partons.
    Je suis soulagée de constater que sa voie est redevenue calme, lente et douce et non frémissante de colère.
    Je m’avance vers lui, et nous allons au centre du cromlech.
    Il me dévisage longuement, d’un œil nouveau, plus attentif, puis déclare.
    -Je te ramène auprès des chevaliers d’émeraude. Ils garderont un œil sur toi, surtout Hadrian.
    -Et vous, maitre?
    -Je vais te surveiller, et surveiller tes frères également. Je veux vous protéger de la menace de ce lieu.
    -Que savez vous?
    -Je ne peux pas te le dire.
    -Vous n’avez pas changé…
    -Si. Je t’aurais foudroyé pour cette réplique. Maintenant pars!
    -Serez vous un père pour moi?
    La réponse de mon maitre est simple. Il me pousse dans le vortex, et malgré cette réponse peut encourageante, je souris.
    Il le sera. Peut être pas un père attentif, gentil, attentionné, qui aime ses enfants, mais un père. Un père qui protège, qui informe, qui sauve.
    Un père.

     

    LA PIECE AUX LITS

     

    J’apparais dans un immense dortoir. Une dizaine de lits est alignés le long d’un mur bleu nuit. Les lits sont blancs, et le sol est d’un marbre froid immaculé, qui invite à se réfugier dans la chaleur des lits. La pièce est faiblement éclairée par un feu magique, au centre de la pièce. Tout le monde dort, excepté Wellan, qui médite sur son lit, et un homme de dos, devant le feu, qui regarde les flammes s’élever. Je m’avance lentement vers le feu, et Wellan entend le bruit de mes pas discrets sur le sol froid. Il ouvre les yeux, pour réprimander celui qui trouble sa concentration, lorsqu’il découvre mon visage. Le sien s’éclaire d’un sourire, puis il pointe l’homme de dos, et écris sur ses lèvres « Sage ». Je lui souris à mon tour, puis avance de nouveau vers le feu.
    Sage ne se retourne pas, et ne sent ma présence uniquement lorsque je m’assois à côté de lui. Il se tourne alors sur le côté, et pleure de soulagement. Il m’attire dans ses bras, et me frotte doucement le dos.
    -Où étais tu? J’ai eu si peur pour toi… Wellan m’a dit que la déesse de Rubis t’avais emmenée avec elle, et que ton maitre, fou de colère t’avais poursuivie dans la pièce où tu te trouvais. J’ai cru qu’il allait te tuer!
    -Il a failli. Au moment où il allait le faire, Parandar est apparut, et a parlé avec mon maitre. Le dieu a calmé sa colère, et mon maitre était de nouveau calme.
    -Je remercierai le dieu tout puissant par une longue prière.
    -Sage? Qu’avez vous fait après que je sois partie?
    -Wellan a déclaré que la déesse lui avait dit que tu reviendrais de toi même saine et sauve, alors nous sommes partis dans une pièce où nous avons combattu un monstre à cent yeux, puis épuisés nous sommes arrivés dans cette pièce.
    -Je suis épuisée…
    -Dors. Le sol auprès du feu est chaud. Tous les lits sont pris, et je doute que tu veuilles partager celui de Wellan! Je te veillerai.
    Je lui fait confiance et m’assoupis auprès du feu.
    Je me réveille, lorsque j’entends la voix de mon maitre dans ma tête.
    -Amayelle… Amayelle…
    -Maitre?
    -Comment vas tu?
    -Comment allez vous?
    -Je ne répondrais pas à cette question.
    -Avez vous trouvé mes frères?
    -Ils sont dans une pièce trois étages au dessus. Vous vous retrouverez.
    -Serez vous un père pour moi?
    -Un homme se considère déjà comme ton père.
    -Sage ne m’a pas élevée toute ma vie. Vous m’avez transmis des valeurs sures. Maintenant, soyez un père.
    -Bonne nuit, Amayelle.
    Le ton est doux, lent, et calme, mais dur. Je ne dois pas répliquer ou il s’énervera d’avantage. Je le salue donc, et me rendors. Je me réveille, lorsque j’entends des voix.
    -Qu’ils sont mignons tous les deux, raille Nogaït.
    -Je me demande quand ils se sont endormis, dit Santo.
    -Cessez de parler d’eux ainsi, s’écrie Kira.
    -Taisez vous, dit Wellan.
    Alors, tout le monde se tait.
    Wellan se penche vers nous, et s’apprête à nous secouer violemment, lorsque j’ouvre les yeux. Surpris, il se relève, et tout le monde éclate de rire. Sage se réveille à son tour, et sursaute. Il se relève péniblement, et tend sa main vers moi, pour que je me relève à mon tour.
    Kira nous tend un morceau de pain, et nous le mangeons rapidement. Pendant que tout le monde remballe ses affaires, Wellan s’approche de moi et dit:
    -Que s’est il passé avec Théandras?
    -Elle m’a mené dans la pièce au bassin du démon. J’y ai vu la vie difficile de mon maitre, et lorsque j’ai fait l’erreur de lui dire qu’il était comme les humains, il a manqué me tuer. Parandar l’a arrêté à temps.
    -Cette épreuve a du être difficile pour toi. Sache que je te défendrais toujours contre Abnar.
    -Je n’ai pas besoin d’être défendue, sire Wellan. Maintenant, je sais que Maitre Abnar m’aime.
    -Je n’éprouve aucun sentiment, souffle la voix de celui ci à mon oreille.
    -Je vous prouverai le contraire.
    Wellan me laisse, et je retourne vers Sage.
    Il me regarde avec affection, et ébouriffe mes cheveux. Je me surprends à penser que même si mon maitre pense ne pas pouvoir être un père, au moins, cet homme saura en être un. Sage me sourit, et je lui rends son sourire, puis nous nous dirigeons vers la porte. Alors je surprends le regard de Wellan dirigé vers nous. Lorsque je le sonde, je découvre un océan de tristesse. Wellan s’aperçoit de mon intrusion dans mon esprit, et le bloque en me lançant un regard de rage. Sage a senti aussi que j’ai lu dans son esprit, et saisi gentiment ma main. Il saisi ma main, me murmure une blague, et c’est en éclatant de rire que nous traversons la porte. Comme deux frères d’armes, comme deux amis, comme un père et sa fille.
    -Un père… murmure mon maitre à mon oreille.

     

    LA PIECE AUX NUAGES

     

    La pièce dans laquelle nous entrons est incroyable! Les murs sont bleu azur, et le sol, est immaculé. La pièce est de 10 mètres de haut, et de petits nuages parsèment la pièce. Je pousse un cri ravi, et je volète jusqu’au premier. A ma grande surprise, il est solide. Pourtant, même si je n’ai jamais vu de nuages car mon maitre m’a arrachée à Enkidiev quelques minutes après ma naissance, mon mentor m’a affirmé que les nuages étaient composés de vapeur d’eau.
    -Il sont solides!
    Je suis la seule à savoir voler, alors personne n’avait fait cette conclusion avant moi.
    Wellan s’écrie alors:
    -Comment? C’est impossible.
    -Sire Wellan, depuis le temps que vous êtes dans le chateau, vous devriez savoir que rien n’est impossible.
    -Soit. Nous nous arrêtons ici. Même si nous venons de dormir, je veux étudier ces nuages au plus vite. J’y passerai certainement la nuit.
    Tous les chevaliers se dispersent, et je retourne vers Sage.
    -Ne fais pas de bêtises, je vais communiquer avec Kira par télépathie.
    Son ton est moqueur, et je comprends qu’il n’est pas sérieux. Je souris, et le laisse s’éloigner.
    A la demande de Wellan, je cueille une poignée du nuage, puis je m’éloigne. Personne ne s’intéresse à moi, et j’en profite pour rejoindre le plus haut nuage. Je me pose dessus, et parle par télépathie.
    -Maitre?
    il apparait devant moi, et dit:
    -Amayelle? Que se passe t’il?
    -J’ai une question.
    -Je t’écoute.
    Son ton est bienveillant, et je n’hésite pas à lui poser la question. D’habitude, celui ci ne répond jamais, sauf lorsque ça a un rapport avec la prophétie qui m’accompagne.
    -Pourquoi ces nuages sont t-ils solides?
    -Ce ne sont pas des nuages.
    -Qu’est ce que c’est alors?
    -Ce sont des inventions du chateau. Elles sont en réalité de la guimauve.
    -C’est à dire?
    -Une pâte sucrée, très appréciées par les gens.
    -Je peux gouter?
    Son visage neutre laisse place à un sourire narquois.
    -J’ignorais que tu étais si aventureuse.
    -Il y a tant de choses que vous ignorez de moi…
    Il me regarde une dernière fois, puis s’efface doucement, tel un mirage.
    Je saisi une pincée de la guimauve, et la mange. Je la recrache aussitôt. C’est terriblement acide. J’en conclus que le chateau n’a pas beaucoup de talent en cuisine.
    Je descends, et vais voir Wellan.
    -C’est de la guimauve.
    -Qui te l’a apprit?
    -Mon maitre.
    -Je m’en doutais. Que mangeais tu avant de nous rejoindre?
    -Mon maitre faisait apparaitre du pain sans gout, et de l’eau. J’ai ressenti une explosion de saveur après avoir gouté pour la première fois un fruit.
    -Je l’ignorais.
    -Je sais.
    Wellan est gêné, et ne me retiens pas plus longtemps. Je vais vers Sage, et il me serre dans ces bras.
    Il chuchote:
    -J’ai une terrible nouvelle…
    -Qu’y a t’il?
    -Ignis est blessé.
    -Comment est ce arrivé?
    -Ils sont arrivés dans une pièce où des insectes géants à la solde d’Amecareth les ont attaqué. Swan et Ignis sont blessés.
    -Il faut les rejoindre!
    -Je vais en parler à Wellan.
    Il lâche doucement mes mains, et va vers Wellan. Il reviens quelques minutes plus tard.
    -Nous partons, chuchote t’il.
    Wellan rassemble ses forces, et crée un puissant vortex pour nous emmener dans la pièce où sont mes frères et ses compagnons d’armes.
    Je m’engouffre dans le vortex, et mon maitre susurre dans ma tête
    -Il ne reste qu’une heure à vivre à Ignis. Hâte toi! Je suis déjà auprès de lui, et le tient en vie de toutes mes forces.
    Je quitte donc cette pièce, plus pâle d’inquiétude que jamais.

     

    LA PIECE AUX VITRAUX

     

    La première personne que je vois dans la pièce, est Ignis, couché sur le sol. A ses côtés, notre maitre soutenant de toutes ses forces les dernière minutes de vie de mon frère.
    Je m’attarde quelques secondes pour regarder la pièce. Elle est ronde, sombre, et grande, éclairée uniquement par 5 vitraux qui prennent toute la longueur du mur. Chacun de couleur unique, dans l’ordre, bleu, rouge, rose, vert et blanc.
    -Que c’est il passé?
    Mon maitre, trop concentré sur sa tache n’écoute même pas ma question, et c’est Jasson, le chevalier chargé de veiller sur mes frères qui répond.
    -Ignis a été empoisonné par un soldat insecte qui lui a fait ingérer une petite quantité de son sang qui est nocive pour les humains.
    -Combien de temps lui reste il? demande Auriane.
    -Deux heures.
    Le ton de mon maitre voudrait être sec, mais tout le monde entend le sanglot dans sa voix.
    -Venez tous les quatre. Vous seuls pouvez sauver Ignis, car le même sang coule dans vos veines.
    Nous prenons sa place, et commençons à diffuser un nuage de magie autour d’Ignis pour le guérir. C’est un dur labeur, car chaque goutte de sang insecte rejeté est une torture pour nous.
    Nous guérissons, nous guérissons, mais, c’est trop tard. Malgré nos efforts, Ignis s’éteint peu à peu. Je hurle de frustration.
    -Non! Ignis, je t’en supplie!
    Mais il meurt…
    Nous pleurons, et personne n’ose nous interrompre. Chacun notre tour nous fermons les yeux, et lorsque nous les rouvrons, ils sont argentés.
    Nous savons quoi faire.
    Nous nous levons en même temps, et nous plaçons devant les vitraux.
    Auriane se met devant le blanc, Kio devant le vert, moi devant le rose, et Océane devant le bleu. Et nous diffusons notre magie.
    Les vitraux s’illuminent, et projettent en même temps une intense lumière sur notre jumeau. Au bout de quelques secondes, nous brisons le lien, et nous approchons d’Ignis. Nos yeux sont redevenus normaux, et les vitraux ne brillent plus intensément. Il respire.
    Mon maitre soupire de soulagement, et s’approche doucement d’Ignis. Puis il nous regarde, chacun notre tour silencieusement. Aucun de mes frères ne sait que notre mentor a accepté de se comporter en père, et cette inquisition du regard les inquiète. Souvent, notre maitre nous regardait ainsi pour scruter notre âme et les moindres recoins de nos pensées afin de savoir quelles bêtises nous avions commis en son absence. Ils ne savent comment réagir et préfèrent baisser la tête en signe de soumission. Je le regarde dans les yeux, comme lors de nos affrontements, et me fais de nouveau la réflexion que ses yeux d’argent sont extraordinaires.
    Puis il déclare:
    -Venez. Je dois vous protéger. Ceci est une preuve du fait que vous n’êtes pas invulnérables.
    Je suis triste de quitter les chevaliers, et surtout Sage. Je me glisse vers lui, et il m’attire dans ses bras.
    -Ne t’inquiète pas. Abnar sait ce qu’il fait…
    -Je suis triste de ne plus être avec toi.
    -Nous communiquerons par télépathie.
    -En aurai je le droit?
    -Je ne sais pas. Nous nous retrouverons.
    Il me caresse doucement les cheveux, puis frotte mon dos en me faisant avancer vers mon maitre.
    -Prenez en soin.
    -Ne vous inquiétez pas.
    Sage s’éloigne doucement, et avant de partir, je regarde les vitraux.
    Sur chaque vitrail est inscrit un de nos visages.
    Et mon mentor, sans plus de question nous pousse dans son vortex, puis prend Ignis dans ses bras et disparait.

     

    LA PIECE AUX AGROGLYPHES

     

    Nous tombons au beau milieu d’un champ, et notre mentor pose notre frère au sol. Il ne tarde pas à ouvrir les yeux, et notre maitre nous intime l’ordre d’aller plus loin en un discret signe de la main. Nous nous avançons au milieu du champ, qui est extraordinairement beau. En effet, il est constitué d’agroglyphes, ces extraordinaires cercles et formes géométriques dessinées dans le blé, quand certaines tiges sont pliées. Nous nous assoyons dans le champ, et nous regardons en silence. Nous sommes tellement heureux de nous retrouver, que les mots ne viennent pas. C’est Kio qui brise finalement le silence.
    -Amayelle… Je suis tellement heureux de te revoir. Tu… nous avons senti que tu étais en danger.
    -Oui. Le maitre…
    -La fois où le maitre est venu te voir, il étais tellement furieux, qu’il a manqué frapper Auriane lorsqu’elle a demandé si tu allais bien.
    -Oui, renchérit ma sœur. Et la dernière fois, il est revenu brisé. Il… il a pleuré.
    Les mots me manquent. Je ne sais que dire. Océane demande alors:
    -Que s’est il passé?
    Je leur explique donc, tout ce qui s’est passé, et lorsque je finis, ils sont émus et choqués.
    -Il nous voit en père?
    -Oui, mais en père exigeant, sans affection, qui veut que l’on obéisse à ses ordres. Il lui prendra du temps pour nous aimer. Mais, il y arrivera.
    Nous restons à bavarder jusqu’à la nuit, car cette pièce extraordinaire est réglée sur le cycle du jour. Ainsi, le ciel s’assombrit, et la pièce n’est plus éclairée que par le feu de notre maitre.
    -Venez.
    Le ton est habituel, calme, lent, et doux, mais je sens la pointe de soulagement dans sa voix. Ignis est guéri.
    -Maitre? Resterons nous toujours ici?
    -Non. Nous y resterons quelques jours, puis partirons vers une pièce plus sécurisée lorsqu’Ignis sera totalement guéri.
    -Ne rejoindrons nous pas les chevaliers?
    -Vous êtes plus en sécurité avec moi qu’auprès d’eux.
    Je me risque à mon tour.
    -Notre destin est de sauver Enkidiev. Nous devons rejoindre les chevaliers pour accomplir notre destin.
    -Pour l’instant, je suis encore le maitre, et suis en droit de décider ce qui est le mieux pour vous.
    -Nous ne sommes plus des enfants.
    -Vous êtes sous ma tutelle.
    Le ton est sec. La querelle vient d’éclater, et je le regarde dans les yeux. Comme lors de nos précédents affrontements, je ne baisse pas le regard, et continue de regarder ses yeux d’argent.
    C’est lui qui détourne le regard pour éviter de me blesser comme il l’avait déjà fait.
    Il soupire, et s’évapore. Ces querelles sont fréquentes, et nous préférons ne pas nous inquiéter. Nous savons qu’il reviendra.
    Nous nous attroupons autour du feu, et préparons à manger. C’est alors, qu’un jeune homme tombe du plafond. La surprise nous prend, et nous craignons que ce soit un homme de main du chateau.
    Auriane s’avance, et demande avec courage:
    -Qui êtes vous?!
    -Je suis Dylan. répond l’inconnu, avec un sourire amusé.
    -Pourquoi êtes vous là?
    -Je viens voir quelqu’un. répond il avec un sourire plus franc encore.
    -Nous ne vous connaissons pas.
    -Ce n’est pas vous que je viens voir, quoique, je renouvellerais cette rencontre avec plaisir. répond il avec un sourire narquois.
    -Notre maitre n’est pas là.
    -Soit. Je l’attendrai à l’autre bout du champ.
    Et il s’évapore, comme le fait mon maitre.
    Nous n’y pensons plus, et préparons à manger. Je me porte volontaire pour porter sa part à notre mentor. Lorsqu’il est irritable, mes jumeaux préfèrent éviter de lui parler. Je suis certainement celle qui le craint le moins. Je sonde la pièce avec mes sens magiques, et le repère cinquante mètres plus loin, assis au milieu des blés, presque indétectable.
    Je m’approche, et lui tend une assiette. Il la repousse sans même me regarder.
    -Qu’avez vous?
    -Laisse moi.
    Il ne me regarde toujours pas, m’évite même.
    -Mes jumeaux s’inquiètent pour vous.
    -Pas toi?
    -Je suis toujours inquiète.
    Il se tourne vers moi, et ses yeux d’argent luisent faiblement dans le noir. Son regard me fuit, et si je ne le connaissais pas si bien j’aurais pu penser qu’il pleurait.
    -Pourquoi? Je suis le même depuis toujours.
    -Vous êtes indécis.
    -Oui.
    -Pourquoi?
    -Je ne peux changer mes habitudes. Pour maitriser toute votre magie, vous devez vous plier à une discipline de fer, et si je deviens votre père, vous n’y arriverez jamais.
    -Lorsque j’étais petite, ce qui m’a le plus manqué, c’était votre affection.
    -Tu n’as rien laissé paraitre.
    -Votre blessure à vous est plus grande encore.
    -Qu’as tu dis?
    Le ton est menaçant. Je l’ai énervé sans m’en rendre compte. Je préfère changer de sujet avant qu’il me jette au sol.
    -Nous avons un visiteur.
    -Qui?
    -Dylan. il a une énergie comme la votre.
    -Évidemment, c’est un immortel.
    Mon maitre se lève, et me tend sa main. C’est la première fois qu’il le fait, et je suis surprise. Je la saisi, et il nous télé transporte à l’autre bout du champ, là où est Dylan.
    Il est assis, les yeux fermés, et médite.
    -Bonsoir petite, bonsoir Abnar. dit il de sa voix chantante, les yeux toujours fermés.
    -Bonsoir Dylan. Que fais tu ici?
    -Je viens te transmettre un ordre des dieux.
    -Lequel?
    -Tu dois laisser les enfants rejoindre les chevaliers d’Emeraude.
    Mon maitre marmonne et cela fait sourire l’immortel.
    -Quand?
    -Lorsque l’enfant de feu sera guéri, ce qui ne saurait tarder.
    Mon maitre bougonne d’avantage, et cette fois ci, l’autre sourit narquoisement.
    Mon mentor s’évapore en une pluie d’étoile, et me laisse seule avec l’immortel.
    -Acceptez vous notre hospitalité?
    Il ouvre les yeux, et sourit.
    -Avec plaisir, jeune fille. Abnar a enfin des enfants?
    -Non, il est mon maitre.
    -qui est ton père?
    -Personne, mais un homme qui s’appelle Sage est tel quel pour moi.
    -Je suis ravi de savoir que mon beau-frère s’est trouvé une fille.
    -Votre beau-frère?
    -Kira est ma sœur. Et inutile de me vouvoyer, tu peux me tutoyer comme tu le fais avec Sage.
    -Incroyable!
    -Je garderai un œil sur toi, Amayelle… Je t’aiderai dans les situations difficiles.
    -Es tu un aventurier?
    -Non. Je n’ai pas franchi le Cathedrhall comme vous. Je me métamorphose ici grâce à ma pensée.
    -Et mon maitre?
    -Ton maitre l’a franchi. Il est prisonnier ici aussi, qu’il le veuille ou non. Disons qu’il est un aventurier récalcitrant, qui veut visiter le minimum de pièces.
    -Suis moi, nous devons retourner auprès d’Abnar et de mes jumeaux.
    -Ce sont tes jumeaux?
    -Oui, mais nous avons des différences avec les autre humains. Nous avons tous des ailes translucides, et Kio, a des oreilles d’elfe.
    -Incroyable!
    -Viens…
    Nous nous dirigeons vers le feu, et Maitre Abnar ne lève même pas un regard vers nous. Il est dans une méditation profonde, et personne n’ose le déranger.
    Dylan s’assoit en silence, et sourit à mes frères. Puis, nous nous endormons tous à côté du feu, aux côtés de notre maitre, toujours en méditation.
    Nous nous réveillons au matin, et voyons notre mentor, qui n’a pas bougé, toujours en méditation. Dylan nous entraine plus loin, et nous commençons à bavarder joyeusement. Nous posons des questions à Dylan, qui nous répond du mieux qu’il peut.
    -C’est quoi du chocolat?
    -Le ciel est vraiment bleu dehors?
    -A quoi ressemble une rose?
    -Combien y a t’il de pays à Enkidiev?
    -C’est sucré la guimauve?
    Les questions fusent en même temps, et Dylan a du mal à nous répondre. C’est seulement au coucher du soleil que nous nous arrêtons, et nous nous dirigeons vers le feu magique de notre mentor qui n’a pas cessé de bruler pendant la journée. Cette fois ci, notre maitre est lucide, et nous déclare de sa voix neutre:
    -Nous partons. Ignis est guéri. Nous rejoindrons les chevaliers d’Emeraude dans une autre pièce. Je ne sais pas où ils sont, alors ça sera difficile.
    C’est alors qu’une voix fuse derrière lui:
    -Mais moi, je sais!
    Notre mentor se retourne, et je m’exclame:
    -Sire Onyx!
    -Oui, c’est moi. Cessons ce bla bla conventionnel, et venez. J’ouvre un vortex pour que vous rejoignez les chevaliers d’Emeraude. Venez vous maitre Abnar?
    -Oui. Je veux veiller sur eux.
    -Alors venez.
    -Attendez!
    Dylan s’approche, et dit.
    -Je ne viens pas avec vous, mais j’ai un cadeau pour Amayelle.
    Il s’approche et me chuchote:
    -De la guimauve. De la vraie. Pas la pâle copie que tu as mangé dans la pièce aux nuages, mais de la vraie. Sucrée et collante. Il me tend un petit paquet, puis s’évapore doucement. alors Onyx, que cette scène ennuyait au plus au point, faisant fi des salutations banales, nous pousse dans le vortex, même notre mentor, qui laisse échapper un juron d’indignation. Je souris et ferme les yeux. J’ai tellement hâte de revoir Sage…

     

    LA PIECE OU SAGE DÉCOUVRE QU’IL EST LE FILS DU CHÂTEAU

     

    Nous apparaissons mes frères, maitre Abnar, Onyx et moi dans une pièce toute en longueur. Les chevaliers sont là, mais semblent pétrifiés de peur. Nous nous retournons, et voyons un homme grand, masqué et vêtu entièrement de noir.
    Onyx, nullement impressionné lance:
    -Tiens donc… Qui êtes vous?
    -J’ai plusieurs noms. On m’appelle souvent le chateau, mais je préfère que vous trembliez devant le nom Tayaress.
    Mon maitre tremble vraiment, et nous pousse derrière lui pour nous protéger. Il saisi ma main et celle d’Ignis, sachant très bien que nous sommes les seuls capables de provoquer le chateau avec Onyx.
    -Que voulez vous donc? dit Onyx, toujours peu impressionné.
    -Je veux parler à Sage.
    Puis il se tourne vers mon ami, et dit:
    -Mon fils… Approche…
    -Je ne suis pas votre fils. Je suis né de l’union de Sutton d’Espérita et Jahonne d’Alombria.
    Sa voix tremble de peur. Il ne veut pas être le fils d’un monstre.
    -Ton père t’a adopté. Je suis réellement le tien.
    -Que voulez vous?
    -Rejoins mes troupes. Règne à mes côtés.
    -Jamais!
    -Pourquoi?
    -J’ai une femme et une fille!
    -Cela ne t’empêche pas de me rejoindre.
    -Mes idéaux sont contraires aux vôtres. Je veux un monde libre, sans que des innocents soient tués.
    -Soi. Alors, nous sommes ennemis.
    Et l’homme disparait, dans un nuage de fumée. Mon mentor tient toujours ma main, et me serre tellement fort, que j’emmets une plainte sourde, et il lâche ma main, en un geste d’excuse. Il nous attire alors dans un coin de la pièce, et nous force à nous asseoir. Il s’agenouille à son tour devant nous, et plutôt que de nous parler comme à son habitude, il nous regarde.
    Il sonde notre âme, devine nos moindres pensées, cherche nos besoins, nos rêves, nos peurs. Ces moments là sont rares. La plupart du temps, il nous sonde pour deviner ce que nous avons fait de mal, pour nous punir.
    Là, c’est un moment plus rare encore, pendant lequel une profonde complicité nous lie, mes frères et moi, et notre mentor. Nous ne sommes plus ses élèves, et nous sommes égaux.
    Chacun de nous sait qu’il est inutile de résister à cette intrusion dans notre esprit, sachant que notre maitre est le plus puissant de nous.
    Il est toujours aussi inexpressif et calme, mais est contrairement à son habitude, attentif, et tel un père. D’habitude, il est froid, distant, et là, se laisse submergé par la connexion qu’il a établi entre nous.
    L’espace d’un instant, ces yeux d’acier inexpressifs baissent les armes et laissent place à ses yeux d’argent extraordinaires, attentifs et vifs.Des rides sont apparues sur son front, et seuls ses yeux magnétiques et vifs reflètent en cet instant sa vive intelligence et ses pensées. Car son corps, en revanche est fatigué. Des rides sont apparues sur son front, et ses gestes sont lents. Le manque de sommeil y est certainement pour quelque chose.
    Mon mentor me regarde alors, et déclare avec un sourire narquois:
    -Je ne suis pas encore sénile.
    Je lui adresse alors un sourire d’excuse.
    Puis, il nous regarde une dernière fois, et nous dit:
    -Je sais que vous avez peur.
    Aucun de nous ne répond, sachant que cette remarque n’attendait pas de réponse.
    -J’ai moi même peur de Tayaress. C’est une personne extraordinairement puissante. Il me terrasserait d’un seul regard.
    Cette fois ci, nous sommes surpris. L’immortel ne s’est jamais dévoilé, et son unique moment de faiblesse, était bien celui là, pendant lequel ses yeux d’argent s’étaient éveillés.
    Auriane demande alors:
    -Quelqu’un peut vous vaincre, maitre?
    Il sourit, heureux de tant de naïveté.
    -Je ne suis pas invincible, jeune fille. Chaque personne en ce monde, a un adversaire supérieur, et disons que je l’ai trouvé.
    Kio, interloqué demande alors:
    -Comment le chateau a t’il su où Sage était?
    -Le chateau est omniprésent, jeune elfe, il sait toujours où nous sommes.
    Le surnom nous fait sourire, car il a des oreilles d’elfe depuis sa naissance. I la déployé d’ailleurs, des capacités télépathiques supérieures aux nôtres, quelques mois après sa naissance. Le surnom ne l’avait plus quitté jusqu’à ce que nous quittions notre mentor pour explorer le chateau.
    Wellan dit alors par voie télépathique:
    -Nous partons. Suivez moi.
    Notre maitre se relève, et nous en faisons autant.
    Il attend que tous les chevaliers aient quitté la pièce, et passe devant nous pour prévenir un éventuel danger.
    Bien lui en prit, car lorsque nous passons la porte, nous n’imaginons même pas ce qui nous attend dans la pièce suivante.

     

    LA PIECE AUX SOLDATS INSECTES

     

    La menace est là.
    Lorsque nous pénétrons dans la pièce, notre maitre, dans un réflexe se campe et active sa magie. Les chevaliers d’Emeraude sortent leurs épées, aux aguets, à l’affut du moindre danger. Et pour cause. Une cinquantaine de soldats insectes nous fait face.
    Nous ne sommes qu’une quinzaine, et heureusement que la pièce est suffisamment large pour tous nous contenir, car autrement, nous n’aurions pas la place de combattre.
    Notre mentor nous ordonne d’activer notre magie, et de nous tenir prêts. Kio, Auriane et Océane obtempèrent, mais Ignis et moi restons immobiles.
    Notre maitre, ayant deviné nos intentions pousse un profond soupir d’exaspération. En effet. Nous faisons chacun apparaitre un poignard d’argent, et jouons avec l’arme quelques secondes le temps de retrouver notre maniabilité du poignard.
    Je ne l’ai peut être pas précisé, mais depuis que nous avons 11 ans, Ignis et moi, utilisons le poignard, malgré les ordres contraires de notre maitre, n’aimant pas cet art obscur et peu glorieux. Il a maintes fois puni Ignis lorsque celui ci lui a déclaré que la magie est un art obscur également si on la pratique dans le noir. Les traits d’humour ne plaisent pas à notre mentor, et Ignis en a fait les frais.
    Nous avons appris seuls, mais nous débrouillons très bien avec.
    Maitre Abnar nous adresse un regard de désapprobation, car notre premier réflexe n’est pas d’utiliser la magie, mais de sortir un poignard.
    Il n’a pas le temps de faire la moindre réflexion, car les soldats insectes attaquent, et le champ de bataille est empli de sifflements, la langue des insectes, et de cris.
    Nous nous débrouillons bien. Mon poignard vole, et passe sans un bruit près de mes victimes. Je me contente de les blesser, car je n’aime pas détruire la vie. Mes mouvements fluides et rapides me permettent un mouvement d’avance sur mes adversaires. Tout se passe bien jusqu’à ce qu’un soldat que je n’avais pas vu me pousse au sol. Il s’apprête à me donner le coup de grâce lorsqu’un jet de magie me frôle, et va se planter dans le dos de mon adversaire. Je me retourne et vois mon mentor, debout, et la main levée vers le ciel. Je sens qu’il est sur le point de me foudroyer pour mon imprudence, et préfère le remercier d’un signe de tête et retourner me battre. Je n’ai que le temps de voir un bref sourire sur son visage.
    Cette fois, ça y est. Les soldats ennemis sont tous morts. Les chevaliers se congratulent, et je retourne avec Ignis vers l’immortel.
    Il félicite Auriane, Kio et Océane, et se tourne vers nous deux.
    -Nous allons avoir une discussion, jeunes gens. Je croyais avoir été clair lorsque j’ai dit « Activez votre magie ». J’en ai plus qu’assez que vous sortiez votre poignard dès que vous êtes en danger. Je vous enseigne la magie depuis votre naissance!
    Nous ne répliquons rien, et il nous pousse tous vers la porte. Nous la passons, et lorsque je me retourne, je vois le sourire amusé du magicien de Cristal lorsqu’il nous regarde Ignis et moi.

     

    LA PIECE AUX COUSSINS COLORES

     

    Le sourire amusé de notre maitre laisse place a de l’étonnement lorsque nous pénétrons dans la pièce. La pièce, est vaste et ronde. Une rotonde faite de verre coloré filtre la douce lumière du plafond. Au sol, des milliers de coussins colorés, tellement qu’on est obligé de marcher dessus. Les chevaliers s’assoient, et se préparent à se reposer après leur combat contre les insectes.
    Notre mentor a d’autres projets, et dit à Océane, Kio et Auriane de se reposer.
    Je sais alors que Ignis et moi allons passer un sale quart d’heure.
    Notre mentor, nous entraine au fond de la pièce, et nous marchons cinq bonnes minutes, derrière lui. Finalement, lorsque nous sommes assez éloignés, il s’assoit, et nous invite à faire de même.
    -Je croyais avoir été clair.
    Aucune réponse.
    -Visiblement non.
    Aucune réponse.
    -Je vous enseigne la magie depuis votre naissance. J’estime que vous êtes suffisamment entrainés pour pouvoir vous défendre.
    Aucune réponse.
    -N’utilisez plus de poignards!
    Aucune réponse.
    Profond soupir de l’immortel.
    -J’ai du sauver la vie d’Amayelle aujourd’hui. Elle n’a pas été assez prudente. Le poignard ne l’a pas protégé.
    Aucune réponse.
    -Je ne veux pas que vous mourriez stupidement! Je vous protège depuis votre naissance!
    -Aucune réponse.
    -Je ne veux que vous protéger. Je tiens à vous.
    Aucune réponse. Une larme de ma part coule, et Ignis saisit ma main. Notre mentor nous regarde longuement, silencieux, pensif. Puis, il dit:
    -Amayelle…
    Silence.
    -Suis moi.
    Je me lève, toujours silencieuse. Je le suis.
    Il me tend sa main. J’hésite. Je sais qu’il va m’emmener dans une autre pièce. Je serai alors seule, sans Ignis pour me soutenir.
    Je reste de longues minutes, hésitante. Je n’ai pas envie de le suivre. Je serai alors seule. Mais si je ne le fais pas, je risque de subir sa colère.
    -Où m’emmenez vous?
    -Voir un ami. Il nous sera utile.
    -Comment s’appelle t’il?
    Je saisi sa main. Je ferme les yeux. Je n’entends que le souffle de Maitre Abnar.
    -Il s’appelle Mandragore, Nicolas Mandragore.
    Puis tout devient noir.

     

    LA PIECE AUX OBJETS QUI S’APPELLENT DES ORDINATEURS

     

    Nous apparaissons dans une pièce où un homme seul, aux yeux bleus magnétiques est assis. Il est devant des appareils étranges, qui émettent une faible lumière. Mon mentor disparait aussitôt et me laisse seule avec l’inconnu.
    Il se retourne, et me regarde. Peu étonné. L’air très fatigué. J’y trouve de la ressemblance avec mon mentor, car ils ont le même air sérieux et sévère.
    -Bonjour Amayelle.
    Bonne surprise, il connait mon nom, j’ignore le sien, à moins que ce ne soit ce Mandragore.
    -Que faites vous?
    -Je travaille sur les ordinateurs.
    -Les quoi?
    -J’oubliai que tu ne connaissais pas la technologie. C’est un appareil qui permet de faire des recherches sur tout, d’écrire des choses, de partager avec des gens du monde entier.
    -Faire des recherches?
    -Quel est le problème?
    -Pourriez vous chercher un renseignement sur quelqu’un qui s’appellerait Tayaress?
    -Tu joue avec le feu.
    -Pourquoi?
    -C’est l’un des hommes les plus dangereux du monde.
    -C’est un homme?
    -Oui, pourquoi? Un très grand sorcier.
    -Ce n’est pas… Le chateau?
    -Bien sur que non!
    -Alors… Il nous a menti.
    -Ah! Cette histoire! Ton mentor m’en a parlé. En effet. Tayaress n’est pas le chateau. Il a utilisé cette image pour vous faire peur. C’est un homme très dangereux.
    -Mon ami Sage… Est il le fils de cet homme?
    -Oui. Pas du chateau, ni de Sutton. Il a voulu faire peur à Sage pour qu’il abandonne sa quête.
    -Qui êtes vous?
    L’homme ignore superbement la question.
    -Pourquoi savoir qui es Tayaress t’intéresse t’il?
    -Je veux savoir pourquoi mon maitre a peur de lui.
    -Tu ne sauras rien. Il ne te dira rien.
    Alors, un de ces « ordinateurs » bipe, et l’homme se retourne. Il se dirige vers lui, et appuie sur une touche. Une image apparait à l’écran.
    -Nicolas?
    -Ilsa!
    -Où es tu?
    -Cela ne te concerne pas.
    -Nous t’attendons.
    -Obéissez à mes ordres par distance. Je ne pas quitter l’endroit où je suis.
    -Que faut il faire?
    Un deuxième visage apparait alors à l’écran.
    -Il ne nous dira rien, Ilsa! Il ne nous dit jamais rien. Nous ne savons rien de lui. Il va nous envoyer pour une mission suicide qui concerne ses intérêts.
    -Tais toi Neil, intervient sèchement l’homme. Je t’ai sauvé de la mort. Écoute bien mes instructions, c’est ta seule chance de survivre.
    L’homme explique alors une mission aux deux enfants, à laquelle je ne comprends rien. Puis, il la coupe, et se tourne vers moi.
    -Pourquoi ne pas leur avoir dit où vous étiez?
    Aucune réponse.
    -Qui sont ils?
    -Mes effacés. Je leur ai sauvé la vie.
    -Pourquoi vos paumes brillent elles?
    Aucune réponse.
    -Quel est votre nom?
    -Appelle moi Nicolas, Nicolas Mandragore.
    Depuis combien de temps êtes vous ici?
    -Deux mois. Maintenant je communiquerais avec mes enfants via leurs oreillettes.
    Je ne comprend rien à son vocabulaire.
    -Ce sont vos enfants?
    -Non. Pas de sang.
    -Partons nous maintenant?
    -Oui.
    Il se lève, et se dirige vers la porte. En passant l’embrasure, je remarque alors ses yeux, magnétiques comme ceux de mon maitre. Il suit mon regard, et sourit. D’un sourire machiavélique.

     

    LA PIECE DE LA DERNIÈRE DANSE

     

    La pièce dans laquelle nous entrons, est longue, et est recouverte de parquet. Des glaces ornent un mur, et les autres sont bleus pâles, Un lustre de cristal aux centaines de bougies éclairent la pièce dans une semi pénombre. Une musique douce, entrainante se laisse entendre. J’ai envie de danser.
    Danser pour oublier mes malheurs l’espace d’un instant.
    Je ne sais pas danser, car c’est une discipline que mon mentor n’a pas jugé bon de m’apprendre.
    Mandragore se fiche totalement de la nostalgie qui m’envahit, et continue d’avancer.
    Alors, je l’arrête en lui touchant la main. Je me fais la réflexion que ses paumes, en plus d’être brillantes sont d’un métal fluide.
    Je fais un discret signe de tête, et montre la pièce.
    Des fantômes. Une dizaine de fantômes. Ils dansent. La mélodie d’abord triste devient rapidement violente et rapide. Puis s’évapore en un souffle. Cette danse, est leur vie.
    Maintenant morts, prisonniers du sort du château, ces anciens aventuriers sont condamnés à danser et danser pour l’éternité.
    Une larme coule, et s’écrase sur le sol. Alors, les fantômes s’évaporent doucement, tels des mirages, laissant croire qu’ils n’avaient jamais été là.
    Les yeux bleus limpides et magnétiques de Mandragore sont vides de sentiment. Peu perturbé de cette danse violente, il rejoint déjà la sortie.
    Deux portes se présentent. Une de marbre, et l’autre de bois.
    Mandragore déclare:
    -Je dois me rendre dans une pièce où il y a d’autres ordinateurs. C’est cette porte là que j’emprunte.
    -Je voudrais continuer seule.
    Cet homme aux yeux terriblement bleus me fait peur. Il semble n’avoir aucun sentiment, sait tout et ne dit rien de lui. Je ne sais pas pourquoi ses paumes sont recouvertes de Kevlar, ni qui sont les enfants à qui il parlait.
    -Soit. Bonne chance Amayelle. Nos routes se recroiseront.
    J’espère sincèrement que c’est le plus tardivement possible, car cet homme sans émotions me terrifie.
    Il se dirige vers la porte de marbre et moi celle de bois.
    Et, en passant l’embrasure de la porte, j’entends la musique de cette danse infernale rejouer. Et je sais que c’est pour l’éternité.

     

    LA PIECE AUX ÉTOILES

     

    Je rentre dans une pièce étrange. Sans gravité. Des étoiles miniatures gravitent dans cette pièce sombre. Des étoiles apparaissent une à une, et cet ensemble, est incroyable. Rien ne perturbe l’équilibre de la pièce, pas un courant d’air, et la lumière n’est produite que par les étoiles. Chose étrange: il n’y a pas de porte, et pas de lune.
    Je décide de ne pas commencer à chercher la porte, et de contempler la quiétude, l’harmonie de la pièce.
    Une voix dit alors derrière moi:
    -C’est beau n’est ce pas? Chaque étoile représente une pièce du chateau.
    Je me retourne lentement, car la gravité n’existant pas, seules mes ailes me permettent de me mouvoir, et au prix d’un grand effort, même si curieusement ici, je ne ressens aucune sensation. Ni faim, ni soif, ni fatigue, ni douleur. Peut être un peu de froid.
    C’est un homme jeune, de 18 ou 20 ans. Difficile de voir dans la pénombre.
    -Qui êtes vous?
    -Tu peux me tutoyer. Je suis un aventurier.
    -Moi aussi. Je m’appelle Amayelle d’Emeraude.
    -Tu peux m’appeler Immanuel ou Jeshua.
    -Immanuel. Comment es tu arrivé ici?
    -Je suis un prophète. Je suis venu ici dans le but de sauver le maximum de vies. « Innocens ille non moritur. Visum est mihi ».
    -Tu parles latin.
    -Oui.
    -Ta quête, c’est sauver les innocents?
    -Oui, en effet.
    -Je cherche les chevaliers d’Emeraude. Je dois les rejoindre.
    -Faisons route ensemble.
    -Avec plaisir. Comment sortir?
    -Il n’y a pas de porte. Je vais te montrer comment quitter cette pièce.
    -Si tu savais comment le faire, pourquoi es tu resté?
    -Je t’attendais. Mange.
    Il me tend un bonbon luisant. Bleu pastel. Je le regarde d’un air interrogatif, et il m’incite d’un sourire à le manger.
    Je le suce, et plus je le fais, plus je deviens translucide. Je m’affole.
    -Qu’est ce qui m’arrive?
    -C’est normal. Nous allons partir dans une autre pièce. N’ai pas peur.
    Je le crois, et regarde une dernière fois la pièce.
    Cette fois ci, je suis transparente. Je disparait.
    Une nouvelle étoile apparait. Je souris.

     

    LA PIECE AUX MORTS COUVERTS DE SANG

     

    Nous apparaissons, Immanuel et moi dans une pièce des plus horribles. Des corps gisent au sol, et saignent abondement. Certains morts sont pendus par une corde épaisse, teintée de sang séché. Certains sont récents, et d’autres datent de plusieurs années. Les corps en décompositions font naitre une odeur putride et nauséabonde.
    Cet ensemble sanguinolent fait un dégradé saisissant allant du rouge vermeil à l’ocre.
    Toutes ces couleurs et ces odeurs nous choquent, Immanuel et moi. Le prophète murmure, bouleversé:
    -Ce n’était pas mon message… Aimez vous les uns les autres. Ne faites pas ce que vous n’aimeriez pas qu’on vous fasse… Ma vie est un échec.
    -Ne dis pas ça. Le chateau n’a pas la même logique que les humains.
    -Les innocents ne devraient pas mourir ainsi. Personne.
    -Tu vengeras leu mort.
    -Non. Je dois rendre le bien pour le mal. Vaincre les cruels par l’amour, en les instruisant sur la compassion, la générosité, la tolérance et le respect de la vie. Tu comprends?
    -Oui. Quel dieu sert tu?
    -Je ne l’appelle pas Dieu. C’est une entité supérieure éternelle.
    -Je crois en Parandar.
    -Nous ne venons pas du même monde.
    J’éclate alors en sanglots amers. Toute la souffrance, la douleur, la tristesse, la haine, et la colère des derniers jours, contenue au plus profond de mon âme m’échappe alors, et se laisse transparaitre par les larmes. Mon âme n’attendait qu’une occasion comme celle ci pour déverser ses sentiments.
    Immanuel, aussi bouleversé que moi, mais plus respectueux envers les morts, saisit doucement ma main, et m’entraine vers la sortie.
    Je ne me retourne pas. Je ne veux plus jamais voir cette pièce de ma vie. Ou de ma mort.

     

    LA PIECE A LA PLUIE

     

    J’entre dans cette pièce, avec Immanuel, le visage encore baigné de larmes. La pièce est étrange. Le sol est de dalles grises. Des gouttes d’eau tombent des nuages orageux qui tapissent le plafond, et s’infiltrent à travers les interstices que laissent les dalles. Les gouttes ruissellent. La pièce est grise, froide, et terne.
    -Qu’est ce que c’est? je murmure.
    -C’est de la pluie. Les nuages en font.
    -On dirait qu’ils pleurent…
    -On peut voir ça comme ça. Mais quand ils se sont vidés de leur peine, ils sont légers.
    -On dirait que ceux là pleurent depuis longtemps…
    -Peut être n’ont ils connu que le malheur.
    Je pense alors que ce n’est pas mon cas. Je partage des moments extraordinaires avec mes jumeaux, et Sage. Ma vie n’est peut être pas que de soleil, mais est au moins un arc en ciel au milieu de la pluie.
    Cette sensation est grisante. Je sens l’eau, qui coule le long de mon échine, et les gouttes qui ruissellent dans mes cheveux. Je ne me suis jamais sentie aussi vivante.
    Mes ailles sont trempées. Elles me pèsent, et je préfère marcher vers la sortie. La poignée de la porte aussi est trempée.

     

    LA PIECE DE GUIMAUVE DE COULEUR MAUVE JUSTEMENT

     

    La pièce dans laquelle nous entrons Immanuel et moi est très chaude, de couleur mauve. Mes pieds nus s’enfoncent dans le sol, et comme ils sont mouillés, ils collent légèrement à la matière qui est étrange.
    La pièce entière est mauve. Le sol, les murs et le plafond. Je ne comprends pas comment la pièce est éclairée car il n’y a pas de lumière. Il n’y a d’ailleurs pas de porte, ou une quelconque sortie.
    Je m’accroupis sur le sol. Immanuel s’arrête à son tour, et m’imite. J’arrache une poignée de la matière mauve qui compose le sol. Collante et molle. Je la porte à ma bouche avant qu’Immanuel ne m’en empêche.
    -Tu es folle? Ce pourrait être du poison!
    Je lui souris et touche sa main doucement.
    -C’est de la guimauve.
    Celle ci est délicieusement sucrée. Pas comme celle de la pièce aux nuages. Ce goût est délicieux. N’ayant jamais mangé durant mon enfance autre chose que du pain, lorsque j’ai goûté un fruit, j’ai ressenti une explosion de saveurs. Mais là, c’est exceptionnel. Je pourrais en être dépendante.
    Immanuel murmure:
    -Il n’y a pas de porte.
    Nous avons tous les deux les yeux fixés sur le sol malléable.
    -J’ai une idée, et elle devrait te plaire.
    Je relève les yeux, et le regarde d’un air interrogatif.
    -Il faudrait manger un bout du sol. Nous pourrions après sauter dans la pièce d’en dessous.
    Je souris. Cette idée me plait énormément. Elle semble moins plaire à Immanuel.
    -Tu n’aimes pas la guimauve?
    -Non. Mais j’ai appris à remercier le ciel pour toutes les choses qu’il m’offre. Que j’aime ça ou non.
    -Commençons.
    -Oui.
    Je commence à manger lentement le sol. Profitant de chaque bouchée, telle un rayon de soleil dans ma bouche. Immanuel se contente de poser doucement plus loin les morceaux qu’il arrache. Puis, au bout de quelques minutes, il se relève lentement. Je comprends ce qu’il veut faire et m’écarte doucement. Il saute sur le sol, qui se brise. Il tombe dans la pièce d’en dessous. Je ne l’entends pas tomber. Sa voix s’élève alors du trou.
    -Tu viens? Tu vas avoir un choc thermique!
    -C’est quoi?
    -Il fait très froid ici.
    Je saute dans le trou, en espérant bien me réceptionner.

     

    LA PIECE A LA NEIGE

     

    J’atterris sur une surface gelée, poudreuse, qui me gèle au plus profond de moi. C’est la première fois que j’ai aussi froid.
    J’ai les yeux fermés, à cause du choc, et ne les ouvre que lorsque Immanuel saisit ma main.
    -Ça va? Il fait froid, n’est ce pas?
    -Oui… C’est quoi cette chose?
    -Tu ne sais vraiment rien! C’est de la neige.
    Je le regarde dans les yeux, et malgré mes efforts pour ne rien laisser paraitre, il décèle au plus profond de moi une profonde tristesse.
    -Qu’as tu?
    -Immanuel… J’ai toujours vécu au chateau. Je n’ai aucun souvenir du dehors. Je sais des choses sur la magie, que tu ne sauras jamais, mais, tu es tellement savant comparé à moi… Tu connais la pluie, le soleil, le vent, la nuit… Immanuel, je n’ai jamais vu le ciel…
    Le prophète comprend qu’il m’a blessée, et il essuie doucement la larme gelée qui coule sur ma joue.
    -Je suis désolé… Je ne pensais pas que tu n’avais aucun souvenir du dehors. Je croyais que ton mentor t’avait appris toutes ces choses…
    -Il ne m’a appris que les bases de la magie.
    -Je ne savais pas.
    Je me renferme sur moi même. Je ne veux pas de sa pitié. Je veux être indépendante. Je ne veux pas m’apitoyer sur mon sort.
    -Avançons. Il fait froid.
    Il voudrait répliquer, mais par respect pour mon silence, il se lève, et me tend sa main pour que je me relève.
    Nous avançons au milieu de la neige. La pièce, tout en longueur est recouverte de cette matière froide, qui étincelle à la lumière des lustres de glace suspendus au plafond constellé de minuscules cristaux. Les murs sont bleus pastel et brillent faiblement également. Immanuel me dit que c’est de la glace.
    Nous atteignons finalement la porte, et j’en suis ravie, car mes pieds nus commençaient à geler.
    La porte s’efface doucement devant nous, et j’aperçois la pièce suivante. Je souris tandis qu’Emmanuel soupire profondément.

     

    LA PIECE AU PIANISTE TROP JOYEUX
    Pièce découverte par Aifé, mon second personnage, machiavélique.

     

    Ça y est. Je suis entrée dans le Cathedrhall… Dans le Chateau. Mon but ultime, mon rêve. Enfin, mon rêve, je n’ai jamais rêvé de ma vie. Je ne suis pas joyeuse, heureuse, je n’éprouve aucun sentiment. Je suis une naga. Une reptilienne. Habituellement, les nagas sont des hommes. Mais quelque chose, s’est mal passé, et je suis née. Reniée par ma race, je suis entrée dans ce chateau, en quête de vengeance. Je veux prêter serment au Chateau. Je sais qu’il me fournira suffisamment de victimes pour apaiser ma soif de sang.
    La pièce dans laquelle je suis entrée est tout ce qu’il y a de joyeux, ce que j’ai en horreur. De l’herbe verte tendre recouvre le sol, des fleurs s’épanouissent ici et là, et au centre d’un kiosque de pierre blanche s’élève une mélodie joyeuse.
    Je reconnais l’hymne à la joie, musique que je hais.
    Le pianiste me tourne le dos, et ses doigts glissent sur les touches. Une fausse note, puis plus rien. Il s’affale.
    Je suis peu être un peu extrême, mais je n’ai pas hésité un seul instant.
    Mon poignard s’est enfoncé dans la gorge du pianiste.
    Je m’installe sur le siège. Je commence quelques notes. La mélodie de la danse macabre se laisse entendre. Aussitôt la pièce change du tout pour tout. Le sol se recouvre de dalles grises, et les murs sont ensanglantés. Des ronces enveloppent le piano, n’épargnant que les touches.
    La dernière note jouée, je quitte tranquillement cette pièce, espérant que le Chateau m’accepte rapidement dans ses rangs.
    La poignée est rouge de sang frais. Ma main est ensanglantée.

     

    LA PIECE DU PETIT PRINCE
    Cette pièce a été découverte par Amayelle

     

    Le changement de température est saisissant. Une matière chaude et jaune s’étend en petits grains brulants devant moi.
    -C’est quoi, Immanuel?
    -C’est du sable. Cette pièce semble être un désert.
    -Sortons vite.
    L’atmosphère est étouffante. La chaleur monte, et le sable chaud sous mes pieds nus me brûle. Une simple brise, que je jurerai chaude par ordinaire, rafraichit légèrement ma nuque.
    Nous avançons lentement. Immanuel est légèrement avantagé, car il porte de fines chaussures de cuir. Il avance, et se retourne de temps en temps, en saisissant ma main pour m’aider.
    Il fait chaud. Je n’ai jamais été soumise à une aussi forte chaleur de toute ma vie. Nous ne parlons pas. Notre gorge est sèche.
    C’est alors que j’aperçois au loin, un homme, désemparé, aux côtés d’une sorte de machine de métal et d’un petit enfant vêtu de vert. Ces personnes semblent irréelles, mais bon, pour une personne normale, je suis certainement un mirage.
    Les deux personnes ne nous ont pas vu.
    Nous avançons, mais en leur jetant de fréquents coups d’oeil.
    -C’est le petit prince… murmure Immanuel.
    Je ne le connais pas, mais lui, semble impressionné de voir l’enfant.
    Nous sommes près de la porte. Nous l’ouvrons, et alors, des paroles me viennent à l’oreille. Jusque là, les inconnus étaient trop loin pour que je puisse les entendre, mais là, c’est clair.
    Une voix d’enfant, claire et franche:
    -Dessine moi un mouton!
    Je sors de la pièce tandis qu’Immanuel sourit. Je n’ai pas compris.

     

    LA PIECE AUX MIROIRS UN PEU BEAUCOUP BRISES, MAIS JE M’EN FICHE TOTALEMENT
    Cette pièce a été découverte par Aifé.

     

    La pièce dans laquelle je suis entrée m’est peu sympathique.
    Le sol est de rubis, qui font naitre un ensemble sanguinaire. Des miroirs constellent les murs, les recouvrent. Ils reflètent mon visage en une éternité d’exemplaires. Je me vois, telle que je suis.
    Vêtue de soie noire moulant mon corps pour me fondre dans l’obscurité, Mes longs cheveux blonds, retenus en une tresse serrée. Mes yeux bleus, seules parties de mon corps qui reflètent ce que je pense. Mon katana à ma ceinture, et mon poignard dans ma botte. Je souris à mon reflet. A ce moment, je ne ressens rien. Pour être simple, les reptiliens ne ressentent aucun émotion, et je n’en ai jamais ressenties. Puis, soudain, mes yeux se posent sur ma cicatrice. Je tressaillis. Cette cicatrice s’étend du bas de mon visage à ma poitrine. C’est un anantas, un autre reptilien qui me l’a faite. Ce jour là, j’ai failli mourir. Depuis, plus jamais, j’ai tué tous mes adversaires.
    Cette pièce, me fait ressentir un profond malaise. Je n’aime pas me voir, je n’aime pas mon reflet.
    Je ramasse un rubis. Ma main, encore ensanglantée, laisse des traces sur la pierre qui se marient vraiment bien avec la couleur de celle ci. Je cours vers la porte. Je l’ouvre, puis me retourne. Je lâche le rubis. 7 ans de malheur.

     

    LA PIECE AUX CITROUILLES
    Cette pièce a été découverte par Aifé

    La pièce dans laquelle je viens d’entrer, est longue, et le sol est recouvert de terre meuble. Des rangées de citrouilles longent les bords de la pièce, et quelques petites souris blanches courent partout. Je pense que si je vois une petite chaussure de verre, je vais éclater de rire, bien que ce ne soit pas mon habitude.
    Les murs sont bleus de nuit, et la pièce est faiblement éclairée par les citrouilles. Oui, des citrouilles émanent une douce lumière orangée. Des arbres plantés ici et là dans la pièce, font un ombrage saisissant, de manière que l’on ne voit pas le plafond. Je marche vite. J’ai faim, et je n’ai pas envie de manger de la citrouille crue. J’espère trouver rapidement de la poudre d’or, seule substance avec la chair humaine qui me permet de ne pas me changer en reptile humanoïde.
    La porte est là, et ironie du sort, est cachée par une citrouille plus grosse que les autres. Sa chair épaisse me bloque ma sortie, et même si je sais qu’après ça je serais recouverte de jus collant et visqueux, je tire mon katana, et tranche la citrouille. J’en étais sure. Tout l’intérieur de la citrouille gicle aux quatre coins de la pièce. J’en suis recouverte. Nouveau programme : Manger, et me laver.
    Hors de question que je continue mon aventure ainsi ! Personne ne me prendra pour une assassine si je suis recouverte de citrouille.
    Je saisis la poignée de la porte, qui est recouverte de lierre, et sors.

    LA PIECE AU TUNNEL D’EAU

    Cette pièce a été découverte par Amayelle

    La pièce dans laquelle nous venons d’entrer, Immanuel et moi, est un tunnel. Un tunnel de vingt mètres de long. Un tunnel dont les parois sont d’eau vive. Mes ailes me portent, à l’intérieur du tunnel, sans quoi, je serais entraînée par le courant. Je saisi la main du prophète, avant qu’il ne subisse le même sort que celui que j’aurai du endurer. Il est lourd. Je ne tiendrais pas longtemps. Il me pèse de plus en plus et mes ailes sont trop fragiles pour nous porter tous les deux. Je me retourne. Mon visage doit irradier de souffrance, car il lance :
    -Ne t’en fais pas pour moi !
    Il sourit d’un air espiègle, et lâche ma main. Il tombe, et réaparait à la surface quelques secondes plus tard. Il commence à nager.
    J’ai eu peur, mais je souris. Je recueille quelques gouttes d’eau dans ma main, et la goutte. Je gémis.
    -C’est salé !
    -Évidement ! Nous sommes dans le rouleau d’une vague ! Enfin, un rouleau éternel !
    -Une vague ? Qu’est ce que c’est ?
    -Ça fait partie de la mer !
    -La mer ? Il va falloir m’éclairer !
    -C’est une étendue d’eau salée !
    Une vague, c’est comme si tu rajoutait un énorme coup de peinture bleue à la surface de la mer !
    -C’est poétique…
    Nous atteignons la sortie, et je souris. Je connais tellement de choses… la mer, le vent, la neige, la pluie…
    Que vais je découvrir ?

     

    LA PIECE AUX COULEURS DES SENTIMENTS
    Cette pièce a été découverte par Amayelle

    La pièce dans laquelle nous venons d’entrer, Immanuel et moi, épuisés, est décidemment celle que nous attendions. Une petite pièce, immaculée. Le sol, est mou, recouvert d’une matière chaude et douce. Je suis épuisée, et mes ailes, qui m’ont portée de longues heures, ne parviennent plus à me soutenir et je tombe à terre. Immanuel en fait autant, et nous restons l’un à côté de l’autre, sans rien nous dire, nous regardant dans les yeux.
    Puis, je murmure :
    -Immanuel… Comment est le monde dehors ?
    Il hésite longuement, puis me répond, de sa voix douce :
    -Le monde est aveugle. Personne ne voit son bonheur, ne peut dessiner les couleurs des émotions qui l’entoure. Personne ne voit l’essentiel…
    -Comment voit on l’essentiel ?
    -Pas avec les yeux. Avec le cœur.
    Puis, il s’approche de moi, et prend ma main. Il murmure à mon oreille :
    -Ferme les yeux. Je vais t’apprendre.
    Je décide de faire confiance au prophète, et lui obéit.
    Je ne vois plus rien. Je sens les odeurs. Je perçois les bruits, je sens la paume d’Immanuel sur la mienne. J’entends sa voix douce, envoutante.
    -La couleur de la tristesse, c’est le bleu. Sens tu le bleu sur ta joue ?
    Une larme coule. Je le sens.
    -La couleur de l’espoir, c’est le vert. Sens tu le vert ?
    Il pose un brin d’herbe au creux de ma paume.
    -La couleur de la douleur, c’est le rouge. Le sens tu ?
    Je tressaillis. Une petite coupure sur sa main, collée contre la mienne.
    -La couleur de l’amour, c’est…
    Il hésite. Je le sens.
    -La couleur de l’amour, c’est le rose.
    Ses lèvres se posent sur les miennes. Un contact fugace, rapide, mais plein de douceur, d’émotions. J’ai vu le rose.
    J’ouvre les yeux. Immanuel court vers la porte, effrayé de son geste. Je lui cours après. Il m’embrasse de nouveau sur le seuil de la porte. Un long baiser rose…

     

    LA PIECE AUX PLUMES DE COLOMBES
    Cette pièce a été découverte par Amayelle

    Nous entrons Immanuel et moi, l’un contre l’autre dans cette pièce improbable. Le prophète laisse son regard amoureux se transformer en étonnement. Des plumes recouvrent le sol. D’une faible teinte rosée. On ne le voit plus tellement il est recouvert. Je suis encore plus épuisée que dans la dernière pièce.
    -Arrêtons nous là…
    Immanuel aquiesce, saisit ma main, et m’attire contre lui. Il me serre dans ses bras, respire mon odeur, caresse mes cheveux. Nous nous asseyons par terre, et nous regardons longuement. Ses yeux sont magnifiques. On y voit l’univers. Le prophète reste encore un mystère pour moi. Je ne sais presque rien de lui, de son passé, d’où il vient, sa famille…
    Je ressens alors une petite douleur dans mon corps. Je tremble, et murmure.
    -Excuse moi, Immanuel…
    J’entre en transe, en médiation profonde. La voix d’Ignis me parvient :
    -Amayelle ? Amayelle ?
    -Ignis ? Je suis si heureuse d’entendre ta voix…
    -Moi aussi… Tu me manques tellement !
    -Toi aussi. Comment vont Kyo, Auriane et Océane ?
    -Comme ils peuvent, et moi aussi…
    Je commence à avoir peur. Que se passe t’il ? Pourquoi Ignis semble t’il étrange ?
    -Que se passe t’il ? Il y a un problème ?
    -Tout se passe très mal avec le maitre. Il est encore plus irritable qu’avant. Les jumeaux ont tous peur de lui…
    -Et toi ?
    -Je…
    -Ignis ?
    -Je suis battu… Il me projette contre le mur dès que je lui désobéis.
    -Tu lui obéis souvent ?
    -Pas vraiment… J’en ai assez d’être dépendant…
    -Ignis ! Tu es fou ! Il pourrait te tuer. Pour le maitre tu es encore un enfant. Sous sa responsabilité.
    -J’en ai assez de cette vie, Amayelle…
    -Non…
    -Si. Tu me manques tant. J’ai peur, tout le temps. Maitre Abnar ne cesse de me blesser. Océane peine à me guérir… Nous avons tous peur. Depuis que tu es partie, le maitre est plus terrifiant qu’avant. Nous n’arrivons plus à calmer sa colère.
    -Tiens bon… Je cherche à vous rejoindre.
    -Es tu seule ?
    -Non… Ne t’inquiètes pas.
    -…
    -Ignis ?
    -…
    -Ignis? Où es tu ?
    -Amayelle ?
    Ma respiration se bloque. C’est Maitre Abnar. Je crains qu’il n’est fait du mal à Ignis. Je murmure dans ma tête :
    -Maitre ?
    -Où es tu ?
    -Je ne sais pas… Où es Ignis ?
    -Il dort.
    -Ne le tuez pas ! Je vous en supplie…
    -Je n’en ai pas l’intention.

    Puis, c’est le néant.

    Je me réveille à côté d’Immanuel. Il me veille. Il me regarde, tendrement. Je me relève, doucement, et il murmure :
    -Tu t’es évanouie… Vas tu mieux ?
    -Je… je crois.
    Il sourit, amusé, et passe sa main dans mes cheveux.
    -Tu avais une plume.
    Je me relève. En effet, il me faut quelques minutes pour enlever les plumes qui me recouvrent.
    Je chantonne une petite mélodie. Le prophète me regarde surpris, mais ne dit rien.
    Nous nous dirigeons vers la porte. Main dans la main. Juste le temps pour moi d’entendre une voix familière dans la tête.
    -Nous allons avoir une petite discussion, jeune fée, à propos de tes relations.
    Je souris, mais me ravise.
    J’ai peur pour Ignis. Mon mentor finira par le tuer.
    Immanuel m’embrasse, et j’entends de nouveau la voix.
    -qu’est ce que je viens de dire ? Recule…
    Je n’en fais rien. Nous sortons.

     

    LA PIECE AU BASSIN NOIR
    Cette pièce a été découverte par Aifé

    La pièce dans laquelle je suis entrée est magnifique. A gauche, un bassin de marbre noir. A droite, un buffet de métal argenté soutenant un plat ouvragé noir, contenant une fine poudre d’or.
    Pile ce qu’il me fallait. Je suis encore couverte de jus de citrouille.

    Je suis entrée dans le bassin d’eau froide. Mes vêtements jonchent le sol. Mes pieds foulent les marches gelées et trempées. Mon entrée dans le bassin fait apparaître une onde à sa surface brillant intensément à la lueur faible des bougies qui entourent le bassin.

    Je suis submergée, allongée dans l’eau. Je regarde le plafond, magnifique lui aussi. Des motifs géométriques sont dessinés. Le vert foncé tranche avec le noir intense. Les flammes bougent et éclairent faiblement le plafond. Parfois, un trompe l’œil donne l’impression que les formes bougent, se déplacent.

    Je suis sortie du bassin, mais j’hésite à remettre mes vêtements souillées de jus de citrouille. C’est alors qu’apparaissent des vêtements noirs. Presque comme les miens, mais plus adaptés. Plus souples, plus légers, plus résistants, plus agréables, plus moulants. Je les enfile aussitôt. Une chose me surprend. Sur le haut moulant, une inscription noire. D’un noir moins profond que les vêtements.
    « Par la bataille, pour le Chateau ! »
    Je ne sais qui m’a donné ces vêtements, mais je suppose que c’est le Chateau. Je ne sais pas à qui m’adresser, et me contente de murmurer
    -Merci…
    Un rire amusé retentit dans toute la pièce. Je ne bronche pas. C’est certainement le Chateau, et j’attends que le rire s’évapore, tel un mirage, et dis d’une voix forte.
    -Seigneur ! J’ai parcouru ciel et terre pour rejoindre votre cause. La vengeance m’anime. Prenez moi dans vos rangs !
    -Patience… Patience…
    Un nouveau rire retentit, et j’attends qu’il disparaisse également avant de bouger.
    Je me dirige vers le buffet. La poudre d’or brille intensément, et je reconnais que le Chateau sait parfaitement qui je suis, car seuls les reptiliens consomment de la poudre d’or. J’en avale aussitôt, et souris, soulagée. Je ne me transformerais pas en reptilienne avant de longues heures. Je peux donc poursuivre ma quête, à savoir retrouver le Chateau, et rejoindre ses rangs.
    Il n’y a pas de porte. Je soupire, et me dirige vers le mur. Mon pouvoir me permet de passer à travers.
    La pièce suivante m’attend.

     

    LA PIECE AUX ALIENS QUI ONT MANQUE NOUS TUER

    LA pièce dans laquelle nous venons d’entrer Immanuel et moi, retient toute mon attention. Le sol est lisse, de dalles de marbre noir. Des volutes de fumées s’échappent des interstices entre les dalles.
    Et devant nous, trois personnes. Très étranges.
    Petits, gris, avec une tête disproportionnée. Des yeux énormes, brillants, métalliques. Des doigts, légèrement palmés. Une peau flasque et grise, et parcourue de minuscules écailles.
    Ils sont apparemment agressifs, car ils nous attaquent. Ils ont des épées doubles, mais différents de celles de chez nous. La lame brille légèrement, et ils émettent une onde sourde, et malsaine.
    Je prends mon poignard. J’attaque. Leurs armes me frôlent dangereusement.
    J’allais faire remarquer à Immanuel qu’il pourrait m’aider à lutter, quand je me rappelle que le prophète n’a pas le droit d’enlever la vie.
    Je tue le premier. Reste deux.
    Un homme apparaît alors.
    Je souris en le reconnaissant. Nous faisons tous les deux apparaître une épée double, et commençons à combattre. Il en tue rapidement un, et moi un autre. Tandis qu’Immanuel court sauver les âmes des choses qui nous avaient attaqué, je m’adresse à l’homme vêtu entièrement de noir.
    -Merci, sire.
    -De toute façon, il n’y avait rien à faire à part visiter des pièces avec les chevaliers.
    Je reconnais là la façon de penser de mon interlocuteur.
    -Savez vous qui sont ces personnes ?
    -On appelle ça des aliens. Ce sont eux qui font les agroglyphes. Intervient Immanuel.
    Il enchaîne, après une petite réflexion.
    -Je ne crois pas vous connaître.
    -Je suis Onyx d’Emeraude.
    Immanuel est choqué.
    -Je connais votre vie… Vous êtes un combattant incroyable, et un roi juste.
    -Il suffisait de me voir combattre pour le savoir.
    Puis, il s’évapore, avec un sourire moqueur.
    Nous nous regardons, Immanuel et moi, puis nous dirigeons naturellement vers la sortie. Le prophète me sourit tendrement, lorsque nous passons la porte.
    J’ai peur pour Ignis.

     

    LA PIECE DE LA SOURCE

    Je me rappelle. Je me rappelle de la source, de la grotte. Je me rappelle de la pièce dans laquelle j’ai vécu, durant toute mon enfance. C’est magique. La nostalgie m’envahit. Nous étions tellement heureux. Ensemble. Ignis, Océane, Kyo, Auriane et moi. Et Maitre Abnar. Maintenant, c’est fini. Je ne suis plus une enfant, et j’ai une quête. Retrouver les chevaliers, et mes frères et sœurs.
    La pièce dans laquelle nous venons d’entrer, Immanuel et moi, m’emplis de nostalgie. Nous sommes dans une grotte. Une longue grotte. Éclairée faiblement par une lumière sourde provenant des stalactites transparentes. Cette grotte est surnaturelle. Une source de magie l’emplie, comme celle de mon maitre.
    Je me retourne, et souris à Immanuel. Je remarque alors que la porte par laquelle nous sommes passé, n’existe plus, elle s’est évaporée. Je n’aperçois que la surface rocheuse et froide devant moi.
    Nous poursuivons notre route. Avançant lentement dans le dédale de passages dans la grotte. Nous y passons plusieurs heures, goûtant au silence qui nous est offert, avant d’arriver dans une galerie qui débouche sur une source.
    Une eau miroitante nous fait face. Un traquenard. Rien autour. Il fait bien plus froid ici. Je frissonne, et Immanuel me prend dans ses bras pour me réchauffer, tandis que nous réfléchissons à un moyen de sortir d’ici. Au bout de quelques minutes, le prophète souffle à mon oreille :
    -Je ne sais pas comment sortir. Je suis désolé.
    -Nous sommes coincés ici…
    -On dirait bien.
    Je ne réponds rien, les yeux dans le vague. Je laisse mon esprit divaguer, profitant de ce moment paisible. Une voix que je ne connais que trop bien, vient interrompre ce moment de paix.
    -Amayelle…
    Je réponds, par télépathie :
    -Maitre. Qu’y a t’il ? Où est Ignis ?
    -Il va bien. Je dois te parler.
    -Si c’est pour me parler d’Immanuel, ce n’est pas le moment.
    -Non. C’est autre chose. Je peux t’aider à sortir.
    -Je ne me sens pas du tout observée.
    -Tu te permets des remarques que tu n’aurais jamais dites si tu étais avec moi.
    -Je profite de la distance.
    -Ignis n’a pas cette chance.
    Je me mords la lèvre.
    -Je vous écoute.
    -La source est magique. Comme la mienne. Pour les dieux, c’est le moyen de passage entre leur monde et le notre.
    -Je ne veux pas atterrir parmi les dieux !
    -Tu ne pourra pas. Ai confiance.
    Je coupe la communication, et Immanuel s’éloigne de moi doucement.
    -Tu as une idée ?
    -Peut être.
    Je souris d’un air joyeux, et il me répond par un sourire hésitant, soupçonneux, tout de même. Je le regarde d’un sourire moqueur, et après cet échange de sourires, je lâche sa main.
    Je tombe de ma hauteur, dans l’eau. Sensation de froid. Un autre plouf. Immanuel peut être. Une intense lumière me brûle les yeux, puis, je m’évanouis, c’est le néant.

    NOIR TOTAL

     

    LA PIECE DE LA SECTE
    Cette pièce a été découverte par Aifé.

    Je sors du mur, et me retrouve au milieu d’une secte. Des hommes, uniquement des hommes sont là, agenouillés devant un homme, debout, les bras levés vers le ciel. Personne ne remarque ma présence. Je tente de marcher discrètement, mais je heurte un fidèle. Aussitôt l’alarme est donnée. Les hommes m’assaillissent. Je les vaincs sans difficulté. Le gourou s’avance alors, et me regarde d’un air noir. Une étrange énergie se dégage de ses paumes. Une énergie que je connais trop bien. Cet homme, n’est pas un homme. Il montre ma cicatrice, d’un sourire narquois, puis, me regarde dans les yeux. Je sombre.

    Je me réveille, et sursaute. L’homme que je crains tant est penché sur moi. Son haleine fétide me trouble, et il murmure de sa voix rauque.
    -Ainsi, tu es revenue…
    -Je ne pensais pas vous revoir.
    -Je ne vais pas te tuer.
    -Bonne nouvelle.
    -Je vais faire pire. Tu rejoindra mes fidèles, tu rejoindra ma secte.
    -Je ne vous obéirais jamais.
    -Je suis bien plus puissant que toi, et tu le sais très bien. Je t’ai infligé cette cicatrice, alors tais toi.
    Je n’ai aucune chance. Cet homme est le reptilien qui m’a vaincue. Je sais qu’il est capable de m’hypnotiser, ou de me tuer simplement. Il se saisit d’une fiole, et me force à avaler son contenu. De la drogue. Il sait très bien que les nagas ont une faible résistance à la drogue, et que dans quelques secondes, il pourra faire de moi ce qu’il voudra.
    Je sombre, c’est le néant.

    Je me réveille, allongée à même le sol. Un homme assit à côté de moi me tend un morceau de pain, que je ne mange pas, et je comprends bien que le silence est de rigueur, car personne ne parle. Je tente de lui sourire, mais mes membres encore sensibles à la drogue sont trop ankylosés pour que je puisse me permettre le moindre geste. Je pousse un hurlement de frustration et de souffrance, et l’homme à mes côtés sursaute, horrifié. Il a bien raison, car quelques secondes plus tard, son gourou apparaît, et se saisit de lui. Je le revois une heure plus tard, boitant, et couvert de lésions. Le reptilien me force de nouveau à avaler sa drogue. Je sombre.

    Cette fois ci, il m’attend, et m’intime l’ordre de me lever. Je lui obéis, après beaucoup d’efforts. Je sais que si je ne le fais pas, il me droguera de nouveau.
    Il m’indique une place au milieu de ses fidèles, et me force à m’agenouiller. Il commence à parler de sa voie de stentor, et les hommes, trop épuisés et battus sont totalement fascinés par cette homme satanique. Personne ne réfléchit, personne ne parle, et tout le monde écoute, et boit les paroles de ce faux prophète. J’ai du mal à garder les yeux ouverts, et je sombre une fois encore.

    Après des semaines au milieu de cet ordre, comme tous les autres fidèles, j’obéis au gourou. Il a réussit à faire de moi ce qu’il voulait. Droguée tous les jours, ma résistance est brisée, et comme les autres, je ne pense plus, je ne mange plus, je ne dors plus, et passe mon temps à prier ce dieu qui n’en est pas un. Battue comme les autres, il use de ses griffes sous sa forme reptilienne, et m’entaille profondément le dos, sachant très bien que je ne mourrai pas, mais souffrirai énormément.
    J’ai suivi l’exemple des autres pour survivre. J’obéis, et je me tais. Je sombre tous les jours, je m’évanouis à cause de sa drogue. Ma vue se brouille d’avantage chaque jour, et je ne peux même plus penser. Ma résistance est brisée.

    Tout a changé, ce jour là. Ce jour, où Il est venu. Le jour où mon frère m’a sauvée. Il est venu pour moi. Il a subtilisé la drogue, et l’a remplacé par de la poudre d’or. Cela faisait quelques mois que je n’en avais pas consommé, et je devenais de plus en plus faible. Cette substance m’a permis de me relever pour la première fois depuis trois mois. Puis, il m’a donné un katana. Ensemble nous avons affronté le reptilien. Nous l’avons tué. Puis, Théo, m’a regardé, et a vu que j’étais épuisée. Morte de fatigue, et totalement incapable de penser. Alors, il a saisi ma main, et m’a entraînée à travers le mur, ce pouvoir que j’avais perdu, sous l’effet de la drogue.
    Je ne veux plus jamais revenir ici.

     

    LA SALLE COULEUR DE SABLE

    Nous sommes éjectés dans une autre pièce, vaste, et couleur sable. Ma vue se brouille. Je n’ai pas le temps d’en voir d’avantage. Je m’évanouis dans les bras de mon bienfaiteur.

    Des mains me touchent, soignant mes blessures, bandant mes plaies. Je frissonne.
    Les mains s’arrêtent. La personne à mes côtés sait maintenant que je suis réveillée, et attend. J’ouvre les yeux, effrayée, et rencontrent ceux calmes de Théo. Ses yeux clairs, semblables aux miens me sondent. Il murmure de sa voix calme.
    -J’ai soigné les blessures de ton corps humain. Transforme toi en reptilienne pour que je puisse soigner tes lésions.
    Théo est de dix ans mon aîné, et je lui obéis.
    Des écailles recouvrent mon corps, et ma peau devient verte pâle.
    Le varan commence à soigner mes blessures, patiemment, puis lorsqu’il a fini sa besogne, il m’aide à m’asseoir.
    Il remarque vite que je suis très faible, et me donne de la poudre d’or, ainsi que de l’eau. J’avale le tout, silencieusement. Aucun de nous n’a émis de son depuis plusieurs minutes. Il brise finalement le silence, pour assouvir sa curiosité.
    -Comment es tu arrivée ici ?
    -Notre mentor m’a ordonnée de chasser les ennemis des nagas qui vivent ici.
    Théo n’est pas surpris. Il m’a rencontrée au Vatican, chez notre maitre commun. Bien qu’il soit un varan, et que je sois un rejet, il m’a aussitôt prise sous sa protection. Il m’a déjà sauvé la vie.
    -Il aimerait te parler.
    -Comment ça ?
    -Je suis venu ici pour toi.
    -Silvère est au courant?
    -C’est lui qui m’envoies. Je dois te surveiller.
    -Je ne suis plus une enfant.
    -J’ai du te sauver.
    Je me mords la lèvre. En effet, sans lui, je serais certainement morte au milieu de cette secte.
    -Tu es aussi prisonnier du Chateau.
    -En réalité, je ne suis pas vraiment là. Silvère m’a apprit à séparer mon âme de mon corps, grâce à la méditation. Je suis juste venu te sauver. Je reviendrais à chaque fois que tu as besoin d’aide. Il voudrait te parler.
    Il me tends un téléphone.
    Je murmure étonnée.
    -C’est le tien ?
    -Non. C’est un téléphone spécial qu’il m’a donné juste pour toi.
    Je saisi le mobile, et aussitôt il sonne. J’hésite. Que me dira Silvère si je réponds ? Théo m’encourage du regard.
    Je décroche, et Théo s’évapore sous mes yeux, en un souffle. Si j’avais douté de ses dires, désormais, je ne peux que le croire.
    -Aifé ?
    -Maitre ?
    -Je suis heureux de savoir que Théo est arrivé à temps. Vas tu bien ?
    -J’ai beaucoup souffert.
    Silvère garde le silence, car il sait ce qui s’est passé. Nous restons de longues minutes, sans rien dire, puis il soupire, et murmure, doucement.
    -Je sais que tu as eu des problèmes. Les nagas sont sensibles à la drogue. J’aimerai que tu gardes ce téléphone, pour me parler. Je t’indiquerais également tes cibles à l’intérieur du Chateau.
    Je souris. Mon maitre ne perd pas son temps, comme autrefois, et m’indique directement ce qu’il désire. J’accepte, et l’échange en italien s’interrompt.
    Je me retourne. Je suis dans une pièce couleur sable, et le sol, est un tatami, tandis que les murs, sont de bois clair. Aucune fenêtre, et cette pièce me fait penser à celle dans laquelle j’ai vécu toute mon enfance, en compagnie de mon mentor. Un courant d’air frais, cependant parcourt la pièce, et me fait frissonner. Je regarde le téléphone. Deux numéros en mémoire. Celui de mon maitre, et un autre.
    Curieuse, j’appuie, et une voix peu inconnue, pétillante de vie me répond.
    -Come stai?
    Je préfère répondre à la provocation de mon interlocuteur à l’appareil en français, et murmure entre mes dents :
    -Théo… C’est toi…
    -Sì, è sospettato?
    -Réponds moi en français…
    -Évidemment que c’est moi ! Tu en doutais ?
    -Non. Merci de m’avoir sauvée.
    Il redevient soudain sérieux. Il reprends sa voix posée, et dit d’une voix forte :
    -Tu es ma sœur. C’est normal. Je serais toujours là pour toi.
    Un grincement guttural retentit alors dans le combiné.
    -Il m’appelle. Je pense à toi.
    -Addio…
    Il raccroche, car Silvère n’a pas l’habitude d’attendre ses disciples.
    Je regarde une dernière fois la pièce, puis, je me dirige vers la porte. Je souris. Théo, m’a donné un katana, le mien étant disparu lorsque je suis entrée dans la secte. Mon nom est écrit sur le manche.
    Je pousse la poignée de la porte, déterminée à affronter toutes les pièces.

     

    LA PIECE OBSCURITAS

    Je me réveille peu à peu, reprenant lentement mes sens. Je sens de nouveau mes doigts engourdis par le froid, ainsi que mes pieds ankylosés.
    Je remue faiblement les paupières. Mes cils gelés m’empêchent d’accomplir ce geste. Je sens mes vêtements trempés, coller contre ma peau froide. Je suis allongée sur le côté, recroquevillée en position fœtus.
    La pièce est gelée aussi. Noire, totalement, aucune source de lumière, à part mon pendentif, ce présent de mon maître. La flamme qui l’anime semble ne jamais s’éteindre, et ce bijou est la seule source de chaleur de la pièce.
    Je m’assoupis, grelottant de froid.

    Je me réveille quelques heures plus tard, dans cette pièce toujours aussi froide et noire. Je peux bouger cette fois ci, et je me relève péniblement. Je vois alors, une silhouette, à côté de moi. Immanuel ! Je suis soulagée de le savoir ici. Je tombe à ses côtés, et murmure son nom. Il ne répond rien. Aussitôt, un doute travers mon esprit. Et si ? Je touche sa poitrine. Le prophète est gelé, et son cœur ne bat plus. Il est mort.
    -Non…
    Je m’effondre sur le corps du mort. Mes larmes coulent à flot. Immanuel ! Je sens mes larmes, déjà gelées, avant même de quitter mon visage, et se briser sur la poitrine du prophète. Ma tristesse est incomparable. Je ne peux plus me relever. Je saisis sa main gelée, et la caresse doucement. Rapidement trempée, celle ci me blesse. Le froid me brûle. Je sens mon pendentif devenir de plus en plus chaud. C’est moi qui dois être de plus en plus froide.
    Je n’ai même plus la force de me relever. Cette aventure se finira ici. J’aurai visité 28 pièces. C’est tout. Je finirai ma courte vie dans cette pièce. La flamme d’espoir de mon collier est trop faible, et risque de s’éteindre peu à peu. Mon pendentif me brûle. Sa chaleur est intenable. Je le décolle de ma peau pâle, et il touche celle d’Immanuel, bien que le collier soit encore accroché à mon cou. Je m’effondre. Ma tête collée à la poitrine du prophète. Je n’en ai plus pour très longtemps. C’est un choix. Je me porterai la mort, pour ne plus souffrir du froid, et de la mort de l’homme que j’aime. Tout est fini.

    Je me laisse bercer par les battements de mon cœur qui ralentissent, transpercés par le froid, eux aussi. J’entends alors un autre tambour, contre ma tête. Un autre battement, presque palpable. Immanuel ! Je me relève, et le regarde, bien que ce ne soit pas facile dans le noir. Il ouvre finalement les yeux, et murmure de sa voix caressante :
    -Amayelle… Pourquoi pleurs tu ?
    -Tu es mort !
    -Je l’étais. Mon dieu m’a ressuscité. Tant que je transmet sa parole il me protège.
    -De quoi es tu mort ?
    -De froid. Je n’avais pas de pendentif pour réchauffer ma poitrine. Mon cœur a gelé, tout simplement.
    -Je ne pensais pas que le pendentif pouvait me sauver…
    -Ton maitre te l’a transmit pour qu’il remplisse cette fonction.
    Je caresse doucement l’objet. Simple, mais beau. Une pierre bleue pâle, et lisse. Une flamme, toujours ravivée, éternelle à l’intérieur. Une pierre de Lune magique. Ce bijou est magnifique. Seul présent de mon maitre.
    -Comment t’es tu évanouis ?
    -J’ai heurté un iceberg !
    Je frappe sa poitrine. Je ne sais pas ce qu’est un iceberg, mais vu son ton moqueur, il se fichait de moi.
    Immanuel saisit ma main, et nous nous relevons péniblement, encore engourdis par le froid. Puis, guidée par mes sens surnaturels, je nous dirige vers une porte invisible, dans la pénombre totale qui nous entoure. La morsure du froid de la poignée me fait frissonner.
    Immanuel me pousse doucement dans l’embrasure de la porte. Il m’embrasse. Premier baiser gelé.

     

    LA PIECE DU THE
    Cette pièce a été explorée par Aifé

    J’entre dans une petite pièce, éclairée. Elle est de pierre fine, claire, et pastelle. Un matelas, à même le sol, de la même matière que les murs et le plafond. Je ne trouve pas la source de la lumière. Une tasse de thé vert, posée sur le sol. Cet endroit me plaît. Il me rappelle la petite chambre, dans laquelle j’ai vécu ces dernières années, au Vatican, près de mon maitre. Je m’écroule sur le lit, décidée à faire une halte. Je pose mon katana sur le sol, à mes côtés, prête à m’en servir, en cas de besoin. Je m’adosse contre le mur, accroupie sur le matelas, et je ferme les yeux, durant quelques secondes. Je m’abandonne, mais rouvre très vite mes yeux, me rappelant les enseignements de mon mentor.
    «Le moment durant lequel le naga baisse sa garde, est le moment de sa mort»
    Non, ne pas se laisser aller. Toujours être sur ses gardes, vigilante. Ne jamais se laisser à découvert, quelques instants.
    Je m’agenouille devant la tasse de thé, et la saisis. Encore chaud, le mélange me tente. Je le renifle, histoire de vérifier qu’il n’est pas empoisonné, et bois une petite gorgée. Je profite de la sensation. Tant de souvenirs ! Cette vie en Italie me manque. Je me souviens encore, de la première fois, où j’ai bu du thé. Je l’avais recrachée, dégoûtée, par le breuvage amer. Encore jeune, je n’appréciais pas cette boisson peu sucrée.
    Mon maitre, n’avait pas insisté, et repris la tasse. Le lendemain, il me l’avais représenté, et m’avait forcé à en boire une gorgée. Durant des jours, ce petit jeu dura, jusqu’au moment, où Théo, parti traquer des reptiliens, était revenu auprès de son maitre. La première fois que je voyais ce naga, âgé de 10 ans de plus que moi. Silvère, heureux de le revoir, lui avait tendu une tasse du breuvage amer, et Théo, épuisé, s’était contenté de sourire, et de boire la boisson. Il m’avait surprise. Comment pouvait on aimer ça ? Encore apeurée par l’homme, je n’avais pas ouvert la bouche. Le jeune varan s’était alors tourné vers moi, et m’avais murmuré :
    -Qui es tu ? Pourquoi as tu peur ?
    -Je m’appelle Aifé… Qui es tu ?
    -Théo. Ravi de te rencontrer.
    -Pourquoi aimes tu le thé ?
    Il n’avait pas répondu, et avait sourit, heureux de tant de naïveté, il savait que je n’avais pas confiance en Silvère, qui m’assurais que la boisson était bonne. Puis, épuisé, il était entré en transe, et Silvère m’avait entraînée me battre.
    Depuis, j’aime le thé. Lorsque le lendemain, Silvère m’avait présenté la tasse, j’avais tenté de la boire, hésitante. Un sourire avait éclairé son visage, lorsque je l’avait fini. Il avait réussi, à m’apprivoiser.
    Je continue de boire la tasse. Je reconnais le mélange de mon mentor. Puis, épuisée, je m’allonge sur le matelas, comme Théo l’avait fait autrefois. Je plonge dans un demi-sommeil, aux aguets, prête à me battre. Mais le danger ne vient pas, et je passe une nuit tranquille. Puis, Je me lève, au matin, saisis mon katana, et m’élance vers la porte.
    J’ai faim. Théo avait il faim aussi après avoir bu du thé ?
    Je m’engouffre dans la pièce suivante, en songeant à cette énigmatique question, décidée à l’appeler pour lui demander.

     

    LA PIECE OU J’AI RENCONTRE JÉCRIVAINE
    Cette pièce a été explorée par Amayelle

    La pièce dans laquelle nous venons d’entrer, est sombre. Une fleur suspendue au plafond, éclaire la pièce, d’une lumière sourde. Je vois des reflets roses sur les murs de la pièce. Au fond, un bureau, et dessus, un ordinateur. Une jeune fille, est devant. Je murmure, fière de le savoir :
    -C’est un ordinateur !
    -Je le sais.
    -Tu sais tout.
    -Non. Seulement ce que mon dieu m’a apprit.
    La jeune fille ne nous entend pas, trop occupée, à écrire sur l’ordinateur. Elle écrit vite, inlassablement. Les mots jaillissent, sans qu’elle ai besoin de réfléchir. Elle finit finalement au bout de quelques minutes, et clique sur un bouton. Puis satisfaite, elle recule sa chaise, et prend son visage entre ses mains, pour penser à autre chose. Puis, elle s’immobilise, et se retourne lentement. Elle nous fixe, comme si elle nous connaissait déjà. Elle se relève, et s’approche de nous. Je saisis la main d’Immanuel.
    -Qui êtes vous ? J’ai l’impression de vous connaître.
    Le prophète murmure, de sa voix caressante,
    -Je m’appelle Immanuel. Je suis un prophète.
    Elle nous regarde, bouche bée. Puis, ses yeux se posent sur mon pendentif. Elle sort le même. Elle demande.
    -Tu es Amayelle, n’est ce pas ?
    -Je hoche doucement la tête.
    Elle éclate alors en sanglots de joie. Elle dit, entre ses larmes :
    -C’est incroyable ! Je rédige vos aventure, tous les jours. Je croyais que je les imaginais , mais c’est faux ! Vous existez réellement ! Toutes les nuits, je vous voyais en rêves. Puis, j’écrivais les pièces que vous explorez sur PA.
    -PA ?
    -Plume Académie, si vous préférez.
    -Qu’est ce que c’est ?
    Même Immanuel ne le sait pas. Je souris.
    -C’est un site internet d’écriture, de lecture, et d’échanges. Tous ensemble, nous écrivons les pièces du Chateau des 100 000 pièces.
    -C’est toi, qui écris mes aventures ?
    -Oui. Amayelle, je…
    Nous nous regardons. Nous pourrions être sœurs. Même cheveux, même taille. Elle n’a pas d’ailes, et ses yeux sont marrons au lieu d’être bleus comme les miens. Nous sommes les mêmes personnes.
    -Je dois être la partie de toi dans ce château. L’autre partie , c’est toi, dans le dehors.
    -Je te jure, Amayelle, que lorsque tu sortira enfin du Chateau, je t’attendrai devant la porte, et je te ferais visiter le monde.
    J’accepte, en un sourire.
    Elle demande que nous restions en contact. Je lui répond que je peux communiquer avec elle par télépathie. Elle accepte mais dit qu’elle ne possède pas ce don. Immanuel s’avance, dans un sourire, et touche son front.
    Puis, elle nous suggère d’y aller. Nous partons, et je la vois écrire cette rencontre sur son ordinateur. Décidément, nos aventures sont loin d’être terminées. Elles ne font que commencer.

     

    LA PIECE DES ROSES ENSORCELEES
    Cette pièce a été visitée par Amayelle
    Merci à Enfant des Mers qui m’a inspirée pour cette pièce.

    La porte claque. Nous sommes dans un jardin. Des rosiers, partout, entremêlés, des roses blanches, roses, rouges, violettes, orangées, pourpres, des roses s’étendent, sur les murs, le plafond, et s’accrochent sur le sol de dalles immaculées. Nous avançons, admirant le jardin secret, qui semble être perdu, car personne ne s’occupe de ces rosiers, qui poussent à l’état sauvage. Soudain, une épine m’entaille le pied, car je suis pieds nus, vêtue uniquement d’une robe blanche, et de mon pendentif.
    Une goutte de sang perle, et je m’arrête. Immanuel remarque le premier ma lésion, et s’arrête également. La goutte de sang tombe sur une rose blanche, qui devient aussitôt écarlate. Je crains d’avoir commis une bêtise, et ne bouge pas. La rose se mets soudain à enfler, et terrifiée, je bondis de quelques mètres, et assiste à la transformation. La rose gonfle, et s’illumine. Je cache mes yeux, éblouie. J’ai juste le temps de voir la rose prendre forme humaine.
    J’ouvre les yeux. Une jeune fille nous fait face. Vêtue d’une courte robe, déchirée et pourpre, elle aborde un sourire curieux. Ses cheveux rouges s’étendent jusque dans le bas de son dos. Des lianes d’épines encadrent ses jambes et ses bras, et ses yeux sont couleur de sang, également. Sa peau en revanche, est pâle. Un soupçon d’incertitude me parcourt. Qui est elle ?
    Elle répond à ma question muette, d’un sourire.
    -Je m’appelle Rose.
    Je songe alors, que ce n’est pas un nom très original, puisqu’elle était une rose à la base. Immanuel ne dit rien, étonné. Un mot se dessine sur ses lèvres. « Vampire »
    Je ne sais pas ce que c’est, et me promet de lui demander plus tard. La jeune fille s’avance vers nous, et saisis la main du prophète. Je sens son parfum envoûtant, et entêtant. La tête me tourne, je ne vois plus très clair. Elle dit d’une voix charismatique à l’intention de mon compagnon.
    -Salut, jeune homme.
    Immanuel reste muet, impassible.
    -Comment vas tu ?
    Toujours rien. Pourtant Rose semble connaître Immanuel. Et si ?
    La jeune fille n’insiste pas devant notre mutisme, et disparaît sous nos yeux. Aussitôt, Immanuel sort de sa contemplation, et s’agenouille à mes côtés. Il passe sa main sur la coupure, qui disparaît aussitôt. Je ne bronche pas, ne dis rien. Je me demande…
    -Qu’as tu ? Pourquoi ne parles tu pas ?
    Je baisse la tête. Je ne veux pas qu’il voit mon visage. Une larme coule. Nous sommes agenouillés à même le sol. Le prophète saisit mon menton, et m’oblige à relever la tête.
    -Regarde moi dans les yeux.
    Je n’obéis pas. Mon regard fuit. Je ne veux plus le voir. Il m’a menti.
    Il caresse doucement ma joue, attendri.
    -S’il te plaît…
    Je le regarde, le fixe, et essuie d’un air rageur ma larme.
    Il sourit, amusé.
    -Tu es jalouse ?
    -Tu la connais ?
    Il passe sa main dans mes cheveux.
    -Bien sur que non. Amayelle, la jalousie ne doit habiter personne…
    Je m’énerve, j’écarte sa main.
    -Elle t’a tutoyé !
    -Elle voulait uniquement te rendre jalouse. Les roses sont des fleurs maléfiques, portant en leur sein les sentiments les plus perfides des hommes, qui ne devraient être ressentis par personne.
    Je ne réponds rien, baisse de nouveau la tête, et couvre mon visage de mes mains.
    Cette fois, le prophète est inquiet. Il saisit doucement mes mains, et murmure.
    -Tu as cru que je l’aimai? Lorsque je la regardai sans rien dire ?
    Mon silence est évoquent. Il lâche mes mains, et m’attire contre lui.
    -Je t’aime… Tu crois vraiment que j’allai te laisser tomber pour une rose ?
    -Je ne sais plus… Je ne sais pas… C’est la première fois que je suis amoureuse…
    Il caresse doucement mon dos. Je me rappelle que Sage faisait pareil, lorsque j’étais triste ou apeurée.
    -Moi aussi. Mais je sais que tu es mon âme sœur. J’ai vu l’aura blanche.
    Je m’écarte, et souris, heureuse. Il m’aime encore !
    Il se lève, et m’aide à faire de même. Puis, nous regardons la pièce. Les roses, bien que belles, nous dégouttent, et nous font peur. Nous voulons sortir, très vite. Immanuel comprend que je me fais violence, en ne disant rien, et saisis ma main.
    -Veux tu sortir, maintenant ?
    -Oh que oui !
    Il m’embrasse, et je ferme les yeux. Je ressens une curieuse sensation de vertige. Je chancelle, et Immanuel me retient juste à temps. Il nous a fait changer de pièce. Nous sommes ailleurs. Je murmure
    -Merci Immanuel…
    Il me répond, en transe
    -Je t’aime… Souviens t’en… Toujours…
    Nous ouvrons les yeux, ensemble, loin de ces roses ensorcelées.

     

    LA PIECE DE LA CORBEILLE DE FRUITS
    Cette pièce a été visitée par Aifé

    La porte claque. Je regarde où je suis. Il fait chaud. Je suis au milieu d’un jardin. De l’herbe tendre recouvre le sol. Des iris s’étendent le long des murs, ainsi que des dahlias roses, blancs, et rouges. Des rayons de soleil dessinés sur le plafond bleu de ciel réchauffent doucement ma peau. Il n’y a pas un seul endroit d’ombre, excepté au centre du jardin, sous un kiosque, de bois blanc. Je m’avance vers celui ci, pour me protéger de la chaleur. Je m’assois sur le banc de fer forgé, peint en blanc. Des motifs de cœur y sont dessinés. Une corbeille de fruits, posée sur la table devant moi, de fer blanc également. Une lettre est posée sur la table. Je l’ouvre, une odeur de rose s’en dégage. Détestant le romantisme des humains, je survole les quelques lignes. Je lève les yeux au ciel. Les hommes ne savent plus quoi inventer pour plaire aux jeunes filles. Je déchire la lettre, et saisis un abricot, puis une pêche. Je mange tout mon soul, et remarque alors, une bouteille de verre où il y a encore gravé des cœurs. Un jus de clémentines. Je ne résiste pas, ce fruit étant mon préféré, et bien décidée à nuire aux deux amoureux, qui m’exaspèrent avant même que je les ai vus, je bois au goulot. Puis, je crache sur les fruits, et me dirige tranquillement vers la porte, entourée de fleurs. Je cueille un iris, et le pique dans mes cheveux. Lorsqu’il sera fané, j’appellerai Théo. Je tourne la poignée de la porte de fer blanc ouvragée, où il y a gravé (devinez quoi) des cœurs. Je m’engouffre dans l’ouverture. Le temps pour moi d’entendre les babillages des deux amoureux. Je souris d’un air narquois. Je leur souhaite bien du plaisir.

     

    LA PIECE DE L’ENFANT DE LA LUNE
    Cette pièce a été découverte par Amayelle.
    La chanson Hijo de la Luna m’a inspirée pour cette pièce.

    Nous avons ouvert les yeux. Nous sommes dans une pièce sombre, très grande. Le sol, en relief, est recouvert de pierre, et d’herbe tendre. Il fait nuit. La lune nous surplombe. Une pleine lune. Elle brille étrangement. Immanuel murmure, s’arrachant à sa contemplation.
    -Nous sommes au pied d’une montagne. Nous devrions monter au sommet de la colline.
    Soudain, il se tait. Inquiète, je saisis violemment sa main. Glacée. Les yeux du prophète sont vides, l’espace s’y reflète. Je comprend qu’il est en transe, et le laisse revenir à la réalité. Il secoue doucement la tête, reprends ses sens.
    -Mon dieu m’a informé que la lune nous aidera à sortir.
    -Montons.
    Nous gravissons, lentement mais sûrement la colline. Les pierres blessent mes pieds nus, mais, je ne m’en plains pas. En effet, mes pieds se guérissent d’eux mêmes. Je jette un regard soupçonneux sur Immanuel, mais il ne remarque rien. Peut être un geste de mon maitre. Je cesse de penser, et me concentre sur l’effort. Plus qu’une centaine de mètres. L’herbe tendre laisse peu à peu sa place aux pierres de plus en plus tranchantes. Ma tunique devient ensanglantée vers mes pieds.
    Nous sommes au sommet. Nous nous arrêtons un peu, avant de parler à la lune. Un souffle d’air frais me fait frissonner. Une voix d’enfant, pétillante de vie, fuse derrière nous.
    -Vous cherchez ma mère ?
    Je me retourne, rapidement. Un jeune enfant nous fait face. Vêtu d’une tunique argentée, brillant étrangement. Sa peau est très pâle, comme celle d’un enfant malade. Ses yeux sont gris clair, et le reflet de la lune ajoute du surnaturel à cette scène. Il s’avance vers nous en courant, nullement effrayé par notre venue. Il se jette dans mes bras, et je le serre doucement.
    -Qui es tu, enfant de lune ?
    Le surnom, a surgi de nulle part, je trouvait qu’il lui allait bien.
    -Si tu le sais, pourquoi le demande tu ?
    Je me tais, interloquée. Ainsi, cet enfant, est réellement le fils de la lune.
    Je lâche, en un murmure.
    -C’est impossible…
    -Tu es d’origine divine, élevée par un immortel, avec 4 jumeaux, tu maitrise la musique, et tu voyage avec un véritable prophète. Plus rien ne devrait t’étonner.
    Je me retourne, brusquement. Craignant pour la sécurité de l’enfant. La lune nous surplombant brille étrangement. Une bouche, des yeux se dessinent.
    -Bienvenue étrangers. Que désirez vous ?
    Immanuel se ressaisit rapidement, et dit d’une voix qu’il espère forte.
    -Nous voudrions sortir.
    Son sourire se bloque. Elle laisse place à un visage dur.
    -Jamais.
    -Pourquoi ?
    -Je ne fais pas confiance aux hommes.
    -Pourquoi ?
    Le père de cet enfant l’a abandonné, après avoir tué sa femme.
    -Pourquoi ?
    Je souris. Immanuel se fiche de la lune. Il est sûr de lui, et je décide de lui faire confiance.
    -Nous devons sortir, et mon dieu m’en a donné le moyen.
    -Et quel est il ?
    Immanuel commence à chanter. Il a une belle voix, manie très bien l’art des gammes. Sa voix, fait comme une ronde.
    -Lune tu veux être mère,
    Tu ne trouve pas l’amour,
    Qui exauce ta prière.
    Dis moi, lune d’argent,
    Toi qui n’as pas de bras,
    Comment bercer l’enfant.
    La lune pleure, doucement. J’en veux à Immanuel de manipuler la mère éperdue qui se tient au dessus de nous.
    Il me tend l’enfant de lune, qui ne comprend pas ce qui se passe.
    Immanuel dit, d’une voix franche.
    -Je sais que ne pas pouvoir le bercer te blesse. Je te propose un marché. Tu nous fait un passage de lumière, et je te donne des bras. Mon créateur m’en a donné le pouvoir.
    La lune accepte.
    Immanuel, aussitôt, se met à genoux, et prie. Absorbé par ses pensées, il entre en transe profonde. Rien ne lui parvient. Il me semble l’entendre marmonner. Je crois qu’il communique avec son dieu. Soudain, un éclair franchit le ciel, et frappe la lune. L’enfant éclate en sanglots, persuadé que sa mère est morte. Je caresse doucement ses cheveux, lui chuchotant des paroles réconfortantes. La lune, s’illumine moins, et je peux la voir. Quelle n’est pas ma stupéfaction ! Elle a des bras ! Immanuel a dit vrai !
    Elle saisit l’enfant, et le prend dans ses bras, en pleurant des larmes de joie. L’enfant s’endort, bercé par la lune. Celle ci, nous regarde, débordante de joie.
    -Soit. Dépêchez vous !
    Un cercle lumineux apparaît, Juste suffisamment d’espace pour deux personnes. Je regarde une derrière fois l’enfant, insouciant. Le pauvre. Il ne sait pas les dangers qu’il court dans ce château. Peut être ne le saura t’il jamais ?
    Immanuel, lui, sourit. Il chantonne, pour lui même.
    -Hijo de la Luna…
    Nous sortons de la pièce. Dans le passage, Immanuel m’embrasse. Cela commence à devenir un rituel.

     

    LA PIECE DES COMÈTES
    Cette pièce, a été découverte par Amayelle
    Pièce inspirée de la chanson On se tourne autour, de Kyo

    Nous apparaissons dans une pièce magnifique. Un ciel étoilé, nous surplombe, semblable à celui que nous venons de quitter, et j’aurai pu penser que c’était le même si la lune n’était pas normale. Mes pieds nus s’enfoncent dans la matière que je reconnais être du sable. Immanuel souffle à mon oreille.
    -Le miracle m’a épuisé. Je dois me régénérer. Restons ici.
    J’accepte, et nous nous allongeons sur le sable. Nos têtes se frôlent. Soudain Immanuel murmure.
    -Qui est ton dieu ?
    -C’est Parandar. C’est le maitre du mien.
    -Il n’y a qu’un seul dieu.
    -Non.
    -Si.
    -J’ai déjà vu Parandar, une seule fois, et mon maitre m’a maintes fois parlé du panthéon. Il existe.
    -Seul mon dieu existe.
    Je m’écarte de lui, en colère. Comment ose t-il critiquer les dieux ? Je marche de quelques pas dans le sable, et frustrée, je me retourne, au moment où il saisit ma main.
    -Amayelle, calme toi !
    Je crache, furieuse.
    -Nos voix s’écharpent dans ce qui les opposent !
    -Moi j’ai cherché l’écharde, l’origine des maux…
    -Cesse de me tourner autour !
    -Amayelle, ce n’est rien !
    Je le gifle, énervée. Il ne comprend rien. J’en ai assez. Ignis est en train de se faire tuer par son maitre, je n’ai aucune nouvelle de mes frères, et je n’arriverai jamais à les rejoindre à temps !
    Immanuel, murmure, contrit.
    -Moi, je tends l’autre joue.
    Je soupire. Il m’énerve.
    -Il n’y a pas de magie, ici, ni de poésie !
    Immanuel me coupe. Il saisit mes mains, et m’embrasse. Il souffle, dans ma nuque.
    -Mais, il n’y a pas de violence ici.
    Il s’écarte doucement, et fait tomber soudain une merveilleuse matière brillante. Elle étincelle. De la poussière d’étoiles.
    Je me colle contre lui, et me calme. Il me murmure des paroles apaisantes, et me jure que nous arriverons à temps pour sauver Ignis. Je décide de lui faire confiance.
    Nous regardons le ciel étoilé. Il murmure.
    -Du haut des dunes, l’objectif, c’est la lune.
    Je songe, rêveuse. Soudain, une magnifique étoile tombe du ciel. Le prophète me dit que c’est une comète, qui se consume.
    Je m’écarte de lui, précipitamment. Nous ne nous voyons plus, à la faveur des ombres.
    On se tourne autour, et finalement, nous tombons sur le sol, en riant.
    Nous dormons, et lorsque nous nous réveillons, le ciel est toujours étoilé. Il n’y a pas de cycle. J’aperçois une porte, dans le sable, qui se confond, dans la matière poudreuse.
    Je la saisi, et nous sommes aussitôt aspirés par l’ouverture.
    Immanuel m’embrasse au milieu de la tempête de sable.

     

    LA PIECE A LA FINE ÉTENDUE D’EAU
    Cette pièce a été visitée par Amayelle.

    Nous sommes dans une belle pièce. Une étendue d’eau, de dix centimètres recouvre le sol dur, légèrement glissant. Les murs sont immaculés. Le sol brille étrangement, laissant voir une légère lumière bleutée sur le sol. Un lustre de cristal pend au plafond. Immanuel est impassible. Je saisis sa main. Il ne bouge pas. Ses yeux sont fermés, il est inconscient. Je sursaute, paniquée. Que se passe t-il ?
    Soudain, un vortex que je ne connais que trop bien apparaît. Je me campe, prête à réagir, si mon mentor s’avérait prêt à me blesser. Un poignard apparaît dans ma main. Il sort du vortex, qui disparaît aussitôt. Je relève les yeux. Ses yeux d’argent sont inexpressifs. Un masque sévère recouvre son visage, et sa tunique blanche est la même qu’avant.
    J’attends que l’immortel parle, car son rang lui réserve cet honneur.
    Il ne dit rien, pensif, et me scrute. Je sais qu’il sonde mon âme. Je relève la tête. J’attends qu’il ai fini de fouiller dans mes souvenirs, et demande, sur le qui vive.
    -Qu’avez vous fait à Immanuel ?
    -J’ai arrêté le temps.
    -Où est Ignis ?
    -Auprès de ses frère et sœurs.
    -Où sont ils ?
    -Tu poses trop de questions.
    -Vous les éludez toutes.
    Il me fixe, surpris de tant d’insolence.
    -Tu ne te serais jamais permise de me parler ainsi, avant.
    -J’ai tant appris…
    -…
    -J’ai vu la mer, le vent, le sable, la pluie, la neige, et la lune… Toutes ces choses incroyables dont vous m’avez caché l’existence.
    -Je n’ai fait que mon travail.
    -Comment va Ignis ?
    -Il devient de plus en plus comme toi.
    Il soupire de découragement, et je lui souris moqueusement. Alors, énervé, il me projette contre le mur de la pièce. Assise dans l’eau, j’attends sa sentence. Elle ne vient pas. Je ne relève la tête que lorsque une main se tend devant moi. Je la saisis, étonnée de ne pas sentir la dureté de mon mentor. Je relève les yeux. Immanuel est devant moi. Il me demande, inquiet.
    -Pourquoi es tu dans l’eau ? Que c’est il passé ?
    -Mon maitre…
    -Ayant entendu le tempérament de mon mentor de ma bouche, il est inquiet, et s’agenouille dans l’eau, à mes côtés.
    Nous parlons longtemps, longtemps.
    Puis, Immanuel m’entraîne vers la porte. Et tandis qu’il m’embrasse dans l’embrasure, j’entends la voix de mon mentor.
    -Je veille sur toi, jeune fée…
    Il me fait peur.

     

    LA PIECE OU IL N’Y AVAIT RIEN ET OU POURTANT IL SE PASSA BEAUCOUP DE CHOSES.
    Cette pièce a été détruite par Aifé.

    J’entre dans la pièce, tous mes sens en éveil. Pourtant, je me détends rapidement, car il n’y a rien. Juste du vide, une pièce grise, sans intérêt. Aucune lumière, aucun objet. Une uniformité totale, que du gris, qui semble être de la même matière. Le téléphone que m’a donné Théo bipe. Je m’adosse contre le mur. Pierre lisse. Je ferme les yeux, et inspire. Je décroche.
    -Aifé ?
    Je reconnais la voix de mon mentor.
    -Maitre ?
    -Vas tu bien ?
    -Si l’on veut. Je m’ennuie.
    -La patience s’apprend au fil du temps.
    -Le fil du temps est trop long.
    Je l’entends rire, doucement.
    -Bien. Je t’appelle pour te donner ta cible.
    -Je vous écoute.
    -Un roi Dracos se terre dans le château. On m’a informé qu’il se trouve dans la pièce juste à côté de celle où tu te situe.
    Je sursaute, et regarde autour de moi.
    -Comment puis je vous rapporter sa glande ?
    -Tu trouveras un moyen.
    -Où est Théo ?
    -Il s’entraîne. Il t’appellera dès qu’il aura fini.
    -Merci.
    -Je veille sur toi…
    -Merci.
    -Je sais que tu réussiras ta mission.
    -Merci.
    -Je vois que tu n’as que ce mot à la bouche.
    -Merci.
    Cette fois ci, il éclate de rire. Il avoue :
    -Ton humour étrange me manque.
    -Ne suis je pas étrange ?
    -Toute notre espèce l’est. Bonne chance.
    -La chance n’existe pas.
    Il raccroche.
    Je m’assois en tailleur sur le sol, pour méditer, avant l’assassinat, la traque.
    Cette étape est importante. Je vide mon esprit, afin de ne pas prêter attention à mes sentiments, ainsi qu’aux paroles de ma cible. Il faut faire taire ses doutes, ses appréhensions, ses questions, ses peurs. Plus l’on médite, plus l’on est fort pour traquer. Je n’ai jamais réussi à vider mon esprit totalement, comme mon maitre. Au moment, où je commence à m’enfoncer au plus profond de mon âme, une sonnerie retentit. Je pousse un juron. Je vais tuer Théo.
    -Théo ?
    -Si. Come stai ?
    -Comme ça peut aller…
    Je n’ai même plus l’envie de lui demander de parler en français. Nous parlons tous deux très bien italien, langue de notre maitre commun. Cependant, j’ai adoré le français, langue riche, et je me suis souvent laissée bercer par les rimes douces de la langue. Bien que ce ne soit pas celle que j’ai entendue durant une dizaine d’années.
    -Un problème ?
    -Pas vraiment…
    -Je sais que Silvère t’a donné une cible.
    -En effet…
    -Faudra t-il t’arracher les mots de la bouche ?
    Il éclate de rire. Je murmure, entre mes dents.
    -Je vais te tuer, Théo. Et après, je te ramènerai de la mort, pour te tuer de nouveau…
    Il rit de nouveau, heureux. Je profite aussi de ces moments rares, durant lesquels nous sommes nous mêmes, et parlons, comme si nous étions normaux. Comme si l’extinction des Dracos de pesait pas sur nos épaules, trop fragiles. Nous parlons comme deux frères, riant, pour nous, tranquilles.
    Soudain, je me redresse. Je souffle, dans le téléphone.
    -Je sens ma cible, Théo. Je te laisse.
    Il redevient sérieux.
    -Addio.
    Je raccroche. Mon sang de traqueur ne fait qu’un tour. Le gène me fait entrer en transe. Comme d’habitude, je sais quoi faire. Je saisis mon katana. Le meurtre est au rendez-vous.
    Puis, je me retourne. Je regarde une dernière fois la pièce, terne, grise, et vide. Qui mériterai de visiter une pièce comme ça, sans aventure ?
    Personne.
    Et bien que je n’aime pas trop les aventuriers rebels, je décide de leur donner un petit coup de pouce. J’enfile d’abord ma tunique d’exécution, couleur de sable, puis, j’allume une allumette. Alors, tout se passe vite. Elle tombe à terre. Une petite flamme apparaît. Ai je oublié de préciser que le sol était recouvert d’une petite couche de quelques millimètres d’alcool. Tout prend feu. Et au milieu des flammes, je quitte la pièce, un sourire au lèvres.

     

    LA PIECE OU JE DECOUVRE LE MEILLEUR MOT POUR DEFINIR UNE SITUATION CRITIQUE ou LA PIECE OU JE RENCONTRE LE CHÂTEAU ET OU JE COMPREND QUE CA VA PAS TROP MARCHER ENTRE NOUS.
    Cette pièce a été visitée par Amayelle.

    -Merde.
    Le premier mot lâché par Immanuel lorsque nous entrons dans cette pièce. Je ne sais pas ce qu’il veut dire, mais je me promet de lui demander.
    Moi, je ne dis rien, trop stupéfaite, et effrayée.
    Nous sommes dans une pièce noire. Aucun objet, sauf un trône d’argent. Une vingtaine de choses nous font face. De forme humaine, leur peau est noire, totalement, et leurs yeux, sont rouge sang. Très grands et forts, ils ne semblent pas humains. J’ai peur. Au milieu d’eux, un homme grand, de forte stature, quand à lui d’apparence humaine, bien qu’une curieuse aura se dégage de lui. Une aura malsaine. Il est entièrement vêtu de noir, et il parle, d’une voix de stentor, d’une voix de maître.
    -Emparez vous d’eux.
    Je réagis instinctivement. Je dompte ma peur. Je fais apparaître un poignard d’argent, et commence à me battre contre les premiers venus. J’en tue un, peut être deux. En blesse un troisième. Mais, le quatrième, a raison de moi. Il me blesse à la jambe, et malgré la rage qui m’habite, la douleur me fait perdre peu à peu mes forces. Nous sommes rapidement maîtrisés, et nos mains sont liées. Nous ne pouvons plus nous mouvoir, et sommes jetés aux pieds de l’homme imposant. Il rit, doucement, mais d’un rire cruel. Je hais déjà cet homme.
    -Tiens tiens… Une espèce d’humaine ailée, et un prophète. On envoie vraiment n’importe qui ici…
    Immanuel murmure, doucement. Il a une ecchymose sur la joue. Il est très mal en point, et sa tunique est souillée de sang.
    -Allez vous faire foutre…
    -Je ne tolérerais pas que l’on me parle ainsi, à moi, seigneur et maitre du Chateau !
    Je m’étonne. Le château se tient devant moi… Celui qui nous retient prisonnier. Je crache à ses pieds.
    -Je me fiche de ce que vous tolérez ! Relâchez nous !
    Le maitre des lieux saisit violemment mon menton, me forçant à le regarder en face. Son regard est empli de magie, de douleur,et de colère.
    -Tu m’obéiras, jeune fée…
    -Personne n’a le droit de m’appeler ainsi… Sauf mon maitre…
    -Maintenant, ton maitre, c’est moi.
    Je tremble de peur. Je m’arrache à son emprise, et je tombe à terre. Le Chateau est terrifiant. Il se lève, et ordonne aux hommes à ses côtés de se saisir de nous, et de nous emmener.
    Immanuel murmure, de nouveau.
    -Merde.
    Moi, je tente désespérément de communiquer par télépathie avec mon maitre.
    Nous passons à travers la porte. Nous n’avons qu’une fraction de secondes, et nous nous embrassons Immanuel et moi sous l’œil impassible des hommes de main du seigneur des lieux, et dégoutté du Chateau.
    De toute façon, si ça lui déplaît, c’est tant mieux !

     

    LA PIECE DE LA PRISON PAS TRÈS SYMPATHIQUE
    Cette pièce est celle dans laquelle Amayelle fut enfermée.

    Nous sommes emmenés dans un dédale de couloirs et d’escaliers, et arrivons finalement devant une petite porte de métal gris foncé. Nous sommes jetés sur le sol de ce qui me semble être une prison. Je me relève rapidement, et me colle contre le mur. Pierre dure, froide et humide.
    Le maitre des lieux reste dans l’embrasure de la porte, et éclate d’un rire que je hais déjà. Puis, il murmure, d’une voix qui aurait fait défaillir n’importe qui.
    -Peut être survivras tu. Ou peut être pas. Dans les deux cas tu vivras tant de douleur et de peine, que tu désireras quitter cette vie si tu n’es pas déjà morte.
    Puis, il s’en va en claquant la porte. Nous sommes seuls. La clé tourne. Nous sommes prisonniers.
    Super. Comment disait Immanuel déjà ? Ah oui. Merde.
    D’ailleurs, où est le prophète ? Je parcours la pièce des yeux, fiévreuse. Je le trouve, allongé à côté de moi. Immobile. Je m’agenouille à ses côtés. Il respire. Je suis soulagée. Immanuel s’est certainement cogné, ou a succombé à la douleur. Je profite ce moment durant lequel je suis seule, pour observer la pièce. Petite, d’à peine quelques mètres de longueur et de largeur. Je peux juste me tenir debout, mais c’est tout.
    La pièce est humide, sombre, et je peux à peine voir Immanuel. Le sol dur, est rugueux, et fait mal à mes pieds nus. Je marche un peu. Il n’y a aucune ouverture, sauf la porte fermée. Je m’appuies dessus, et ferme les yeux.
    Ne pas paniquer, ne pas paniquer…
    Nous devons sortir, et vite. Immanuel est très mal en point, et risque la mort, je le crains, et je ne tiendrais pas très longtemps sans lui. Je déteste être enfermée, sombre ironie du sort, étant donné que j’ai passé ma vie dans une pièce du château. Une grotte magique. Mais là, c’est pire. Aucun de mes jumeaux n’est là, et mon maitre, malgré ses punitions ne peut pas me donner de conseils, comme il le faisait autrefois. Je reste longtemps, à songer, mais aucun moyen de sortie ne me vient à l’esprit. Je me laisse tomber à terre. Je pleure doucement. J’entends le rire du château dans la pièce. Est ce mon imagination ? Je ne crois pas. J’appelle mon maitre, dans mon esprit, des heures durant. Aucune réponse. Je suis désespérée.
    Une main caresse mes cheveux. J’ouvre les yeux. Immanuel est là, me regardant tendrement. Il respire difficilement. Je l’oblige à s’asseoir.
    Il ne tiendra pas longtemps. Les ecchymoses parcourent son dos, et il est blessé à la poitrine. Je l’oblige à s’allonger, et fais la même chose. Je murmure, d’une voix sourde.
    -Raconte moi le monde, dehors…
    -Si tu veux, mais ça ne sert à rien.
    Il me raconte le ciel, me décrit les oiseaux, me dessine dans le vide le soleil, il me parle de la mer. Je l’écoute, fascinée.
    Nous restons des jours, peut être ici. Dans cette prison. Sans boire ni manger. Nous dormons à peine. Je me nourris de ses récits, je bois ses paroles.
    -Le monde dehors, a l’air tellement plus intéressant que le château…
    -Je t’y emmènerai, si nous sortons un jour d’ici…
    Nous sursautons violemment. Quelqu’un vient d’apparaître.
    Une personne nimbée de lumière nous fait face…
    -Vite, partez !
    -Mais le château est omniprésent ! Ça ne sert à rien!
    -Je vous emmène dans un endroit qu’il ne contrôle pas.
    -Qui êtes vous ?
    Notre sauveur enlève sa capuche. Je reconnais l’homme.Je pousse un soupire de soulagement. C’est mon maitre.
    -Comment avez vous su ?
    -Je t’ai dis que je gardai toujours un œil sur toi.
    Il soulève Immanuel, qui est trop faible pour marcher, et m’entraîne dans son vortex. Un rire sardonique résonne. Encore.
    Je n’ai pas pu embrasser Immanuel.

     

    LA PIECE DES FLAMMES VERTES, C’ÉTAIT TROP DEMANDE D’EN AVOIR DES NORMALES ?
    Cette pièce a été découverte par Aifé.

    Il me fixe. Je le fixe. Rien de très palpitant. Sauf si l’on considère le fait que je suis blessée à la hanche droite, que nous nous battons depuis de longues minutes, et que le roi reptilien qui me fait face est très féroce.
    Je suis dans une pièce ronde. Une sorte d’arène. Sauf que nous sommes seuls. Du sable blanc recouvre le sol, et des flammes blanches s’élèvent le long des murs. Elles se reflètent sur mon katana. Les coups de mon adversaire sont féroces. Ses griffes lacèrent ma tunique d’exécution, et il semble infatigable. Soudain, un violent coup de queue me projette au sol. Mon visage se couvre d’écailles. Il recule effrayé. Le Dracos ne savait pas que j’étais une naga. Maintenant, l’issue du duel ne fait plus aucun doute. Pris de peur, le reptilien n’a aucune confiance en sa capacité à gagner le combat, et je le vaincs facilement. Je le décapite, et arrache sa glande du front. Je la mets dans un tube de verre, et regarde autour de moi. Le sang bleu du reptilien s’étend sur le sable, et aussitôt, les flammes immaculées deviennent vertes. Le sol lentement, mais sûrement recouvert de bleu ne change quand à lui pas. Décidée à sortir rapidement de la pièce pour mettre Silvère au courant de ma réussite, je quitte la pièce à grand pas. Ne voyant aucune porte, je passe à travers le mur.

     

    LA PIECE OU J’AI ENFIN RETROUVE IGNIS
    Cette pièce a été visitée par Amayelle

     

    Je marche, fais quelques pas, et m’évanouis de fatigue, de faim, de peur et de douleur. Je ne sais pas combien de temps je passe inconsciente, mais lorsque je me réveille, j’entends une respiration. J’ouvre les yeux, doucement. Je vois flou. Je ne vois presque rien. Une main passe dans mes cheveux. Elle tremble un peu. La personne au dessus de moi est inquiète. J’ouvre finalement les yeux. Les contours se dessinent. Je reconnais Ignis, mon frère. Un sourire éclaire son visage.
    Il crie de joie.
    -Amayelle ! Amayelle ! Tu vas bien ?
    Une voix retentit derrière lui, et je le vois sursauter.
    -Ignis ! Il est encore nuit. Tu vas réveiller tout le monde. Tais toi, et rejoins les autres.
    Mon frère baisse la tête, et se relève précipitamment. Il court presque, et quitte la pièce par une porte que je n’avais pas aperçue. Mon premier geste est un mouvement de recul. Je crains la colère de mon mentor, mais curieusement, il n’est pas énervé, et calme. Je m’apaise.
    Mon maitre se penche sur moi. Il murmure, d’une voix inaudible pour quiconque n’ayant pas appris à écouter cette voix imperceptible. Elle signifie que mon maitre est épuisé.
    -Vas tu bien ?
    Je tente de répondre. Mais ma gorge est trop sèche. Je me rappelle alors, que ça fait quelques jours que je n’ai pas bu et mangé. Ma respiration siffle. Mon maitre comprend vite le problème, et m’aide à me redresser. Il tient un bol dans son autre main. Il m’aide à boire, soutient mon corps trop fragile, me chuchote des paroles de réconfort lorsque je m’étouffe. Je reconnais en lui un vrai père. Attentif, sensible, et aimant, presque.
    Je pleure de joie. Il dit, tout à coup insensible.
    -Je suis arrivé à temps, on dirait… Pourquoi pleurs tu ? Tu es en sécurité…
    Je murmure, d’une voix faible.
    -Je suis si fatiguée… Pardonnez moi…
    -Je veille sur toi, jeune fée.
    Je souris, heureuse d’entendre ce surnom, qu’il use lorsque il n’est pas énervé. Mais ce geste involontaire me fait souffrir, et je me tais. Mon mentor m’aide à me rallonger, et s’éloigne. Je m’endors, au rythme de ses pas.

    Quelqu’un me secoue doucement. Je me réveille, en sursautant. La présence rassurante de mon maitre me calme aussitôt. J’ai de la chance. Dans ses accès de colère, mon maitre me projette souvent contre le mur, ou me blesse sans s’en rendre compte parfois. Là, il me sourit doucement, et tient un bol de bois. Il m’aide à m’asseoir contre le mur. Puis, il me tend le bol. Je souris, en reconnaissant le mélange. C’est celui que j’ai mangé durant toute ma vie auprès de lui. Bien qu’il n’ai aucun goût, il me rappelle beaucoup de souvenirs, comme la fois, où le jour où nous avions sept ans, Ignis avait décidé de faire une petite bataille de nourriture. Tout s’est très mal passé, puisque notre maitre est intervenu. Je souris. Je l’avale, affamée, puis, repose le bol à terre. Mon maitre parle d’une voix plus audible, cette fois ci. Peut être n’a t-il pas eu à se battre avec Ignis cette nuit.
    -Vas tu mieux ?
    -Grâce à vous…
    Il sourit, soulagé.
    -Qui est l’homme qui était avec toi ?
    L’éducation sévère que cet homme m’a prodiguée m’interdit de lui mentir.
    -C’est un prophète. Il s’appelle Immanuel.
    -Que ressens tu pour lui ?
    Je détourne la tête gênée. Peut être m’en voudra t-il…
    -Amayelle ! Réponds moi.
    -Je crois… que je suis amoureuse de lui…
    Il ne dit rien. Mais ne semble pas contre.
    -Où est Ignis ? Que devient il?
    Il grommelle, soudain énervé.
    -Il devient de plus en plus comme toi.
    Je souris, heureuse, simplement de savoir comment va Ignis.
    -Suis je si terrible ?
    Il me regarde dans les yeux, pensif.
    -Particulièrement agaçante.
    Je souris de nouveau.
    Mon maitre se relève, et murmure.
    -Tu as de la chance d’être si mal en point, sans quoi je t’aurai déjà punie.
    Il s’en vas, et je m’endors de nouveau, fatiguée…

    Lorsque je me réveille, je suis seule. Enfin, seule… Mon maitre est à quelques mètres de moi, mais ne voit pas que je suis éveillée. Je l’observe. Il est calme, impassible. Il tient un livre, et lit, debout. Il me tourne le dos. Soudain, se sentant épié, il ferme le livre, sèchement, et se retourne lentement vers moi. Ses yeux gris sont d’acier. Il s’approche, et me demande.
    -Comment te sens tu ?
    -Sa voix n’est pas inquiète. Il estime le danger écarté.
    Je murmure, doucement.
    -Mieux…
    -Te sens tu capable de marcher ?
    Je tente de me relever, en m’appuyant contre le mur. Aussitôt, une intense douleur me saisit à la jambe. Je m’effondre à terre, aux pieds de mon mentor. Des larmes de douleur coulent sur mes joues.
    Il s’agenouille aussitôt, et regarde ma jambe. Une intense lumière jaillit de ses mains. Ma lésion se ferme. Je souris, la douleur s’évapore peu à peu. Mon mentor se relève, satisfait, et dit, d’une voix forte.
    -Tu pourras te relever demain.
    Puis, il place sa main sur mon front. Une envie de sommeil me prend tout à coup. Je murmure, somnolente.
    -Non… S’il vous plaît…
    Il s’éloigne, sans entendre mes protestations. Je m’endors, à cause de sa puissante vague d’apaisement.

    Je suis secouée d’une main énervée. J’ouvre les paupières. C’est mon maitre. Sombre, la tête baissée, il ne me parle pas, et je respecte son silence. Il me tend le bol, que j’avale rapidement. Je crains qu’Ignis n’ait encore énervé notre maitre commun. Puis, surprise…
    Mon mentor me tend sa main, et m’aide à me relever. Puis, il inspecte mes ailes. Il est soulagé de constater qu’elles ne sont pas brisées. Il me dirige alors vers la sortie. Je me retourne, regarde la pièce dans laquelle je suis restée cinq jours. Blanche, éclairée. Aucun meuble, sinon le matelas sur lequel je suis restée allongée durant tout ce laps de temps. Une mosaïque est dessinée sur le sol. Un magnifique soleil y est représenté. Un lustre de chandelles éclaire la pièce, qui est assez petite.
    Je murmure, à mon maitre.
    -Où est Immanuel ?
    -Il est derrière la porte.
    Il saisit ma main, et m’entraîne dans la pièce suivante. Je me rappelle, de ces moments, tant aimés. Ces moments avec mes frères, mes sœurs, et mon mentor. Ces moments, durant lesquels nous riions, heureux, tout simplement.
    Je vais les revivre. Je le sais.

     

    LA PIECE OU J’AI SOIGNE MON IDIOT DE FRÈRE
    Cette pièce a été découverte par Amayelle

     

    Je suis éblouie par la lumière de la pièce. Mes yeux s’y habituent peu à peu, et je distingue rapidement des formes. Cinq personnes sont assises en rond, et discutent. Je souris, en les reconnaissant. Immanuel, Ignis, Océane, Kyo et Auriane.
    Mon mentor me pousse vers eux, et aussitôt, un large sourire éclaire leurs visages. Ils se lèvent, mais ne savent pas quoi dire. C’est finalement Immanuel qui s’avance, et me serre dans ses bras. Il souffle à mon oreille.
    -J’ai eu si peur pour toi…
    -Tu étais dans un bien plus mauvais état…
    Il m’embrasse, choquant mon mentor, qui nous fixe, calmement, mais je sais que son âme est violemment tourmentée.
    Nous nous écartons, et je me tourne vers mes frères. Ignis court vers moi, et se jette dans mes bras. Je me serre contre lui, heureuse de sentir son parfum, sa peau contre moi, soudain, je frissonne. Son dos. Son dos est couvert de lésions ! Je le sonde. Il a également énormément d’hématomes ! Ignis a un quotidien horrible. Je dois le sortir de là, et vite. Je m’écarte de lui. Je serre, tour à tour mes frères dans mes bras, puis, notre maitre entraîne Kyo, Auriane, et Océane plus loin, pour leur enseigner son savoir. Ignis en est écarté, certainement trop perturbateur. Immanuel les suit, curieux de voir l’enseignement de l’immortel. Nous sommes seuls, Ignis et moi.
    Je regarde mon frère, et lui ordonne, d’un air autoritaire.
    -Allonge toi.
    -Mais, pourquoi ?
    -Fais ce que je te dis. Maintenant !
    Il s’allonge, et frissonne, lorsqu’il me voit sortir mon poignard. Je tranche sa tunique, examine son dos. Je hoquète de surprise, et pleure aussitôt, de compassion. Mes larmes brûlent les lésions de mon frère, qui gémit. Je me ressaisis , aussitôt. Je ne dois pas me laisser abattre, plutôt l’aider.
    Je passe mes mains sur son corps. Elles s’illuminent d’une intense lumière rosée, et je ferme les blessures de mon frère. Sa peau bleuie devient normale, peu à peu, et je le vois soupirer de soulagement. Grâce à ma magie, je répare ensuite sa tunique, et l’aide à se relever. Une fois face à face, je le gifle.
    -Espèce d’idiot ! Tu veux te faire tuer, c’est ça ? Tu croyais que je ne me rendrais pas compte de tes blessures ? Es tu fou ?
    Il saisit mes mains, et murmure.
    -Calme toi, Amayelle…
    Je me dégage, énervée.
    -Non, je ne me calmerai pas ! Tu aurais pu mourir. Tu dois arrêter d’énerver le maitre, ou il finira par te tuer !
    -J’en ai assez de ne pas être libre, Amayelle.
    -Personne n’est libre, Ignis ! Personne ! Nous sommes tous prisonniers de ce château, où nous deviendrons tous fous ! Nous sommes à la merci du maitre des lieux, qui est sadique et cruel ! Il ne respecte rien. Il nous fera agoniser de douleur, et de tristesse. Alors, écoutes moi bien. Je ne veux pas que tu devienne le sujet sensible chez moi, qui permettra au Chateau de me faire souffrir. Est ce clair ? Alors tu vas arrêter d’énerver le maitre, de lui répliquer, tu vas obéir, parce que c’est ce que nous devons tous faire. Nous obéissons au maitre, qui obéit aux dieux. Nous n’avons pas le choix. Alors, plutôt que de te faire tuer, tu vas te ressaisir, et arrêter de vouloir être indépendant !
    -Mais tu es indépendante, toi…
    -Non ! Je suis toujours sous la tutelle du maitre, et sans lui, je serais morte! Il a toujours droit de vie et de mort sur moi, et moi, je ne tente pas de me faire tuer. Alors, tu vas te taire, et obéir ! Suis je claire ?
    Il murmure, apeuré.
    -Oui… Je te le jure, Amayelle.
    Je suis aussitôt soulagée, et moins agressive. La crainte de le perdre, m’a fait perdre mes moyens, et je me suis énervée, au lieu de tout lui expliquer calmement. Deux mains se posent sur mes épaules.
    -La colère ne doit habiter personne.
    Je ne réponds pas à mon maitre. Je fixe le vide. Je suis épuisée, moralement, et physiquement. Immanuel se tient en retrait, et je comprends que mon mentor a déjà fait peur au prophète, en le menaçant.
    -Tu devrais te calmer.
    Je fonds en larmes. Je suis trop sensible, et Ignis s’en veut terriblement d’avoir attiré ma détresse. Je me dégage de la pression de mon mentor, et cours vers le fond de la pièce. Je ne l’ai pas encore dit. Je suis dans une forêt immense. La cime des arbres semble toucher le plafond infini. Avant, nous étions dans une clairière. Mes pieds nus marchent sur les feuilles sèches. Je cours à travers les arbres, et m’arrête au pied d’un gros chêne. Là, je pleurs toutes les larmes de mon corps, jusqu’à ce que la nuit tombe. Une silhouette se dessine dans l’obscurité. Je reconnais mon maitre. Il s’assoit à mes côtés, et saisit ma main. Nous restons silencieux quelques minutes, puis, il serre ma main. Je lève les yeux sur lui, surprise, et les baisse aussitôt.
    -Qu’as tu ?
    Je ne réponds pas, retiens un sanglot.
    -Réponds moi, Amayelle…
    -C’est ce château… La réalité vient de me paraître. Nous ne sortirons jamais d’ici. Nous sommes pris au piège. Le château est un fou, un sadique qui n’hésite pas à faire souffrir les gens. Je ne verrai jamais le ciel.
    Je fonds en larmes. Mon maitre insensible ne dit rien, et se contente de serrer plus fortement ma main.
    -Je suis tout le temps sur les nerfs, énervée, fatiguée… Je n’en peux plus.
    -C’est ton destin Amayelle.
    -Parfois, le destin, je l’enverrai bien voir ailleurs si j’y suis.
    -C’est ton destin, Amayelle. Ce à quoi je te forme depuis ta naissance.
    -Jurez moi que nous sortirons d’ici un jour… Jurez le…
    Mon maitre se relève brusquement, et s’en va, sans rien dire. Je m’enferme dans ma bulle, et pleure. Je m’assoupis peu à peu.
    Je me réveille au milieu de la nuit, lorsque je sens une présence à côté de moi. Une ombre se dessine. Je me redresse, soupçonneuse. Je me calme aussitôt, en voyant que c’est Immanuel. Il m’aide à me relever, et me serre dans ses bras.
    -Vas tu mieux ?
    -Pourquoi n’es tu pas venu avant ?
    -Ton maitre m’a clairement fait comprendre que si je m’approchais de toi, il me ferais souffrir jusqu’à ce que je souhaite mourir. J’ai attendu qu’il médite, et je suis venu.
    Je ne réponds pas. Je me laisse bercer par les battements de son cœur.
    -Pourquoi pleurs tu ?
    -La réalité m’a frappée. Je ne sortirai jamais d’ici. Je suis prisonnière de ce château, sans échappatoire. Aucune porte de sortie. Mon destin ne m’appartient pas.
    -C’est faux, Amayelle.
    Il frotte doucement mon dos, tout en murmurant à mon oreille.
    -Tu as le choix. Tu peux t’avouer vaincue, ou te battre. Tu peux te soumettre, ou décider. Tu peux être toi, ou le reflet qu’on t’ordonne d’être.
    Je m’écarte doucement. Le regarde dans les yeux. Peut être y voit il la flamme de la détermination, car il sourit.
    -Je vais me battre Immanuel. Je vais affronter ce château. Je sortirai un jour, et je verrai le ciel. Je le jure.
    Il me serre contre lui, heureux.
    Je murmure, doucement, d’une voix plus calme.
    -Peux tu me laisser seule, s’il te plait ? Je dois réfléchir.
    -Je t’aime.
    -Pas autant que moi.
    Nous nous embrassons, puis il s’éloigne dans les bois. Je ne sursaute pas lorsque deux mains familières se posent sur mes épaules. Je profite de ce moment rare, avec mon mentor.
    Je laisse l’immortel parler en premier, car son rang lui réserve ce droit.
    -Savais tu que j’étais là ?
    J’élude la question, et murmure, à mi voix.
    -Il est étonnant que vous n’ayez pas encore tué Immanuel… Après vos menaces…
    -Je respecte la vie.
    -Je n’y ai jamais cru.
    Il préfère laisser passer mon insolence, et me demande.
    -Quels sont tes projets ?
    -Je vais repartir. Je vais combattre ce château. Je vais lui faire ravaler son rire démoniaque.
    -Tu ne veux pas rester en sécurité avec nous ?
    -J’ai besoin de me battre. Je ne peux pas ne rien faire. Comprenez mon choix, s’il vous plaît…
    -Je suis toujours ton maitre, j’ai encore autorité sur toi.
    -Je ne me rebelle pas. C’est plutôt une demande…
    -Laquelle ?
    -Laissez moi repartir. Je vous jure que je reviendrai…
    -Tu pourrais mourir…
    -C’est mon destin. C’est vous qui me l’avez dit.
    Il me fixe, en colère. Il déteste qu’on retourne ses arguments contre lui.
    -Je ne pensais pas te laisser repartir si tôt. Je pensais te laisser partir à vingt ans. Tu n’en as que treize…
    -La valeur ne dépend pas de l’âge.
    -J’aurai préféré profiter de tes rires encore un peu.
    Je suis surprise. L’immortel ne m’a jamais témoigné d’affection.
    Il me sourit tristement, puis se lève. Nous rejoignons ensemble mes jumeaux, et Immanuel qui dorment. Je me colle contre Ignis, et m’assoupis rapidement, sous le regard impassible de mon maitre. Je suis réveillée par l’ordre silencieux de Maitre Abnar. Depuis toujours, il nous réveille, en parlant dans notre tête.
    Nous avalons un rapide petit déjeuner. Puis, nous marchons dans la forêt, en quête d’une sortie. Le regard de l’immortel me fait comprendre qu’il ne me laissera pas repartir, et je suis déçue. Une porte se dessine dans un chêne. Nous passons dans la pièce suivante.
    J’ai enfin pu embrasser Immanuel.

     

    LA PIECE A LA FONTAINE D’OR
    Cette pièce a été explorée par Amayelle

     

    Nous entrons, Immanuel, mes jumeaux, mon maitre et moi dans une sorte de cour. En effet, le sol est dallé, et au centre de la pièce il y a une fontaine d’or. Des paysans affairés puisent l’eau de la fontaine, et reviennent comme ils sont venus, rapides, et silencieux. Parfois, lorsqu’un seau se renverse, on entend un juron étouffé. Nous marchons lentement. Immanuel est le seul chaussé d’entre nous, et ne sent pas les dalles brûlantes sous nos pieds. En effet, il fait très chaud. La fontaine nous attire, irrésistiblement. Chacun d’entre nous, sauf notre maitre peut être, a envie de boire de cette eau, cette eau de fontaine d’or.
    Nous sommes au bord de la fontaine. Je glisse mes mains dans cette eau froide. Ce contact gelé, doux, et… liquide, me fait soupirer. Je bois, et sens l’eau froide couler le long de ma gorge. Je m’assois sur le bord de la fontaine. Immanuel en fait autant, et saisit mes mains. Mes frères et sœurs sont plus loin, en compagnie de notre mentor. Kyo et Auriane rient. Ils sont heureux.
    -Tout va bien ?
    -Oui…
    J’aurais du être plus enthousiaste. Immanuel comprend vite le problème.
    -Il ne veut pas te laisser partir, c’est ça ?
    -Toi, il n’attend que ça…
    -Il ne doit pas apprécier notre relation…
    Il rit doucement. J’envie sa capacité à vivre le jour le jour, et à tout prendre avec légèreté.
    Il regarde l’eau, la fixe, soudain sérieux.
    Il murmure, en transe.
    -Cette eau. C’est la même que dans la grotte… C’est l’eau des dieux.
    -Je ne peux pas partir, Immanuel.
    Il me regarde d’un air espiègle et avant que je n’ai le temps de réagir, me pousse dans le bassin.
    Je pense pour moi même. JE VAIS LE TUER…
    Immanuel saisit ma main, tandis que nous nageons vers le fond de l’eau. Je ne peux plus respirer. Le prophète m’embrasse, et je profite de l’instant. Car quelques secondes plus tard, nous nous évanouissons ensemble, collés l’un contre l’autre, à cause du manque d’oxygène.

     

    LA PIECE OU JE DÉCOUVRE LE CHOCOLAT
    Cette pièce a été explorée par Amayelle

     

    Je me réveille, doucement, bats des paupières. Le plafond est noir. Des petits bouts oranges sont parsemés dessus. Une bonne odeur flotte dans la pièce. Une odeur que je ne connais pas, que je ne pourrais pas définir.
    Je me relève, péniblement. Immanuel est collé à mes côtés, sa paume contre la mienne. Je suis debout. Il fait tiède, ici, et sec. Je tourne sur moi même. Le sol est blanc, et dur. Les murs sont marron clair, et au centre de la pièce, une magnifique fontaine. Une fontaine marron clair, également. Le liquide qui s’y trouve est foncé. Une délicieuse odeur m’attire vers lui. Je marche vers la fontaine, plonge mes mains, dans le liquide. Il est chaud. Je le porte à ma bouche. C’est si bon… Mille saveurs dans ce mélange. Je crois reconnaître du lait. Et aussi… De la cannelle. Oui, j’en avais goûté avec les chevaliers d’Emeraude. Un biscuit à la cannelle, plus précisément. C’est très sucré, comme de la guimauve…
    Une main se pose sur mon épaule. Je me retourne. Immanuel me sourit, paisiblement.
    Il murmure, de sa voix tendre.
    -C’est bon, n’est ce pas ? C’est du chocolat.
    J’avoue, d’une voix joyeuse.
    -Je ne sais pas ce que c’est…
    -C’est à base de cacao.
    Je fronce les sourcils, je ne comprends pas ce terme.
    -Dedans, il y a du lait, et du sucre, aussi. C’est un mélange, que tout le monde aime. Il y en a du noir, amer, du plus clair, avec du lait, et du blanc. C’est surtout avec du beurre de cacao et du sucre. C’est ce qui est à nos pieds…
    Je regarde le sol. Puis, relève la tête surprise.
    -Mais alors ? Toute la pièce est en chocolat ?
    Le prophète acquisse, doucement.
    -Je n’avais jamais vu autant de chocolat.
    -Sortons ! Je veux découvrir d’autre chose ! Je veux tout savoir !
    -Très bien. Suis moi.
    Il se dirige vers la porte. En chocolat couleur crème, des motifs y sont dessinés. La personne qui a réalisé la pièce, s’est certainement amusée avec les différentes teintes.
    Comme à notre habitude, nous nous embrassons dans l’embrasure de la porte.
    Un baiser chocolaté.

     

    LA PIECE DES GUERRIERS SANGLANTS
    Cette pièce a été découverte par Amayelle
    Merci au Champignon Fluorescent à Pois Jaunes, qui m’a donné pas mal de solutions, pour échapper à un adversaire, qui vous plaque au mur.

     

    Nous entrons dans une pièce sombre. Aussitôt, je suis collée au mur. Un homme tient une lame, et la plaque contre mon cou. 3 gouttes de sang. Je tourne difficilement la tête. Quelqu’un plaque Immanuel au mur, également. La pièce est sombre, le sol est marron-rouge, humide. Un lustre éclaire la pièce, faiblement. Les bougies s’éteignent une à une, usées par le temps. Je reporte mon regard sur mon agresseur.
    Un homme grand et fort, me tient. Vêtu de vêtements sombres, des traces rouges sont sur son vêtement. Je porte mon attention sur la lame.
    -Qui êtes vous ?
    L’homme en réponse, enfonce plus profondément son poignard. Je ne peux même plus parler, à peine respirer. Sans aucun doute, l’homme veut me voir disparaître du château, dans la douleur, évidemment.
    Je dois sortir, et vite. Immanuel n’a pas le droit de se battre, car il est un prophète. Il prie.
    Les bougies s’éteignent, une à une. 4 gouttes de sang sur la lame. Les yeux fous de l’homme s’y reflètent. Je manque de trembler, mais, me maîtrise. Le poignard appuie trop fort.
    Plus que deux bougies. 6 gouttes de sang. Elles dégoulinent, jusqu’à descendre, sur ma tunique, qui devient tâchée de sang, il s’étend.
    Plus qu’une bougie. 12 gouttes de sang. Il coule de plus en plus vite, et j’ai de plus en plus mal.
    Aucune bougie. 27 gouttes de sang. Je ne peux plus respirer, c’est le moment. La pièce est dans le noir total. Je plante mon coude dans le ventre de l’homme, Il recule, aussitôt, il a mal. A son tour de souffrir. Je me place devant lui, saisit son poignard, en lui tordant la main au passage, et le fait tomber à terre. Le plaque au mur, avec le même poignard qui m’a tant fait souffrir.
    -Qui êtes vous ?
    Le ton ne tend pas à plaisanter. Pourtant, l’homme n’est pas plus effrayé que ça. Il crache à terre.
    -Vas te faire foutre, sale p***!
    Je le blesse, sans état d’âme. Il ne pourra plus combattre. Il s’évanouit, et je m’apprêtais à abréger ses souffrances, lorsqu’on me saisit par derrière. L’homme qui tenait Immanuel me tient moi à présent, son bras sous ma gorge.
    -Tu croyais pouvoir m’échapper ?
    Il ricane, d’un rire rauque, et cruel.
    Il me lâche, et surprise, je tombe à terre. Il me plaque au sol, appuie de tout son poids sur moi. Évidemment, il n’y a plus de lumière. Mais, je peux quand même sentir l’odeur du sang. Mes cheveux baignent dedans. Ce n’est pas mon sang. Certainement celui des victimes de ces deux hommes. Le mien s’y ajoutera bientôt. Je ferme les yeux. L’homme me fait mal, appuie sur mes poumons, j’ai de plus en plus de mal à respirer, je ne peux pas bouger.
    -Rends toi… Tu souffriras moins…
    Je lui fait une réponse plutôt inattendue. Je lui crache dessus. Mon agresseur surpris et dégouté recule, et j’en profite pour me relever. Je le pousse sur le sol. Les yeux dans le sang, il ne voit rien. Je me tourne vers Immanuel. Il est en très mauvais état. Décidant de ne pas rester ici une minute de plus, je passe son bras autour de mon cou, et le tire dans la pièce suivante. Je l’embrasse, bien qu’il soit inconscient, dans l’embrasure de la porte.
    Premier baiser de sang.

     

    LA PIECE DE LA CHAMBRE BEIGE
    Cette pièce a été découverte par Aifé

     

    Je débouche dans une pièce, qui me semble être une chambre beige et blanche. Un lit double est au centre, et devant un miroir. Une table de nuit, avec un livre dessus. Une bible.
    Le sol est de parquet. Une fenêtre est ouverte, et les rideaux de lin blancs volent dans la pièce. Un vent frais me rafraîchit, après mon combat.
    Je saisis le téléphone. On me répond, presque immédiatement.
    -Aifé ? As tu réussi ?
    -Grâce à votre apprentissage.
    -As tu la glande ?
    -Comme vous me l’avez enseigné.
    -Tu ne taris pas d’éloges, aujourd’hui…
    -En effet.
    -Où es tu ?
    -Dans le château.
    Il soupire d’exaspération, et je reste impassible.
    -Je m’en doute, puisqu’il est impossible de sortir. Je veux des précisions.
    -Je suis dans la pièce à côté du lieu d’exécution. Dans une chambre.
    -Es tu blessée?
    -Oui.
    -Faudra t-il t’arracher les mots de la bouche ?
    Mon maitre reste impassible. Comme toujours. Je grimace de douleur.
    -A la hanche.
    -Pourras tu te soigner toi même ?
    -Je le pense.
    -Je t’indiquerai ta prochaine cible.
    Il raccroche. Mon mentor ne dit pas qu’il est fier de moi. Je le sais. Inutile de me complimenter. Je suis née pour ça. Comme tous ceux de ma race.
    Je me soigne, rapidement, avec un bandage.
    J’appelle Théo.
    -Come stai ?
    Il n’a pas perdu son humour ni son accent italien.
    -Bien. Et toi ?
    -Je m’ennuie de plus en plus au Vatican, alors Silvère ne me laisse plus un instant de libre, et m’entraîne tous les jours. J’ai pu te répondre car il écoute tout ce que nous disons.
    -Je n’ai rien à lui cacher.
    -Moi non plus.
    -Où sera ta prochaine cible ?
    -Je n’en sais rien. Si tu veux, je pourrai venir discuter avec toi, grâce à mon esprit…
    -Tu veux dire que je devrai te supporter encore une fois de plus ?
    Il éclate de rire. Je fais la même chose, heureuse de discuter avec lui.
    -Je te laisse, je dois retourner m’entraîner.
    -Penso a te…
    -Addio.
    Je raccroche.
    Je m’enfonce dans le mur.

     

    LA PIECE OU J’AI TROUVE UN NOUVEAU MENTOR
    Cette pièce a été explorée par Aifé.

     

    Je sors du mur, et la première personne que je vois est un homme, de dos, dans un fauteuil, qui lit. Je reconnais sa nature, et j’ai le souffle coupé. La pièce est bleue océan. Une bibliothèque une cheminée, et un fauteuil, pour seuls meubles. Le sol est blanc, et lisse. Seul l’âtre éclaire la pièce. Les flammes dansent joyeusement, et le crépitement du brasier couvre le bruit de mes pas. Je m’avance prudemment vers l’homme. Il ne bouge pas, tournant une page de temps à autre. A quelques mètres de lui, je m’immobilise, écoutant sa respiration régulière.
    -Tu peux avancer, si tu veux.
    La voix a fusé. Elle était calme, et claire. L’homme continue de lire son livre, tranquillement. Je contourne son siège, et me place devant lui, debout cachant les flammes. Il relève la tête, en souriant doucement.
    -Qui êtes vous ?
    -Je m’appelle Néo Maryl.
    -Je suis Aifé de l’Ombre.
    -Ou plutôt Aifé Morin.
    Il est impassible, tandis que je sursaute violemment.
    -Je… Comment savez vous que…
    -Souvent les apprentis orphelins prennent le nom de leur mentor. Ton nom n’est qu’un pseudonyme.
    Je penche la tête, doucement.
    -Qui êtes vous ?
    -Je t’ai déjà répondu.
    Il me fixe, de ses yeux bleus clairs. La réalité me frappe.
    -Vous êtes un naga.
    -Je suis un traqueur. Et je peux t’aider.
    Je palis. Il sait qui je suis, alors que j’ignore tout de lui, et c’est un varan par dessus le marché.
    -M’aider à quoi ?
    -A poursuivre ton apprentissage. Je sais qu’il n’est pas achevé.
    -Comment ?
    -Les mentors communiquent entre eux.
    -Mon maitre ?
    Il acquisse. Il se lève, et pose son livre.
    -Il m’a dit que tu arriverais, et que je devrais finir ton apprentissage. Il ne l’a pas achevé, parce qu’il savait que je t’en prodiguerais un meilleur.
    -Vous êtes un mentor ?
    -Je suis ton mentor.
    Je reste sans voix. Quelqu’un va poursuivre mon enseignement ! Ce secret honteux que j’avais toujours gardé pour moi va prendre fin. Un naga qui n’a pas tout apprit risque la mort. Et mon maitre m’y a presque envoyé. Je vais enfin devenir un varan. Mon rêve.
    L’homme saisit doucement ma main, et m’entraîne à travers le mur.

     

    LA PIECE AU CITRONNIER
    Amayelle.

     

    Je traîne Immanuel dans cette pièce. Je le dépose à terre, et l’examine sommairement. Blessé à l’épaule, il saigne abondement, à moins que ce soit le sang dans lequel il a baigné.
    J’inspire profondément, et active ma magie. Mes mains s’illuminent d’une faible lueur rosée, et mon pendentif brille fortement. Je pose mes mains sur l’épaule d’Immanuel, et aussitôt mon énergie circule en lui. Je ferme les yeux. Je sens son pouls, régulier, je sens son sang circuler, je sens ses veines qui se réparent, sa chair, sa peau. Je retire mes mains, et regarde autour de moi. Nous sommes dans une petite pièce. Un citronnier chargé de citrons, en son centre. Il semble en bonne santé, car son feuillage est vert, et ses fruits abondants sont très gros, et d’un jaune magnifique. Nous sommes sous son feuillage, qui nous cache de la chaleur de la pièce. Les murs sont de bois clair, et le sol de terre meuble. Le plafond est haut, et noir. Trois espèces de lampe éclairent la pièce, mettant en valeur le jaune des citrons.
    Je décide de ne pas m’inquiéter, et sombre dans un demi sommeil. Je me réveille, lorsque la paume d’Immanuel que j’avais gardé contre la mienne sursaute violemment. J’appuie aussitôt ma main sur sa poitrine, pour l’empêcher de se relever.
    -Tu vas mieux ?
    -Oui. Grâce à toi.
    Je souris.
    -Te sens tu prêt à poursuivre notre exploration ?
    -Il est hors de question que tu m’abandonne ici !
    J’éclate de rire, heureuse de voir qu’il va bien.
    Je me lève, et l’aide à en faire autant.
    Je regarde le citronnier, Immanuel cueille un citron. Il le sent, et dit.
    -Il est mur.
    -Que veux tu que nous en faisions ?
    En réponse, il croque dedans. Je n’aime pas tant que ça le citron, et grimace.
    Puis, nous sortons de la pièce, et nous embrassons dans l’embrasure de la porte.
    Premier baiser acide.

     

    LA PIECE OU JE DÉCOUVRE ENFIN LE CIEL
    Cette pièce a été explorée par Amayelle et Shvimwa

     

    Nous sommes dans une pièce incroyable… Une pièce que j’ai toujours rêvé d’explorer. Une pièce maintenant inespérée…
    Le sol est bleu pastel, lisse, et légèrement froid sous mes pieds nus. Les murs sont de la même couleur. La pièce a une forme de pentagone. Et sur chaque mur de la pièce, une porte. Les murs sont de différentes teintes, allant du bleu très clair au bleu de nuit. Les portes tranchent, car elles sont immaculées. Il n’y a aucun objet dans cette pièce, qui est entièrement vide. Mais, ça n’enlève rien à son charme. Car le plafond, est pour moi des plus extraordinaires.
    Il est magnifique. Bleu clair, de petites choses blanches le parsèment. Une boule lumineuse est au centre. Elle réchauffe doucement mon visage. Les choses blanches se déplacent, doucement. Cette étendue de bleu me fait rêver.
    Je me tourne vers Immanuel. Il sourit, chaleureusement. Il me regarde, et murmure, doucement, heureux.
    -C’est ce que tu as toujours voulu voir, Amayelle.
    -Non…
    -Si. C’est le ciel.
    Je ne peux plus rien dire. Je suis époustouflée. Le ciel, est au dessus de moi.Ce que j’ai toujours rêvé de découvrir !
    Je m’exclame, fortement.
    -C’est sur nos épaules que réside le poids du ciel, on pourrait le toucher de nos doigts…
    Et pourquoi pas, après tout ? Je bats doucement des ailes, avant qu’Immanuel ai le temps de me retenir. Je parcours un mètre, deux, trois… Et me heurte, à quelque chose que je n’avais pas vu.
    Je murmure, silencieusement en le touchant du bout des doigts.
    -Du verre…
    Ainsi, je ne suis toujours pas libre… Je ne pourrai jamais voler entre ces choses blanches qui sont des nuages. Je ne pourrai jamais respirer l’air du dehors. Tout n’est qu’illusion. Je retombe au sol, loin d’être aussi déçue que l’imaginait le prophète.
    -Tant pis. Un jour, je te le jure, je volerai entre les nuages.
    Il sourit.
    -Sortons. Il n’y a plus rien à voir ici.
    A ce moment, avant même que nous ne fassions un geste, une jeune fille déboule dans la pièce.
    Très en colère, vêtue entièrement de noir, de cuir et de métal, elle tient plusieurs lames. Elle se rue sur nous, et avant que le prophète n’ai le temps de l’arrêter, je réponds à son attaque. Poignard en main, je décris des arcs de cercles autour de moi pour me protéger. Immanuel, à quelques pas de moi prie son dieu de me sauver.
    L’attaquante me fait face. Elle s’élance sur moi, rapide, et silencieuse. Ses coups sont forts, et je peine à les retenir avec mon poignard.
    Après de longues minutes, elle finit par me mettre à terre. Je tente de me relever, mais elle me repousse du pied. Je couvre mon visage de mon bras. Au moment où l’étrangère allait me faire le coup de grâce, malgré les prières d’Immanuel, une brume argentée et compacte enveloppe la pièce. Le prophète saisit l’occasion, et m’entraîne à l’autre bout. Lorsque elle s’estompe, un formidable lion d’or se dessine. Il saute sur la jeune fille, l’empêchant de me tuer. Sa lame vole et retombe dans un bruit sourd à l’autre bout de la pièce. Le lion gronde, d’une voix de stentor, grave et puissante.
    -Il serait stupide de tuer une alliée.
    L’étrangère réplique, énervée.
    -Elle obéit au Château !
    -Qu’en sait tu ?
    Elle se tait.
    -Je veille sur toi Shvimwa. Cette jeune fille est une alliée. Elle lute contre le Château.
    Le lion s’évapore dans une nouvelle brume d’argent.
    L’étrangère nous fixe, et s’avance. Je l’observe, tandis que je me dégage de la pression qu’exerce Immanuel sur mes épaules. Elle est blonde, aux yeux bleus, et élancée. Elle est vêtue de vêtements moulants de cuir. Des plaques de métal, moulantes, également, lui servent de protection. J’estime qu’elle a environ 15 ans. Ses yeux sont bleus, profonds, un peu comme les miens, et sa coiffure, est très belle. Une multitude de tresses sont attachées en trois tresses, plus grosses, qui forment au final une tresse, serrée, qui lui descend vers le haut de son dos. Quelques tresses échappent à la coiffure, et encadrent son visage. Ses cheveux sont du même blond que les miens, bien que je les laisse lâchés. Un vœu de mon maitre. Elle est devant nous. Elle a rangé sa lame. Elle dit, d’une voix forte, et froide.
    -Je m’appelle Shvimwa. Qui êtes vous ?
    -Je m’appelle Amayelle. Amayelle d’Enkidiev.
    -Je suis Immanuel, porteur de la parole de mon dieu.
    -T’es un prophète, quoi ?
    Immanuel acquisse. Shvimwa me scrute. Elle est de la même taille que moi, bien que je n’ai que treize ans. Ses traits sont des traits de femme. D’une femme que la tristesse n’a pas épargnée. Elle a certainement beaucoup pleuré.
    -Que fais tu ici, Shvimwa ?
    -Je dois sauver ma sœur, et la venger.
    -La venger de quoi ?
    -Le Château la retient prisonnière. Et il a prit mon frère dans ses rangs.
    Je ressens un pincement au cœur. Je n’ai même pas eu le temps de dire au revoir à Ignis, Kyo, Auriane, et Océane. Elle s’aperçoit de mon trouble, et me regarde d’un air interrogatif.
    -J’ai des jumeaux. 4. Je n’ai même pas pu leur dire au revoir.
    -Comment êtes vous arrivés dans le château ?
    Immanuel répond, impassible.
    -Mon dieu m’a demandé de répandre sa parole au sein de cet édifice. Je dois sauver le maximum d’âmes. Je suis arrivé ici il y a quelques semaines.
    -Je suis arrivée ici quelques minutes après ma naissance. C’est mon maître qui m’a emmenée ici. J’ai commencé mon exploration il y a plus d’un mois, lorsque mon mentor m’a enfin laissée visiter le lieu où j’habite depuis tant de temps.
    Shvimwa demande, froidement.
    -Qu’est ce qui me prouve que je peux vous faire confiance ?
    -Je suis un prophète, je n’ai qu’une parole.
    Elle me fixe, froide, attendant ma réponse.
    -Mon maître ne m’a même pas apprit à mentir.
    Le silence est pesant. Personne ne dit rien, pendant quelques minutes, puis Shvimwa s’exclame.
    -Je ne sais pas ce que vous voulez faire, mais moi, je veux faire payer le Chateau !
    -Moi aussi, je murmure. Je veux lui faire ravaler son rire démoniaque.
    -Tu en as déjà été victime ?
    -Il nous a capturés, Immanuel et moi. Nous nous en sommes sortis finalement grâce à mon maitre, qui maitrise les vortex. Nous avons eu une chance incroyable.
    -Vous n’avez pas eu de chance. Il vous a laissés partir exprès. Vous vous êtes fait avoir.
    Je frissonne et demande.
    -Faisons nous route ensemble ?
    -Je n’ai pas l’intention de partir libérer ma sœur avec une gamine et un prophète qui ne sait même pas se battre.
    Je m’exclame.
    -J’ai 13 ans, et je sais me battre au poignard ! Je manie également l’art de la magie, et je peux voler ! Je ne suis pas inutile, et je veux faire payer le Château.
    Elle me fixe, hautaine.
    -Rien ne me prouve que tu ne faibliras pas face au danger, et puis, je t’ai vaincue.
    Je murmure, rageuse.
    -Tu m’as prise par surprise. Si cela avait été un combat loyal, peut être l’issue du duel aurait été autre.
    -Tu n’as que 13 ans. Pour moi, tu n’es encore qu’une enfant. Tu me gênerais plus qu’autre chose.
    -A partir de quel âge prouve t-on sa valeur ? A partir de quel âge est t-on responsable de ses actes ? Il n’y en a pas. Nous ne sommes adultes que si nous le désirons. C’est notre maturité qui nous définit.
    Immanuel s’apprêtait à ajouter quelque chose, mais reste muet. Il saisit ma main, et la serre. Shvimwa, en revanche se contente de battre des mains, sans enthousiasme, sarcastique.
    -Chouette! De la philosophie ! Comme si j’allais changer d’avis. Il est hors de question que je parte combattre le château avec une gamine.
    En fait, je crois qu’elle m’en veut, qu’elle me hait. Je demande.
    -Pourquoi m’en veut tu Shvimwa ? Pourquoi juste moi ?
    Elle répond, d’un air faussement détaché.
    -Oh! Ce n’est pas toi. C’est le monde entier !
    -Et que t’as fait le monde?
    Heureusement qu’Immanuel est intervenu, car j’aurai répliqué certainement quelque chose de beaucoup moins aimable. Je veux affronter le Château, mais Shvimwa commence à me taper sur les nerfs, à ne rien comprendre.
    -Ce ne sont pas tes affaires.
    Elle ment. Je le sais. Et je vois qu’elle ne sait même pas pourquoi elle hait le monde.
    -La colère qui est en toi ne devrait habiter personne.
    -Cette colère est la mienne, et je la garde.
    Elle commence à tenir des discours étranges. Je recule, et dit.
    -Et d’où vient ta colère ?
    -Des Étoiles.
    En fait, je ne comprends rien, mais hoche la tête, comme si je partageais son avis.
    -Shvimwa… S’il te plaît… Je n’aurais jamais une chance comme celle ci !
    Elle soupire, bruyamment, et pour faire cesser mes demandes, surtout par agacement, elle réplique. Je me doute qu’elle essaiera de se débarrasser de nous dans les pièces suivantes.
    -Soit. Quelle porte choisissons nous ?
    Elle montre d’un geste de la main les 5 portes.
    -Je ne sais pas. Nous sommes venus par celle ci.
    Je montre la porte sur le mur le plus clair.
    Shvimwa désigne la porte sur le mur bleu de nuit.
    -Allons ici.
    Elle ouvre la porte, qui grince, ne signalant rien de bon.
    Nous passons l’embrasure de la porte, en nous embrassant, Immanuel et moi. Je regarde encore une fois le ciel. Et je ne peux m’empêcher de penser que c’est peut être la dernière.

     

    LA PIECE OU J’AI ACHEVÉ MA FORMATION
    Aifé

     

    Je suis adossée à une des colonnes de la pièce, profitant de la fraîcheur du soir. Je regarde la pièce, sans la voir. Je suis dans une pièce blanche, immaculée. Le sol est un tatami beige, et mes pieds nus s’y enfoncent légèrement. J’ai troqué mes vêtements noirs contre une tunique de traqueur à mon arrivée ici. Le plafond est haut, et la pièce est éclairée de manière naturelle. En effet, des fenêtres opaques laissent passer la lumière, filtrant les couleurs, ne montrant que du blanc. Ces fenêtres ne sont que sur un mur, et je suis dans la partie la plus sombre, goûtant à l’obscurité partielle. C’est ici que j’ai passé les dernières semaines. Ici que j’ai terminé ma formation. J’ai combattu ici. Je suis tombée sous les coups de katana de mon maitre, et je me suis toujours relevée. Je n’ai pas cédé à la douleur, à la peur, à l’anxiété. Je me suis concentrée sur mon objectif, que j’ai atteint. Je suis entrée ici en étant un rejet. Je suis maintenant un varan. Mon nouveau mentor, Néo Maryl vient de m’affranchir. Je suis un traqueur.
    Ces mots résonnent en boucle dans ma tête. Je suis enfin ce que j’ai toujours rêvé d’être. Heureusement que je suis adossée à une colonne, sans quoi je me serais effondrée.
    Je suis un traqueur. La tête me tourne. Je suis maintenant apte à traquer n’importe quel reptilien, même les Anantas. Même une reine. Je porte la main à ma tête.
    Je suis un traqueur. Heureusement que j’ai avalé de la poudre d’or ce matin. Sans quoi aurais je cédé à l’euphorie du moment et me serais je transformée en reptilien.
    Je sens un mouvement derrière moi. Un souffle, un courant d’air. Je n’y prête pas attention. C’est Néo. Il s’avance vers moi. Je me retourne, et le regarde. Il s’agenouille, et je fais de même.
    -Tu vas bien ?
    Je hoche la tête, sans parler. Ma gorge est sèche.
    -Tu es maintenant prête à repartir.
    -Oui.
    -Que vas tu faire ?
    -Je vais rejoindre les rangs du Château.
    -Pourquoi ?
    -Mon maitre me l’a suggéré. Il a dit que je trouverai quelqu’un là bas.
    Il me fixe, pensif. Je reconnais en lui les gestes de Silvère, et il me manque plus cruellement encore.
    -Alors pars. C’est ton destin.
    Je pose mon front à terre, en signe de respect, face au varan, et me relève. Il se relève également, et va dans la pièce adjacente. Je remets mes vêtements noirs, et saisis mon katana, celui que Théo m’a offert.
    Néo revient, et murmure, paisiblement.
    -Tu as été une apprentie très assidue. C’est Silvère qui te communiquera tes cibles. Ce n’est pas mon rôle, et c’est lui qui a commencé ta formation.
    Je baisse la tête, et regarde cet homme une dernière fois. L’iris dans mes cheveux a fané depuis longtemps. Il le retire, et le pose au sol. Son parfum enveloppe la pièce.
    -Une marque de ton passage restera ici.
    -Merci.
    Il me fait un bref signe de tête. Je m’enfonce dans le sol.

     

    LA PIECE DE LA PETITE MAGICIENNE ou LA PIECE OU JE ME DÉCOUVRE UNE PHOBIE
    Merci au Champignon fluorescent à pois jaunes, qui a manqué tuer Aifé sur la Tour du Château et qui m’a inspiré pour cette pièce.
    Aifé

     

    Je saute à terre, accroupie, et me relève aussitôt. Je scrute la pièce, afin de détecter le possible danger qui s’y trouverait. Mais il n’y a rien. Je suis dans une salle grande. Au centre, un immense brasier. Le sol est gris, simple, dur et froid. Les murs sont de la même matière, ainsi que le plafond. La pièce est vide, il ne s’y trouve aucun meuble, excepté un immense trône, au fond de la pièce. Je contourne le brasier, et m’avance vers celui ci. Il est d’argent, serti de diamant. Très grand, je remarque également la structure de la pièce. Le trône est surélevé, afin de donner l’impression aux simples visiteurs que sont les aventuriers qu’ils sont insignifiants comparé au maitre des lieux qui occupe ce trône. Je crache à terre. Aussitôt, la pièce tremble. Je m’accroupis, pour éviter de perdre l’équilibre. Lorsque je me relève, une personne occupe le trône. Une petite fille. Elle est assise nonchalante. Vêtue de blanc, elle est pied nu. Ses cheveux sont rassemblés en un chignon sophistiqué, et un diadème de diamant rassemble les mèches rebelles qui échappent à la coiffure. Elle est très élégante. Sa robe blanche est très simple, mais la met vraiment en valeur. De plus, des ailes transparentes quoi que brillantes battent doucement dans son dos. Ce sont des ailes de papillon. Elle parle d’une voix assurée, claire.
    -Oh ! Jeune aventurière, qui es tu donc ? Sache que tu te trouve dans cette pièce qui m’appartient. Pour sortir, tu devras me vaincre. Ce ne sera pas un combat à mort, loin de là. Au contraire, je répugne à tuer les aventuriers qui pénètrent sur mon territoire. Ceux qui perdent doivent me servir éternellement. Accepte tu ? De toute façon, tu n’as pas le choix.
    -Oui.
    -Ton nom ?
    -Je m’appelle Aifé de l’Ombre.
    -Très bien. Commençons.
    D’un geste gracieux, elle fait disparaître le trône, et volette jusqu’à moi. Je recule, plonge la main dans le sol, et en ressort un katana. Elle se fige en regardant l’arme, mais se maitrise très vite. Aussitôt, elle fait briller ses mains, d’une intense lumière bleue. Je murmure.
    -De la magie…
    Tout se complique, aussitôt. Ce n’est pas à une petite fille sans défense à qui j’ai affaire.

    Un rayon de magie me touche. Cela fait quelques minutes que je l’évite, répugnant à prendre part au combat. Je gémis, et passe à l’offensive, rageuse. C’est ce qu’elle attendait. J’aurais du m’en douter. Elle réplique, en m’envoyant un nouveau jet de magie, qui me blesse plus profondément encore. Je tente de renier la douleur qui m’accompagne, et lui fait un croche pied. Elle trébuche, tombe à terre, et je la plaque au sol. J’appuie de tout mon corps, sur elle. La lame de mon katana sur sa gorge. De fines coupures apparaissent.
    -Avoue toi vaincue…
    Elle peine à respirer, étouffant presque. Elle agite les jointures de ses doigts, et murmure.
    -Guérison…
    Ses lésions se referment. J’appuie plus fort encore sur son corps.
    -Je ne voulais pas en arrivé là, Aifé, mais trop tard.
    Je la regarde, déconcertée. Que veut elle dire ? Je comprends vite, lorsqu’elle fixe mon regard, d’une voix vibrante de mesmer.
    -Maintenant, lâche moi…
    J’appuie plus durement sur la lame. Elle ne devait pas savoir que j’étais une naga, et que les nagas font partie des rares reptiliens à résister à l’hypnose.Je murmure d’une voix rauque.
    -Que croyais tu ? Que nous étions aussi influençables ?
    Elle s’agite, violemment, de plus en plus faiblement. Elle crie, presque.
    -Aifé, s’il te plaît…
    -Je te laisse une dernière chance d’abandonner…
    Elle tousse, la fumée du brasier brûle sa gorge. J’enchaîne, imperturbable.
    -Dans un combat, il n’y a pas d’amis et d’ennemis. Il y a un allié ou une cible. Et tu es ma cible. Je n’ai pas le droit de te tuer, petite magicienne, mais le sang a le droit de couler.
    Elle s’agite, plus faiblement encore. Les gouttes de sang qui perlent de sa gorge, sont de plus en plus nombreuses. Je me transforme quelques secondes, juste le temps pour elle d’apercevoir ma forme reptilienne.
    -Abandonne… Je te laisse une chance de sortir vivante de ce duel… Si tu refuses, je t’y forcerai… Et mes méthodes ne te plairont pas.
    Elle hausse un sourcil, soudain plus du tout inquiète.
    -Tu en es sure ?
    Elle me crache au visage, et dégoûtée, je recule. Elle me donne un coup de genou dans le ventre. Essoufflée, je recule d’avantage. Elle en profite pour se relever. Elle se jette sur moi, et me fait tomber au sol. Nous roulons quelques instants, et c’est elle qui finalement prend le dessus. Elle m’immobilise, et sourit, d’un air machiavélique.
    -Maintenant, je vais te montrer mes méthodes…
    Elle me pince le nez, me forçant à respirer par la bouche. Elle sort un tube de sa poche. L’odeur qu’il dégage est pour moi reconnaissable entre mille.
    -Tu sais ce que c’est, Aifé ?
    Je murmure, déroutée.
    -La… La drogue…
    Elle agite le flacon. Je ferme aussitôt la bouche.
    Qu’est qui se passerai si je te le faisais ingurgiter ? Je me le demande bien… J’aurai presque envie d’essayer… Mais il doit y en avoir un peu beaucoup pour toi… Ce serai dommage que tu sois complètement droguée avant la fin de ce combat… Qu’est ce que tu en pense ? Je sais que les nagas résistent mal à la drogue… Et que ta résistance serait brisée…
    Elle me sourit d’un air cruel. Je lutte pour ne pas respirer, ne pas ouvrir la bouche, donner l’occasion à cette s***…
    -C’est un jeu contre le temps et contre toi-même, Aifé… Combien de temps tiendra-tu ? 
    J’entrouvre la bouche, essoufflée. Elle y verse la drogue. Je garde la bouche ouverte, pour ne rien avaler.
    -Phase 2. Combien de temps, avant que tu n’avale ?
    Elle pince mon nez plus fort encore, et me force à fermer la bouche.
    -Tu avales, ou tu meurs asphyxiée…Tu préfères quoi ?
    Je la regarde, affolée. J’estime mes réserves, il me reste environ 30 secondes. Je tente de réfléchir, trouver un moyen. Ma vue se brouille, je pense de moins en moins clair. J’y reconnais les premiers signes de l’asphyxie. Soudain, je comprends.
    La petite magicienne qui me tient sait ce que sont les nagas. Mais elle semble avoir oublié un détail. Un détail important. Je suis collée au sol. L’occasion est trop belle. Je m’y enfonce, échappant à son emprise.
    Elle se relève, et sourit, malicieuse, tandis que je me m’enfonce de plus en plus, tentant d’échapper à la perfide magicienne, en traversant le sol. Il ne me reste que deux mètres. Après, je serais dans une autre pièce.
    -Où te cache tu, Aifé ?
    Elle se concentre, je la vois. Elle transforme le sol en glace, et adresse un doigt d’honneur à ma silhouette figée dans la glace.
    Je m’affole. Elle ne comprend pas ! Elle doit savoir ce que sont les nagas, mais ignore tout de leurs facultés. Je hurle, autant que possible.
    -Petite magicienne ! Si je peux respirer dans le sol, je ne peux pas dans la glace !
    La coupure qu’elle m’a faite à l’épaule saigne abondement, m’entourant d’un voile rouge.
    -Sors moi de là ? Je ne peux plus respirer ! Je vais mourir !
    Je repense aux clauses du contrat. Pas de mort. Interdit de tuer. Et, je vais mourir. Je me jure de ne plus jamais faire confiance aux magiciennes. Ma respiration siffle. Le froid aide. Je m’évanouis dans la glace.

    Lorsque je me réveille, je suis frigorifiée. Je me rends compte que le sol est redevenu normal. Peut être un remords de la magicienne. Je sors avec peine du sol de pierre et tombe dans une autre pièce. Je me recroqueville en position fœtus. Je tremble de froid.Mon cœur bat à cent à l’heure. Je me recroqueville d’avantage, en quête de chaleur. Je ferme les yeux, les cils gelés. Je m’évanouis de nouveau.

     

    LA PIECE POUR LAQUELLE JE NE TROUVE PAS DE NOM, VEUILLEZ M’EN EXCUSER.
    Aifé

     

    -Aifé ?
    -…
    -Aifé?
    Une main me secoue violemment. Je ne peux même pas parler, épuisée et gelée. Ma respiration est de plus en plus lente. Mon corps gelé de l’intérieur ne donnerait aucun signe de vie à quiconque tenterait de me parler.
    -Non ! Aifé, tu ne peux pas être morte ! Ma sœur ne se laisserait jamais mourir !
    Mes pensées sont floues. Les yeux fermés, je ne tente même pas de reconnaître la voix de la personne qui me parle.
    -Aifé ! Reprends toi !
    La personne me secoue violemment, sa main chaude me brûle. Soudain, elle s’arrête, et la personne à mes côtés se relève aussitôt.
    -Aifé ! Attends moi ici !
    Si j’avais pu parler, j’aurai dit à cette personne que de toute façon, vu que je ne peux même pas ouvrir les yeux je ne vois pas où j’aurai pu partir. Je sombre de nouveau, dans ce sommeil profond, tellement dangereux, ce sommeil qui est synonyme de mort pour une personne aussi gelée que moi.

    Une main chaude caresse doucement mes cheveux. Mes pensées sont plus claires, et une intense source de chaleur près de moi me réchauffe peu à peu, dégèle mes cils. Je reconnais ce geste si familier, celui que mon maitre faisait avec tous ses disciples, lorsque épuisés, ils n’avaient même pas la volonté d’ouvrir les yeux au fond de leur lit. Mon frère a adopté ce geste, car il sait qu’il me réconforte. J’ouvre doucement les yeux. Je murmure.
    -Théo ?
    -J’ai cru que tu allais mourir. Qu’est ce qui t’as prit de partir skier sans combinaison ?
    Il est moqueur. Comme à son habitude lorsqu’il me parle.
    -J’ai… été piégée dans la glace.
    -Ça explique pourquoi tu étais frigorifiée.
    -Comment as tu su ?
    Il se redresse, et me dit, avec le plus grand sérieux, ce sérieux qui est le sien dans ses activités professionnelles de traqueur.
    -Tu as du faire tomber ton téléphone sur le sol. Une touche a du être actionnée, et tu m’as appelé. Comme tu ne disais rien, je me suis inquiété, et je suis allé méditer. Grâce à ça, je suis entré dans le Château dans mes rêves. Je t’ai sauvée.
    -Merci…
    -Au revoir, Aifé…
    Je souris, et murmure.
    -Penso a te.
    -Addio.
    Il s’évapore, tel un mirage laissant croire qu’il n’avait jamais été là. Mais le feu qu’il a allumé près de moi indique le contraire. Je regarde autour de moi. Je suis dans une pièce sombre, ronde. Mais vraiment ronde. La pièce est en réalité une sphère géante. Le feu est juste à côté de moi. Je regarde partout, et vois finalement une porte. Elle se démarque à peine sur le mur jaune pâle. La porte est une teinte au dessus. Je pourrais m’enfoncer dans le sol, mais je n’en fais rien. Cet épisode de ma vie m’a profondément marquée. J’aurai pu mourir dans le sol. Désormais, une peur profonde m’habite. Une phobie. Je crains de m’enfoncer dans le sol. Cette faculté qui était un atout devient un danger pour moi. Je crains de ne plus pouvoir me mouvoir, respirer, dans cette matière si familière, qui m’accompagne pourtant depuis le début de l’aventure. J’ai peur.
    Ces mots résonnent dans ma tête. Un naga, qui a peur de s’enfoncer dans le sol, qui a peur, tout simplement. Mon espèce n’est même pas sensée ressentir d’émotions. Je commence à penser que le généticiens sont de plus en plus nuls. Après m’avoir crée, moi le rejet, l’erreur, la créature féminine qui n’aurait pas du naître, ils m’ont ajoutée le gêne de la peur.
    Je me dirige vers la porte, en me jurant de ne plus jamais m’enfoncer dans le sol. Je murmure, encore sonnée.
    J’ai une phobie… Si j’avais pu pleurer, je l’aurais fait. J’ai si peur…

     

    LA PIECE AUX OBSIDIENNES ou LA PIECE DE LA CALE DU NAVIRE
    Aifé

     

    La pièce dans laquelle je suis entrée est une cale de navire. Le bois pouri des murs se délabre lentement, au fil des ans. Je fais quelques pas prudents sur le sol. Quelques ras passent entre les tonneaux, et les caisses. Une forte odeur de rhume m’assaillit. La porte claque. Je suis prise au piège. Je scrute chaque recoin de la pièce, à la lueur d’une vieille lanterne. Le verre de celle ci est sale, et brisé par endroit. La bougie à l’intérieur se meurt, lentement. Le fer qui la retient au plafond, encadrant délicatement le verre tandis qu’elle tangue par endroit est rouillé. Aucune sortie visible.
    Je m’adosse à la porte fermée. Je ferme les yeux, et murmure, doucement.
    -Je suis un traqueur…
    Ces mots me calment, apaisent ma détresse. Ils me rappellent le Vatican, mon maître, Théo, et mon ex-mentor, Néo Maryl.
    -Je suis un traqueur…
    Je calme ma respiration, tente de réfléchir. Il n’y a aucune sortie, et je ne peux pas m’enfoncer dans le mur, à cause de ma phobie. Il est hors de question que je reste ici, ou que je m’aventure dans le sol. J’ai peur.
    -Je suis un traqueur…
    Ces foutus généticiens qui m’ont crée… Je suis sensée être un varan « femelle », et ils m’ont ajouté le gêne de la peur. Ce gêne, si souvent oublié, pour notre survie. Si nous ressentions une émotion, notre espèce serait morte. Nous ne devons ressentir aucun sentiment. Aucun. C’est un besoin vital. Autrement, nous pourrions nous laisser attendrir par les paroles de nos cibles.
    -Je suis un traqueur…
    Que faire? Pourquoi ne pas explorer ce qui me tiendra lieu de prison? Je m’agenouille sur le sol vermoulu, et commence à ouvrir les innombrables caisses qui recouvrent le sol. Elle sont de bois qui a du être clair, un temps. Le cadenas qui protège le contenus des caisses se brise aisément, rongé par le temps. Je pousse le couvercle de la première caisse. Un parfum de femme chatouille mes narines. Des tissus précieux, colorés. De la soie, du riche velours, du taffetas, de la fine dentelle… Je laisse le tissu soyeux tomber de mes mains, et retomber sans un bruit d’où il vient. Ces choses encombrantes ne me serviront à rien.
    J’ouvre une deuxième caisse. Des épices me font éternuer. Du cumin, du safran, du cacao… Cette cale est certainement celle d’un navire de contrebandier. Même chose. Les bocaux dans lesquels sont contenues les épices sont lourds et je risquerais de les briser.
    Je pousse le couvercle de troisième coffre. Mes mains inquisitrices se figent. Des obsidiennes.
    Ces pierres si belles, et si rares. Ces pierres de feu noir, ces pierres sorties des volcans, tout droit des entrailles de la terre. Ces pierres, si belles, et pourtant si maléfiques, qui reflètent les plus noires pensées de l’âme. J’en saisis une poignée. Les pierres précieuses finement ciselées étincellent à la lueur mourante de la chandelle. Elles ruissellent, et tombent dans un bruit cristalin. Je décide d’en prendre une poignée et la glisse dans une bourse de cuir noir. Soudain, je sens un courant d’air sous mes pieds. Un souffle d’air! Il y a une ouverture. Je pousse la lourde caisse. En dessous une trape. Elle s’ouvre en grinçant.
    Je murmure, pour me donner du courage.
    -Je suis un traqueur…
    Je saute.

     

    LA PIECE DU S*** QUI A VOULU ME TABASSER, ET QUI A VITE COMPRIT QUE C’ETAIT MOI QUI FAISAIT LES REGLES
    Aifé

     

    La pièce dans laquelle je suis entrée est grande. Carrée. Blanche. Quelques chaises de plastique transparent. Une table basse de verre. 3 cafés froids. 3 hommes, aussi. Mais pas confortablement assis dans les fauteuils, à bavarder de tout et de rien, comme on pourrait le penser au premier abord. Un est debout, et me fixe. Un autre est dans mon dos, à quelques pas. Le dernier se tient à côté de moi.
    On pourrait penser que cette pièce est basique, sans intérêt, sauf si l’on considère que j’ai un revolver sur la tempe. Et que l’homme qui le tient n’a pas l’air de celui qui hésite. Il s’exclame, fortement.
    -Tiens, une nouvelle !
    -Elle est pour moi !
    Celui qui a parlé se tient derrière moi. Je me retourne, lentement, pour ne pas laisser l’occasion à celui qui me tient en respect de me tuer. Il est grand, torse nu, tatoué, sur toute la longueur de ses bras, et dans son cou. L’homme qui me retient abaisse à regret son arme. En le regardant, je comprends vite qu’il ne ferait pas le poids, face à l’homme qui a parlé. Les deux autres hommes sortent aussitôt, par une porte. L’homme, d’une force phénoménale saisit mes mains. Ses yeux brillent de haine, de haine incontrôlable, de drogue, d’adrénaline,d e caféine. Je me dégage, violemment.
    -Toi, tu n’as pas intérêt à résister.
    -Et pourquoi?
    -Parce que j’ai tué la dernière.
    -La quoi?
    -La dernière victime.
    Je commence à comprendre.
    -Non…
    -Si… Je vais te butter, te tabasser. Et après, tu ne pourras même plus marcher.
    -Pourquoi? Pourquoi tu fais ça? Pour le plaisir? Juste parce que tu es un psychopathe? Parce que tu es un sadique?
    -Je ne te permet même pas de me tutoyer. Parce que tu n’es qu’une sale pute. Et parce que tu es en mon pouvoir.
    -Non.
    -Si.
    Il commence à poser ses mains sur mon torse. Il les baisse lentement, profitant de l’instant. Fatale erreur.

    Mon agresseur n’a même pas eu le temps de faire un geste. Il est à terre, baignant dans son sang. La lame de mon katana nimbée de liquide grenat. L’homme, a un trou béant à la poitrine, et une vilaine cicatrice sur le visage. Je me penche, et le regarde, une dernière fois, avant que ses yeux affolés ne deviennent sans vie.
    -JE fais les règles. Je suis un traqueur.
    L’homme s’éteint. Il plonge dans ce sommeil, synonyme de mort. Il a de la chance, que je n’aime pas torturer mes victimes. Sinon, il m’aurait supplié de le tuer. Je pose mon doigt sur sa poitrine, et la presse légèrement. Il se colore presque instantanément de sang. Je trace un cœur sur le sol. Et un A. A pour Aifé. Pour leur faire comprendre, à tous ces hommes, qu’une femme n’est pas un objet, et que je ne permettrais à personne de me frapper, ni d’abuser de moi. Personne.
    Je l’ai vaincu. Il n’avait pas à m’agresser. Peut être l’humain ne fait il pas le poids face au reptile? Il n’y a pas de peut être. Il y a une affirmation. L’humain ne fait pas le poids face au reptile. Ce s*** a eu ce qu’il méritait. Je me dirige tranquillement vers la porte, le cœur apaisé. J’ai eu ma vengeance. J’ai du sang sur les mains, mais ce ne sera ni la première fois, ni la dernière. Parce que tuer, c’est mon travail.

     

    LA PIECE DES RITUELS MAGIQUES
    Aifé
    Inspiré de la chanson «Sad Day», de Kyo

     

    Je suis dans un pré. Il fait nuit. Un feu de camp illumine la pièce, immense, dont je ne vois pas les bords, doucement, éclairant faiblement les visages d’une vingtaine de personnes qui sont ici. Quelques unes remarquent ma présence, et m’adressent des sourires. Un jeune homme s’approche vers moi, et s’exclame.
    -Bienvenue! Tu es une aventurière?
    -Oui. Je m’appelle Aifé de l’Ombre.
    -Moi, je suis Eklis. Viens, je vais te faire visiter le camp. Nous faisons la fête ce soir.
    -Pourquoi?
    -Le cycle de la lune est achevé. Regarde, elle est pleine. Durant cette nuit spéciale, nous dansons pour les dieux.
    J’ai affaire à une tribu polythéiste.
    Le jeune homme m’invite à m’approcher du feu. Je remarque alors les tatouages bleus clairs, des symboles. Torse nu, le jeune homme en dévoile sur son dos, à la lueur fœtale de la lune. Il n’est pas le seul, loin de là. Toutes les personnes de la tribu en ont, à différents endroits. L’encre utilisée brille, diffusant les rayons de la lune.
    Eklis saisit ma main, et me fait longer le cercle établi autour du feu. Il nous trouve une place, et nous nous asseyons. Il m’offre un pain blanc, et je mords dedans à pleines dents.
    Des danseuses filiformes semblent s’évanouir au vent. Leur danse si belle, semble magique, surnaturelle. Elle s’approchent de nous, en riant. Eklis souffle.
    -Elles se moquent de nous…
    -Pourquoi ?
    -Et bien, tu es une étrangère, non ? Nous recueillons tous les aventuriers qui passent ici, et leur donnons de la nourriture.
    -Merci. Mais je ne peux pas rester.
    Aussitôt, toutes les personnes se lèvent, et lèvent le bras, dans la même direction. L’ombre de leurs bras semble toucher la cime des pins, en direction de la lune. L’homme le plus grand s’avance.
    -Paix à ton âme, Nomade. Je ne comprends pas pourquoi tous les aventuriers désirent continuer leur expédition. Le château est si dangereux !
    Je souris.
    -Peut être parce que nous aimons le danger…
    -Soit, étrangère. Pour sortir de la pièce, dirige toi vers la mer. Une de nos embarcations y est. Tu la prendras. A mi chemin, tu devras plonger. Une entrée au fond de la mer te permettra de sortir.
    -Merci pour tout.
    Les personnes retournent auprès du feu. J’adresse un sourire discret à Eklis, et les danseuses éclatent de rire. Puis, je commence à courir dans la pièce, vers la lune. Je suis dans un pré, et je sens les tige de blés chatouiller mes jambes. Après quelques kilomètres, une tempête éclate, rendant le chemin bien plus difficile. Je tombe plusieurs fois, mais me relève toujours. Je finis par arriver près de la mer, à la lueur de l’aube. Je vois encore la lune dans le ciel. Je prends un des canoë, et commence à ramer. A un endroit isolé, je décide de plonger. Je remonte plusieurs fois à la surface. Je réussis au cinquième essai. Je plonge bien plus profondément cette fois. La mer est bien plus sombre. Je ne vois rien, à part des algues. Soudain, un éclat attire mon attention. Une faible lumière. Une entrée, lumineuse. Je passe à travers, sans aucun effort. Comme si, c’était une fenêtre ouverte, qui ne retenait que l’eau salée. Je tombe.

     

    LA PIECE DES BULLES D’EAU EN SUSPEND
    Aifé

     

    Je saute à terre, et me relève rapidement. Je suis dans une pièce très grande, ronde, et bleue. Mais vraiment bleue. Un dégradé du centre du sol, jusqu’au centre du plafond me saisit. Bleu de ciel, bleu électrique, azur, cyan, indigo, aigue-marine, turquoise, et bleu de nuit.
    C’est magnifique. Et surtout, une chose incroyable dans cette pièce, défiant les lois de la gravité, de la physique, et de la logique. Cette pièce semble indépendante aux règles qui régissent le monde en dehors du château.
    Des bulles d’eau. Des bulles d’eau en suspend, qui gravitent lentement, autour d’une immense bulle dorée. Maintenant que j’y pense, c’est la seule chose qui n’est pas bleue dans cette pièce. J’observe encore quelques instants cette pièce magique, extraordinaire, avant de disparaître, simplement. Apparemment, parfois, il suffit de le souhaiter, pour sortir d’une pièce. Du moins pour celle ci.

     

    LA PIECE DE LA FALAISE D’ETRETAT
    Aifé

     

    Le vent souffle. Je le sens, lui qui parcourt mon être, caresse mes cheveux, me traverse, me donnant cette sensation glacée, si agréable, et si mortelle à la fois. Je garde les yeux fermés, profitant de chaque sensation, de chaque bourrasque. Un goût de sel dans ma bouche m’indique que je suis proche de l’océan. Un nouveau souffle me fait tomber à terre. De l’herbe sèche sous mes pieds. Je suis probablement sur une dune.
    J’ouvre les yeux. Je suis aussitôt éblouie. Je porte la main à mes yeux. Un superbe coucher de soleil devant moi. Du rouge, du jaune, du orange, un dégradé saisissant de couleurs chaudes. Le soleil, dans un dernier éclat, avant sa mort me réchauffe. Après, la déesse lune prendra sa place, et mourra à son tour. Ce cycle magique est éternel.
    Je suis au sommet d’une falaise. Le vent glacial traverse mon corps. D’ici, je me rends compte que je suis insignifiante, que je ne suis qu’un fétu de paille, à la merci de éléments, du vent, de la mer.
    Car, en dessous, la mer fait rage, elle frappe contre la falaise, et revient, revient, revient toujours. Elle ne s’avoue jamais vaincue face à l’immense rocher qui ne lui cède toujours pas. Elle frappe contre l’aiguille. L’aiguille d’Etretat.
    Connaissez vous Etretat? Cette petite ville de Normandie, si célèbre, grâce à sa falaise sur laquelle je me trouve ? Cette ville que Maurice Leblanc décrit si bien dans ses aventures d’Arsène Lupin ?
    Je me situe au sommet de la falaise, avec une vue imprenable sur l’aiguille, cette aiguille sculptée par le temps, et l’eau salée, corrosive.
    La nostalgie s’empare de moi. Je suis venue au château pour entrer dans les rangs du Maitre des Lieux. Et pourtant, bien que je sois ici depuis plusieurs mois, le Château ne m’y a toujours pas admise. Je commence à désespérer. Je crois que je n’y arriverai jamais. Et si c’était un échec ? Pourquoi ne suis je pas restée au Vatican?
    Je regarde la mer, sens le vent me traverser. Ce n’est que lorsque le vent passe que je me sens vivante. Le reste du temps, je ne respire que pour respirer, je me bats uniquement pour le principe, je mange parce qu’on me l’a apprit. C’est tout.
    Et pourquoi vivre ? Toute ma quête est vouée à l’échec, je le crains.
    Le vent s’arrête. Je tombe.

     

    LA PIECE DU STYLO A INSPIRATION
    Aifé

     

    Contact glacial avec l’eau. Choc thermique. Évanouissement.

     

    J’ouvre les yeux, lentement. Je regarde autour de moi. Allongée au sol, mon regard fixe le plafond. Des poutres de bois vieilli par le temps. Mes vêtements trempés collent à ma peau. Déjà serrés, ils me tailladent presque. Mes cheveux mouillés forment une pointe sur le sol, derrière ma tête.
    J’établis la liste des blessures. Lésion sur la joue droite. Gravité: 3/10. Profonde, mais j’estime que l’eau de mer a désinfecté la plaie.
    Ecchymoses le long de la jambe gauche. Douloureux, mais j’ai connu pire. Degré de douleur 7/10.
    Je bouge doucement, serrant les dents, pour avoir la sensation de maitriser un semblant de douleur. Je m’assois, prudemment. Aussitôt, la tête me tourne. La douleur m’envahit, mettant un point d’honneur à se centraliser sur l’arrière du crane. Je gémis. Traumatisme crânien. Probablement ma chute de la falaise. J’en regrette d’avantage de ne pas être morte. Je sombre dans une semi-transe, demi-mort, aussi appelée coma.

     

    Quelques minutes, des heures, des jours?
    Combien de temps suis je restée dans l’inconscience? Je n’en sais rien. Je n’ai pas envie de savoir.
    Cette fois si, je ne ressens rien, et peux me relever. Mes bleus ont disparus, ma lésion a cicatrisé. Plusieurs jours, donc.
    Je relève la tête.
    La pièce est sombre, éclairée uniquement par des fenêtres poussiéreuses. Dehors, je vois des amandiers en fleur, et des moineaux. Mais dans ce château où tout n’est qu’illusion, je ne peux croire en rien de ce que je vois. Je peux voire la poussière danser, virevolter, en contact avec l’air frais de cette pièce. Une légère odeur de renfermée, mais aucune chaleur. Des feuilles couvertes d’écriture fine, serrée, d’un noir intense jonchent le sol. Un bureau, quelques feuilles blanches, un stylo. Tout ce qu’il faut pour écrire, même un siège. Je m’assois doucement, et saisis le stylo. Ma main tremble un peu. Je murmure, bien que je sois seule. Mauvaise habitude dont il faudra que je me débarrasse.
    -J’ai tout ce qu’il faut, sauf l’inspiration.
    L’INSPIRATION. Aussitôt, le stylo frétille dans ma main. Je sursaute, et le repose précipitamment, mais me ravise. Je le reprend de nouveau, et écrit de cette écriture noire, serrée.
    « Je suis arrivée dans le château car…
    Je m’arrête là, en proie à un vide, un manque. Je ne sais plus quoi écrire. Je m’apprêtais à reposer l’instrument d’écriture, lorsque une intense chaleur m’envahit. Elle venait du bout de mes doigts, et en quelques secondes atteint mon coeur. J’écris, écris, et écris toujours, jusqu’à ce que ma main s’arrête, épuisée. Alors, je comprends. Tout.
    Cette écriture, c’est la mienne. Ces feuilles sur le sol, éparpillées, sont mes écrits, inachevés, jusqu’à aujourd’hui.
    Je me lève, saisis les feuilles, encore sur le bureau, en tas, et les lance sur le sol. Elles toment en un doux bruissement.
    -Il faut qu’elles rejoignent les autres…
    Je regarde autour de moi,à la recherche d’une quelconque sortie. Une porte, de bois foncé m’attire. Elle s’ouvre, silencieusement, d’un silence qui me met mal à l’aise. Devant moi, du noir. J’entre, dans la pièce, à la recherche d’un quelconque interrupteur. La porte claque. Ma main ne rencontre aucun mur, juste du vide. Je suis prise au piège, encore.

     

    LA PIECE NOIRE
    Aifé

     

    *noir, noir, noir*
    Les mots résonnent dans ma tête, faisant battre mon coeur à 100 à l’heure. Totalement désorientée, j’ouvre, et ferme les yeux, sans succès, dans l’espoir de voir quelque chose. Mais rien.
    *noir, noir, noir*
    Je tourne sur moi même, mes mains touchant le vide, n’heurtant pas ce mur que j’aimerai trouver. Je suis seule, peut être aveugle, et perdue.
    *noir, noir, noir*
    Je ne peux pas m’enfoncer dans le sol, puisque je ne le sens même pas, et ma phobie m’en empêche. Je ne me sens pas tomber. Juste rester à même hauteur, dans le vide, noir et profond.
    *noir, noir, noir*
    Noir d’ébène, noir de corbeau, noir de charbon, noir d’espace. NOIR. Nuit sans lune, brumeuse, étoiles absentes, froid glacial.
    *noir, noir, noir*
    Des frissons parcourent mon échine. J’ai de plus en plus froid, de plus en plus peur.
    *noir, noir, noir*
    Pas de lumière, pas de chaleur. Juste du vide. Y aurait il le réseau? Je ne vois aucune toile d’araignée, seuls objets capables de faire communiquer les aventuriers avec l’extérieur. En fait, je ne vois rien.
    *noir, noir, noir*
    Mes doigts frôlent le téléphone. Je le connais par coeur, appuie sur une touche, presse une autre. La voix froide et métallique me répond.
    -Le réseau n’est pas disponible. Veuillez…
    Je coupe. Je suis seule. Théo ne viendra pas.
    *noir, noir, noir*
    Je me recroqueville, dans ce vide, flottant dans les airs, ne sentant pas le poids de mon corps, juste cette sensation de froid, de peur.
    *noir, noir, noir*
    Le noir, menaçant m’enveloppe. Il fait taire mon courage, ma force, ma joie. Il ne me laisse que la peur. LA PEUR.
    Ce sentiment dont je me serais bien passée, celui que m’ont donné les généticiens, après m’avoir fait naitre.
    *noir, noir, noir*
    Peut être suis je morte? Peut être que je ne suis plus de ce monde? Peut être que je suis aux enfers, vu les crimes que j’ai commis. J’ai tellement tué…
    *noir, noir, noir*
    Je sens ma vitalité s’effacer peu à peu, mon sang noir d’encre, couler sur mon coeur, qui bat de plus en plus faiblement. Peut être que je n’en ai plus envie? Plus envie de vivre? Je me rappelle de ma tentative, dans la pièce de la falaise… La mort me semble si douce, par rapport à ce que je vis… Il me semble que je m’abandonne à la mort, déesse mère qui seule décide.
    *noir, noir, noir*
    Je ferme les yeux, puisque cela ne fait aucune différence. Je m’endors, bercée par la peur, brisée par le noir intense.

    *noir, noir, noir*
    Une main me touche, doucement. Je frissonne au contact de la personne qui m’a secourue. Une main brûlante. L’inconnu murmure, d’une voix rauque.
    -Tu n’es pas la bienvenue ici…
    Je réplique, d’une voix que j’espère calme.
    -Je n’avais pas l’intention de rester.
    -Pourquoi ne pars tu pas?
    -Je ne vois rien ici.
    -Ah bon? Tu ne vois pas dans le noir?
    Je secoue la tête, imaginant que lui le peut.
    -Ton espèce?
    -Naga.
    Il lâche soudain ma main, effrayé, et me libère du contact. Il claque des doigts. Dans ce vide immense, il résonne, longuement.
    Je me sens tomber. De plus en plus vite.
    *noir, noir, noir*
    Je sens le sol m’attirer. Je ferme les yeux, de nouveau, même si je suis toujours dans le noir. J’espère que je mourrais vite, enfin. Je ne me sens plus utile. Je n’ai que deux possibilités. Rejoindre le Château, ou mourir.
    J’ai peur. Je souris.
    *noir, noir, noir*

     

    LA PIECE DU REBELLE
    Écrite en écoutant « je saigne encore », de Kyo.
    Aifé

    Il hurle de douleur. Encore. Ce n’est pas la première fois, et ce ne sera pas la dernière. Mon poignard lacère sa chair, faisant couler le liquide chaud carmin. Son odeur de vie, d’agonie, de mort mêlée me donne envie de boire chaque goutte du divin nectar, pour tous les non-humains. Ma victime est un homme.
    La pièce dans laquelle je suis était immaculée. Était.
    Maintenant, une odeur de souffrance, quelques larmes de douleur, et une immense flaque de sang recouvre le sol. En son centre, un homme, étendu, secoué de spasmes, hurlant à la mort. Comme il la souhaite, la supplie, lui demande inlassablement de le prendre, de le soustraire à ses souffrances ! Mais je ne lui ferais pas ce plaisir.
    D’un sourire cruel, je fais jouer mon poignard. De fines égratignures, de plus en plus profondes, de plus en plus nombreuses.
    Il halète, peinant à reprendre souffle, tant il hurle.
    Il est vêtu de noir, entièrement. Un pendentif pend à son cou. Enfin pendait. En ce moment, il est entre les doigts de sa main droite. Je souris en le voyant. Un triangle, un œil. Illuminati. Un adepte de la Théorie du Complot. Encore un qui a tout comprit trop tôt.
    Il repose sur le marbre blanc, maintenant recouvert de fines veinures écarlates. Encore secoué de spasmes, il est au seuil de la mort. Il souffre tant qu’il sue, hurlant si fort que je suis sure que tous les habitants du Château l’ont entendu. Je repose ma question, inlassable.
    -Quel est ton camp ? Aventuriers, ou Château ?
    Il ne répond pas. J’appelle ça, soit de l’inconscience, soit du courage. Il hurle, tentant de recouvrir ma voix menaçante. Si il survit, je sais qu’il l’entendra dans ses cauchemars. Qu’a fait cet homme, déjà ? Il m’a demandé, sombre idiot qu’il était si je voulais rejoindre les résistants. Les aventuriers. J’ai éclaté de rire. Et il a comprit que je ne voulais que rejoindre le Maitre des Lieux. Aussitôt, le duel avait commencé. Et s’était finit presque instantanément. L’humain ne fait pas le poids face au reptile. Aussitôt effrayé par ma forme naturelle, la surprise a joué en ma faveur. Je l’ai vaincu.
    Un hurlement plus fort que les autres. Il faut dire que le poumon est un organe très sensible… Combien de temps tient on lorsqu’il est percé ? Peu de temps. Mais l’homme est résistant. Il tiendra au moins deux minutes. Je le sais. Maintenant qu’il a eu ce qu’il a tant désiré, sa fierté l’empêchera de s’abandonner.
    -Quel est ton camp ?
    -Je… Je suis un aventurier…
    -Que sais tu ?
    -Rien…
    -Tu mens.
    J’appuie sur sa poitrine. Un flot de sang se déverse. Son poumon s’emplit du liquide carmin. Il ne respire presque plus. Il ne peut plus hurler. Il est essoufflé.
    -D’accord… Un rassemblement d’aventuriers va avoir lieu… Nous allons tenter de piéger le Château…
    -De quelle manière ?
    -Vas te faire foutre.
    Dernier coup de poignard. Dernier souffle de vie. Désormais son sang a un goût de mort, de souffrance. Je mords son bras, me repais de son sang, me nourris de sa douleur. Je l’ai tué. Je savais qu’il ne m’apprendrait rien de plus.
    Je relève la tête. La pièce, auparavant lumineuse, et teintée de sang, est maintenant noire, éclairée uniquement par le liquide de vie, maintenant synonyme de mort. Je me relève. Je sais qu’il me reste encore du chemin, avant de pouvoir rejoindre les troupes du Château.
    J’ouvre la porte, et pénètre dans la pièce suivante, sans même y jeter un coup d’œil.

     

    LA PIECE OU LE MOT «SILENCE» PREND TOUT SON SENS
    Aifé

    Un orchestre. Un orchestre symphonique silencieux. Les archers frottent les violons, sans un bruit, les musiciens soufflent, dans les cors, d’où sort un souffle d’air silencieux. L’ensemble est irréel, fantastique. Aucun bruit, rien. Juste le silence.
    Des chanteurs. Des chanteurs muets. Leurs bouches s’ouvrent et se referment, dévoilant une note inexistante. De temps en temps, une page se tourne, sans un bruissement.
    La pièce est grande, sombre, en fait, il s’agit d’une scène. Des rideaux d’un pourpre foncé cachent juste les bords de la pièce, car ils sont tirés. Des sièges, un public sont dessinés en trompe l’œil.
    Je souris. Je ne peux pas résister à la tentation de nuire à la concentration des artistes. J’ouvre la bouche, et hurle, en riant.
    -Ho hé !
    Toutes les personnes présentes se tournent vers moi. Des instruments tombent sur le sol, silencieusement. Des masques de douleur me dévisagent. Certains tombent à genoux, d’autres se couvrent simplement les oreilles, incapables de faire un autre geste, tétanisés par la souffrance, d’où s’échappe un mince filet de sang.
    Intéressant. Je n’avais pas prévu ce retournement de situation. Je savais que ces personnes n’appréciaient pas le bruit, mais de la à le craindre… Superbe oxymore, pour un orchestre.
    -Je m’appelle Aifé !
    Certains s’évanouissent, d’autres meurent sur place. En quelques minutes, plus personne ne bouge. Je me promène au milieu des corps immobiles, regardant les morts, à tour de rôle. Une personne attire mon attention. Sa poitrine bouge, doucement. Je cours jusqu’à lui. Je demande.
    -Qui êtes vous ?
    L’homme me regarde, et parle si bas, que je suis obligée de lire sur ses lèvres.
    -I don’t understand…
    Un anglais. Il est secoué de légers spasmes, respire, silencieusement, tandis que n’importe qui d’autre aurait produit des sifflements. Je murmure, impassible.
    -Give me your pain…
    Il saisit ma main. Je suppose qu’il l’avait portée à ses oreilles, car elle est couverte de sang. Il me regarde, furieux, haineux, que je puisse lui faire une telle proposition.
    -You killed my friends. Kill me too…
    Je hausse les épaules, et décidant avec la plus grande mauvaise foi d’accomplir pour une fois une bonne action, je saisis mon poignard. Décidée à abréger les souffrances de l’homme, qui ne supporte pas le bruit, je fais vite.
    Bruit sec. Sanglot étouffé. Giclement de sang. Dernier soupir. Puis silence.
    Le silence règne de nouveau sur la pièce. Je me relève lentement et nettoie ma lame. Tranquillement, je me dirige vers une porte dérobée. Le traqueur que je suis peut ajouter une nouvelle victime à sa liste. Je rie, doucement. En silence.

     

    LA PIECE DU SALON ROUGE
    Aifé
    Paroles semées de « Nuits Blanches », de Kyo.

    Un canon sur la tempe. Je pense que chacun a connu mieux comme situation. Une sensation glacée me parcourt. Pas une sensation de peur, mais de doute, d’incertitude, quand à la capacité de l’homme à tirer. Je murmure d’une voix froide, dénuée d’émotions, à la personne qui me retient immobile.
    -Qui es tu? Je ne le sais pas, mais je sais que tu n’auras pas le cran de tirer. Tu trembles. Ton doigt est sur la détente. Fais de moi ce qu’il te plait.
    Je baisse la tête, pour qu’il ne puisse pas voir le sourire carnassier qui dévore mon visage. J’ai semé le doute dans son esprit. L’assassin qui allait froidement m’assassiner baisse lentement son arme. Je soupire de soulagement. Et il s’étale par terre. Un superbe coup de talon au centre du ventre. Violent. Sobre. Efficace. Il gémit de douleur, le souffle coupé. Je grogne, la haine transparaissant dans ma voix.
    -Qui es tu, Assassin?
    -Pourquoi me poses tu la question? Tu le sais déjà…
    Dernière respiration. Peut être n’aurais je pas du enfoncer ma lame au plus profond de son coeur? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Mais je n’en ai rien à faire. Je sais qu’il ne m’aurait rien apprit.
    Je relève la tête. Je suis dans un salon où le rouge domine. Un canapé blanc, sur lequel sont parsemés quelques coussins vermeil. Une table basse de verre, sur laquelle sont posés une théière d’argent vieilli, et une tasse grenat. Parquet foncé, de bois d’ébène, murs et plafond carmins, cheminée sombre, brasier mourant, braises nombreuses. Lumière faible, éclairant à peine l’homme étendu devant les flammes, son arme brillant faiblement, à la lueur du feu.
    « Presque un animal », je pense. « Incapable de résister à ses pulsions carnassières ». Je frissonne, imaginant ce qui se serait passé, si il avait tiré. J’imagine la trajectoire de la balle, traversant mon corps, allant se planter dans le mur rouge.
    Je m’allonge sur le canapé, épuisée. Je n’ai pas dormi depuis plusieurs jours. Mais je sais que ce sera encore une nuit blanche pour moi. « Écume des Jours »… Je me sens vieillir. Je suis entrée dans le château à 14 ans. J’en ai 15 maintenant. Plusieurs mois que j’erre, pièce après pièce, presque une année que je suis ici, je me sens plus mature.
    Je regarde la tasse. L’eau vibre, doucement, des cercles apparaissent à la surface, et disparaissent d’eux mêmes. « Le sommeil de l’eau ». Elle n’est pas tourmentée comme je le suis, elle ne ressens pas d’émotions. Comme je l’envie, parfois! J’ai encore le goût des nuits blanches sur mes lèvres, et parfois, j’aimerai dormir d’un sommeil paisible, sans rêves, et surtout sans cauchemars.
    Je serre un coussin contre mon coeur, me tourne vers la table. Une bougie que je n’avais pas vu. Elle brille, et bien que je sois à un mètre d’elle, je sens sa chaleur, et l’odeur de la cire. « Des soleils brûlent dans nos bougies »… La flamme est si vive, et danse, au rythme de mes tourments.
    Je souffle sur la bougie, et sombre dans un demi sommeil, sans parvenir à trouver ce sommeil sans rêves, profond, ce réel sommeil, que tout le monde connait. J’aimerai faire taire mes angoisses.
    J’ouvre les yeux quelques heures après, secouée de tremblements. Encore. Cette fois ci, les braises se sont éteintes. je me relève, et saisis mon katana, tout en chantonnant.
    -In the afterglow, over and over again,
    I just can’t let go, cause il haunt me like a friend,
    And I know…
    J’appuie sur la poignée rouge sombre, comme par hasard, jette un dernier regard à l’ombre de l’assassin, et m’engouffre dans la pièce suivante.

     

    LA PIECE OU LE SOUVENIR RESURGIT
    Aifé
    Paroles de «NEW DAY», de Empyr

    Souvenirs qui m’envahissent, me rappellent l’événement fatidique. Encore du sang sur les mains. J’ai tué un autre assassin. Je n’étais pas sa cible, mais qu’importe. Il était la mienne. C’est encore une de ces pièces vides, sans intérêt, sans histoire, où l’on apprend rien. Pièce entièrement noire parmi tant d’autres, éclairée par une simple bougie, que je viens de souffler. Pièce sans âme, vide, sans sentiment. Pièce morte.
    «-Aifé ? Où es tu ?
    Je me recroqueville d’avantage, dans le coin d’ombre où je me cache. Je masque ma présence, couvre ma respiration.
    -Aifé ? Je suis venu te féliciter ! Où es tu ?
    Premier meurtre. De quoi me féliciter, en effet. Dans mon ordre, c’est bon signe. Signe que je suis la voie du traqueur. Je baisse la tête. Il m’a trouvée. Je me colle d’avantage au mur. Il s’accroupit à ma hauteur, saisit ma main, et de l’autre me force à relever la tête. Il essuie une de mes larmes, et sourit en voyant mon visage apeuré.
    -Aifé… Je lis la peur dans ton regard…
    Il a 10 ans de plus que moi. Tamaïs est déjà adulte. Son autorité et sa force jouent en sa faveur. Il est plus gradé que moi, je ne devrais même pas lui résister. Il saisit mon autre main, me plaque au sol, déchire ma manche, et tandis qu’il use de son poids sur moi, son bras sur ma gorge, il ouvre une bouteille d’alcool, et la répand sur l’entaille de mon bras.
    -Tu ne veux pas guérir ? Le maître te cherche depuis une heure. Il dit que tu t’es bien battue.
    -Il n’avait pas choisit… Il était sur ma route…
    Je fonds en larmes. Nous savons tous les deux que je parle du reptilien que j’ai assassiné il y a quelques heures. Froidement. De ma lame. Mon frère aîné ne manifeste aucune émotion. Il ne ressent plus rien lorsqu’il tue, désormais, et il juge ma réaction inappropriée. Il oublie qu’il a certainement réagit de la même manière, à mon âge.
    -C’est ainsi. Notre travail est d’anéantir toutes les races trop dangereuses pour l’espèce humaine. Tu t’y habitueras.
    Il se redresse, et je peux de nouveau respirer. Il bande ma plaie, et me laisse m’adosser contre la pierre sombre. Au bout de quelques minutes, inquiet de mon silence, il me regarde, et murmure.
    -Tout va bien ? Tu es blessée ailleurs sur ton corps ? Tu as une blessure que je n’aurais pas détectée ?
    -Non… Je me sens vide… Je ne crois pas que j’aurais le cran de tuer…
    -Ne dis pas ça. Tu es formée pour. Tu as le gêne. Tu devrais être heureuse. Pourquoi ne l’es tu pas ?
    -Je ne sais pas… Je ne sais plus…
    Je fonds en larmes. Qui a déjà tué à l’âge de 10 ans ? Qui ? Qui est condamné à tuer, pour le restant de ses jours ? Un traqueur. Et au plus profond de moi même, je sais que je n’aurais pas le choix…
    Mon frère caresse doucement le dos de ma main. Il me serre contre lui. Nous savons tous les deux que si nous sommes surpris par notre mentor commun en train d’accomplir ce geste de complicité, d’amour fraternel, nous serons sévèrement réprimandés. Les reptiliens ne ressentent pas d’émotions. Première règle. Mais cela nous rapproche, au contraire. Ce sentiment de désobéissance nous unit. Pour une fois.
    -Hé… Calme toi… Tu te souviens de la chanson ?
    Je hoche doucement la tête. Il me serre davantage.
    -Et bien, ça reflète ce qui t’arrive. Tu es entrée dans la cour des grands. C’est un nouveau jour.
    -Je l’ai tué…
    Je suis en état de choc. Il le sait. Il murmure, tranquille. Je me demande qui l’a réconforté, lorsqu’il a lui, accomplit le même acte que moi, à dix ans. Je ne le sais pas. Peut être personne.
    -Give me your pain
    Choose a new name
    Close your eyes and
    Start again
    It’s too late for regrets now
    It’s a new day, a new life for you
    Je la connais, cette chanson. Celle que nous avions trouvé ensemble, sur internet, durant un de nos rares moments creux, durant ces rares moments, où il était de retour auprès de notre mentor, sous terre, durant ces rares moments, où nous étions seuls, tous les deux, et où il me décrivait sa vie de traqueur, les pays qu’il visitait, les cibles qu’il traquait. Il m’avait dit que nous la chanterions ensemble, lorsque ma première victime serait morte. Et même si elle n’était pas volontaire, c’était ainsi. Il me regarde, souriant presque, heureux que je rejoigne l’ordre établi dans notre confrérie. Je rejoins sa voix. Cette chanson est en anglais. Et bien que je ne vive pas en pays anglophone , je parle et comprends déjà couramment certaines langues, dont l’anglais, l’espagnol, le russe, et le japonais. L’apprentissage intensif a porté ses fruits.
    Nos voix se rejoignent.
    -Can you feel
    The future in your heart
    And can you live for
    Every peace of light
    When guns are barking
    My words are bullets
    Whisper my dream
    A cry in their heads
    But who’s to blame
    Give me your pain
    Choose a new name
    Close your eyes and
    Start again
    It’s too late, for regrets now
    It’s a new day, a new life for you
    La chanson est finie. Il saisit mon poignet, et me relève. Il essuie discrètement une de mes larmes, et murmure.
    -Je dois y aller, petite sœur. J’ai une traque à préparer. Un jour, tu mèneras la même vie que la mienne. Tu seras un traqueur. Je le sais. Il n’y aura pas d’échecs pour toi.Je pense à toi…
    Il me sourit une dernière fois, et s’enfonce dans le mur…»
    Je relève la tête. J’ai menti à tout le monde. Et tout le monde m’a crue. Pour protéger Tamaïs, mon maitre, ma race. Je sens un courant d’air, devant moi. Je n’hésite pas. Je parcours la pièce jugée sans intérêt en quelques enjambées, saute à travers l’ouverture, et claque la porte. Je ressens de nouveau ce poids trop lourd sur mes épaules. Je crois que j’ai appris à pleurer.

     

    LA PIECE DES VOLUTES ROUGES
    Aifé
    A lire en écoutant The lost one’s weeping, version piano ou instrumentale.

    Sentiments, émotions qui m’envahissent guident mon âme, font couler mes larmes. Nouvelle tentative. Nouvel échec. Sang sur mes mains. Le mien. Poignard à quelques pas.
    Agenouillée. Lâche. Incapable de mener à bien ma mission, ou mettre fin à mes jours. Je ne me sens pas l’étoffe d’un traqueur. Je ne mérite même pas de vivre.
    La pièce est longue. Noire. Illuminée par des néons rouges. Des volutes de fumée, ici et là. Une chaleur écrasante s’ajoute au tout.

    Bouffée d’adrénaline. J’ouvre les yeux. Mes mains tremblent. Hantée par ce souvenir, par la couleur du sang. Étonnant, lorsque tuer est son métier. Je me relève, précipitamment, recule, et me colle au mur. Ma respiration devient difficile. J’en ai assez. Assez de tout. Curieux que ce soit cette pièce qui me donne envie de tout arrêter, alors qu’elle n’est pas dangereuse, ni effrayante.

    La mort me tente, mais je suis incapable de me la donner. Le poignard gît, à quelques pas. Je comprends alors les personnes suicidaires. Le suicide est la solution de facilité. La solution du lâche. Et elle me tente tellement ! J’ai tellement envie de ne plus affronter le regard des autres, juste être vide. Voila ce que j’ai envie d’être. Ne rien ressentir. Feel nothing.

    Je ne suis qu’une façade. Personne n’a compris. Personne. Même pas mon frère, ma race, ni mon Maitre. Cette douleur, cachée au plus profond de moi même, des méandres de mon cœur.
    Je ne me sens pas l’âme d’un traqueur, sur le coup. Juste celle d’une créature sans défense, vulnérable, faible, emplie de douleur. Pas celle d’un chasseur redoutable. Celle d’une menteuse. Mes mensonges me tuent.
    Ma phobie me tue, peu à peu. Le sol qui était mon ami jusque là me fait peur. Je tremble, à chaque fois que je pose le pied au sol. Ma respiration est coupée. Je ne respire plus. La chaleur écrasante a raison de moi. Et je m’abandonne, souhaitant la mort, plus que tout. Je sais que le Château ne m’acceptera pas dans ses rangs. C’est trop tard. Il m’aurait déjà contactée.

    Je suis agenouillée, couverte de sueur. Glacée. La pièce s’est soudainement refroidie, et le changement de température m’a sortie de ma transe. Je relève la tête. Un homme. Grand, vêtu de noir, il m’offre un visage impénétrable. Il rit doucement, en me voyant. D’un rire cruel, sardonique. Résolue à me défendre, je me relève d’un bond souple, saisit mon katana. Je suis aussitôt projetée au mur par une force incroyable. Je grimace de douleur, renonce à la lutte. Sa force m’y plaque, m’empêchant de faire le moindre geste. L’homme devant moi a la main droite levée. J’y vois un tatouage. ϔאּטּϠ.
    Il baisse son bras. Je m’écroule. Je relève difficilement la tête, tandis qu’il s’avance vers moi. Je suppose qu’il s’agit encore d’un autre assassin. Il prend la parole, d’une voix rauque, qui ferait trembler n’importe qui.
    -Alors… On pense au suicide ? Quelle lâcheté…
    -Qui es tu pour me juger ? J’en ai assez de la vie… Tu es un aventurier ? Vas y, tue moi. Tu me faciliteras la tache.
    Il s’avance, menaçant. Son ombre me recouvre. Il me fait peur. Il n’est pas comme les rares aventuriers que j’ai rencontré. Il est différend.
    Je ne te permets pas de me tutoyer, साँप.
    Je sursaute. Il sait. Il sait tout. Il sait qui je suis, il connaît ma race, il connaît mes mensonges, il sait la vérité.
    -Qui êtes vous ?
    -Ton futur Maître.
    -Je n’ai qu’un maître.
    -Son nom ?
    -Silvère Morin.
    -Tu mens.
    Sa voix est dure, cassante. Il me terrifie. Je murmure, en un souffle.
    -Disolvit Glaciem.
    -Celui qui se dissout comme de la glace… Intéressant…
    Il ricane. Je comprends tout, soudain. Ce même rire, entendu dans la pièce du bassin noir, des mois auparavant, ce rire si spécial, si unique.
    -Vous êtes le Château…
    -Quelle réactivité…
    Je ne réponds rien, laisse le rire s’éteindre de lui même. La personne que j’ai tant cherché à trouver m’a à sa merci.
    -J’ai un choix à te proposer. Rejoins moi, ou meurs.
    -Je ne souhaite que ça, et vous le savez.
    -Mourir ? Si tu meurs, je te torturerais pour l’éternité, et ça, tu le sais aussi.
    -Je veux rejoindre vos rangs…
    -Très bien, Saanp. Tu seras contactée bientôt par un membre de mon Ordre. Tu seras spadassine. Qu’il en soit fait ainsi !
    Il s’évapore en un nuage de fumée. Je reste au sol. Il a remit en question tous mes mensonges. Il sait que je ne suis pas naga, et que mon maitre ne s’appelle pas Silvère Morin. Il sait que ce n’était qu’une couverture pour protéger ma race, un nom d’emprunt. Il sait que je suis une Saanp. Une sorte d’espèce de reptile humanoïde, reptilien, dont les capacités sont proches de celles des nagas. Nous ne sommes qu’une quinzaine sur Terre, mais des milliers, dans l’univers. Et j’en suis la seule femelle. Formée au Vatican, comme le prévoyait mon scénario, mon maitre ne s’appelait pas Silvère. C’était un jeu, car étant un reptilien mentor, formant ses disciples, comme lui, son nom tiré tout droit d’un livre était celui que je citerai en toutes occasions. Une protection pour ma race. Il doit aussi savoir que mon frère ne s’appelle même pas Théo. Mais Tamaïs. Il sait que j’ai modifié mes pensées, mes souvenirs, parfois, pour que même une personne lisant dans mon âme ne puisse rien savoir.Il sait tout. Je reste prostrée au sol. Pourquoi ai je peur ? Pourquoi, alors que j’ai obtenu tout ce que j’ai souhaité, je me sens encore plus triste qu’avant ? Je ne le sais pas. Pourquoi est ce que je sens des larmes sur mes joues, alors que les reptiliens sont sensés être insensibles ? Je ne le sais pas.
    Je lève les yeux. La pièce, emplie de volutes de fumées est glaciale. Je sens le sol, sous mes paumes. Il est chaud. Et soudain, je n’ai plus peur. Mes larmes ne coulent plus. Je m’enfonce dans le sol. Et enfin, nous sommes réunis.

     

    LA PIECE OU TU COMPRENDS QU’IL FAUT BIEN CHOISIR SA LIMONADE
    Aifé

    Cyanure et limonade.
    3 mots qui me viennent à l’esprit quand je vois cette pièce. Elle est grande, immense, sobre. Aucun meuble, juste un millier de cadavres qui jonchent le sol. Des gobelets éparpillés, des restes de boisson. Cette scène est l’unique témoin du crime commit ici.

    Cyanure et limonade.
    Mélange immonde, et mortel. Doux-amer, fort goût de citron, et légère odeur de sucre en arrière goût, qui prédit la mort. Un suicide collectif de 912 personnes. Scène macabre.

    Cyanure et limonade.
    Cette pièce témoigne d’une événement historique important, et trop méconnu. Le suicide collectif du Temple du Peuple. Ce suicide organisé par le gourou en 1978. Tout le monde est mort, volontairement. Tout le monde a bu ce mélange âpre, acide, infect. Ceux qui ont résisté ont été obligés de le faire menacés par une arme. Résultat de l’endoctrinement des sectes.

    Cyanure et limonade.
    Mélange sans impact sur mon organisme non humain. Sur aucun reptilien d’ailleurs, car notre espèce habituée à vivre en compagnie des déchets des hommes, et de différends produits chimiques est totalement indifférente ou presque à ce poison. Je marche, dans la pièce, lentement.

    Cyanure et limonade.
    Combien de gens y pensent encore ? Combien de gens ont vu l’étendue du pouvoir des sectes ? Combien de personnes regrettent ? Combien de personnes ont pensé à ces personnes innocentes, mortes en vain ? Il y avait des enfants, des nourrissons parmi eux. Des vieillards, des gens qui pleuraient, riaient, respiraient. Des êtres pensants, et qui sont morts maintenant. Je ne sais pas combien de gens y pensent encore. Peut être personne.

    Cyanure et limonade.
    J’espère que plus personne ne boira ce mélange de mort. Plus personne. Je regarde la pièce, les cadavres, ces corps sans vie, sans âme, maintenant. Je regarde ces personnes, qui n’ont pas eu le choix. Ces personnes qui sont mortes, sans se défendre, sans regarder une dernière fois le ciel, avant de mourir. Je regarde ces personnes, si différentes des assassins que j’ai tué.

    Cyanure et limonade.
    Je regarde ces personnes sans vie, les gobelets à moitié remplis de poison. Je m’enfonce dans le sol, goût acide dans ma bouche.

     

    LA PIECE DE COTON
    Aifé

    Je saute. Je sens le sol doux, sous mes pieds, je m’y enfonce. Il est blanc, duveteux. Du coton. Je relève la tête. Les murs sont de la même matière, on ne distingue même pas les coins de la pièce, comme si j’étais dans une sorte de boule blanche, une boule de neige chaude. Aucun meuble ici, si ce n’est une jolie lampe ronde, constellée de papillons d’argent, et une table suspendue dans les airs par des cordes de lin, mêlées à des fils d’argent. Sur cette table, une assiette blanche, et un verre de lait. Sur cette assiette, une boule de pain briochée, parsemée de pépites de chocolat. Aucune porte ici, puisque je suis tombée du plafond. Il est brumeux, inaccessible, bien trop haut.
    Il fait chaud ici. Il fait bon. Je m’allonge dans ce lit improvisé, de coton. Je m’endors rapidement, mais sombre dans ce sommeil empli de cauchemars, et rêve de cyanure.
    J’ouvre doucement les yeux, me relève lentement. Je ne sais pas quelle heure il est, car j’ai perdu la notion du temps depuis longtemps. Je m’avance vers la table. La faim me taraude, et je mange la brioche et bois le verre de lait en entier.
    Je tourne sur moi même, regardant une dernière fois cette pièce qui m’a offert quelques heures de paix, de tranquillité, de sommeil, et aussi de la nourriture. Je sais que je n’ai aucune chance de la revoir.
    Je m’enfonce dans le mur le plus proche. Cette sensation de traverser du coton m’impressionne.

     

    LA PIECE DES TOILES D’ARAIGNÉE
    Aifé

    Je ressors du mur. La pièce suivante est d’une saleté repoussante. Mes empreintes se dessinent dans la poussière. Des toiles d’araignée pendent aux murs, et je n’ose imaginer la taille de leurs créatrices. Une table de bois, deux chaises bancales, une chandelle presque éteinte, une forte odeur de renfermé. Je ne vois aucune fenêtre ici. Mais je vois une porte. Tout ici est sale. J’éternue plusieurs fois, à cause de la poussière. Le lieu semble abandonné à la merci du silence, du vide, des ruines, ce lieu semble mort. La lueur changeante de la bougie dessine des ombres sur les murs de bois. Si je n’étais pas une tueuse, peut être me serais je sentie mal à l’aise, comme n’importe quelle jeune fille de mon âge. Mais ici, je ne ressens rien. C’est vide, silencieux, et malgré l’état des lieux, je m’y sens en sécurité. Il fait un peu froid ici. Mais cela ne me gêne pas. Je regarde chaque coin de la pièce, dans l’espoir d’apercevoir un détail, même infime, qui me donnerait des indices sur celui ou celle qui vivait ici. Car je suppose que quelqu’un y vivait. Je viens de voir une écharpe suspendue à un porte manteau. Je la prends. Elle tombe en poussière dans mes mains. Le lieu est inhabité depuis au moins des dizaines d’années.
    Quelque chose vibre contre ma cuisse. Le téléphone! Je le saisis, et décroche. Je reconnais aussitôt la voix.
    -Aifé ?
    -Maitre.
    -Où es tu?
    -Dans le château.
    Il soupire d’exaspération, et murmure, légèrement agacé.
    -Que s’est il passé depuis mon dernier appel?
    -Quelqu’un a tout découvert.
    -C’est à dire?
    -Quelqu’un sait qui je suis, qui vous êtes, notre race, quelqu’un sait tout. Le Maitre des Lieux. Je… Je suis désolée…
    -Ce n’est pas grave. Quelque chose me dit que tu n’avais aucune chance contre lui. Désormais, nous allons devoir être vigilants. Il est inutile que tu modifies de nouveau tes souvenirs et tes pensées. Depuis qu’il a tout découvert, tu ne peux plus résister au moindre voyant. En revanche, je veux que tu ne m’appelle que si c’est urgent, et le moins longtemps possible. Il ne faut pas que l’on puisse tracer ton appel. Avec un peu de chance, le Château ne sait pas où se situe la communauté. Tu as compris?
    -Oui.
    -Que la chance t’accompagne, Aifé.
    -La chance n’existe pas. C’est mon karma.
    Je lui raccroche au nez. Je sais qu’il ne rappellera pas.
    Je regarde le téléphone. Je sais que mon mentor n’a put me joindre que grâce aux toiles d’araignée. Je relève la tête, et me dirige vers la porte. Mon empreinte se dessine dans la poussière. La porte grince. Je m’engouffre dans la pièce suivante. Maintenant, il est inutile de modifier mes souvenirs. Il est même inutile de résister au Maitre des Lieux.

     

    LA PIECE DE LA PETITE FILLE QUE JE N’AI PAS TUÉE
    Aifé

    -Tu es qui?
    Elle est mignonne cette petite. Trop curieuse, mais adorable. Cela fait quelques minutes qu’elle me tourne autour, me posant une multitude de questions.
    -C’est quoi ce truc?
    Elle tend sa main vers mon katana. Je l’éloigne aussitôt, le range. Je la regarde, et d’une voix claire, je lui dit.
    -C’est pour les grands.
    Elle éclate de rire, et continue de me regarder. Cette pièce est certainement sa chambre. Les murs sont bleus ciel, un seul meuble ici, un lit de bois, avec des draps verts à pois mauves. Le sol est un parquet blanc. Une lampe accrochée au plafond éclaire la pièce. Un mobile avec des fleurs de plastique pendouille. Je demande à la petite fille qui me fait face.
    -Comment t’appelles tu?
    -Lià. Et toi?
    Elle est petite, puisqu’elle n’est qu’une enfant. Elle est brune, aux yeux verts. Vêtue d’un jean slim, d’un tee-shirt rose, et d’une paire de sandales fines et argentées, elle me fixe. Je remarque un pendentif cœur en argent, et des boucles d’oreilles assorties.
    -Je suis Aifé. Comment es tu arrivée au château?
    -Mes parents sont rentrés ici . Je ne les ai jamais revu.
    -Comment ça?
    -Ben… Ils sont rentrés avec moi, le Château leur a demandé si ils voulaient rejoindre ses troupes, ils ont dit non, et ils se sont évaporés. Depuis, je suis seule.
    -Quel âge avais tu, petite Fleur?
    Elle éclate de rire de nouveau. Elle ne semble pas se rendre compte de l’importance de ce qu’elle m’avoue. Elle ne semble même pas se douter que se parents sont morts.
    -J’avais 5 ans! Mais j’en ai 7 maintenant! 7!
    Elle me montre ses deux mains. J’éclate de rire à mon tour, et baisse trois de ses doigts. Je m’accroupis, pour être à sa hauteur, et demande.
    -Comment as tu fait pour vivre, Lià?
    -Des gens m’apportent à manger tous les jours. Et je vis ici, la pièce est sympa, et des fois, un monsieur vient me voir.
    -Qui?
    -Je sais pas. Il veut que je l’appelle Maître. Mais comme c’est pas mon maître, je l’appelle Château.
    -Tu… Tu as déjà rencontré le Château?
    -Bah oui. C’est lui qui dirige le château, et comme je vis chez lui, il vient me voir de temps en temps. Pourquoi tu es inquiète?
    Je tente de calmer ma respiration, et me relève.
    -Rien… rien… Écoute Lià. Je dois y aller.
    -D’accord! On y va!
    Elle commence à courir vers la porte. Je l’arrête aussitôt.
    -Comment ça, ON?
    -Bin… On y va ensemble, non? Et comme je m’ennuie toute seule, je préfère être avec toi. T’es marrante au moins.
    J’éclate de rire, et prends sa main. Je sais que je ne devrais pas entraîner quelqu’un avec moi. Je sais qu’elle risque de mourir à cause de moi. Et je sais que j’aurais du la tuer, comme les autres. Mais… je ne sais pas pourquoi… Je n’en ai pas envie. Je pousse la poignée de la porte de la chambre de Lià. Elle est assez excitée. Nous entrons ensemble dans la pièce suivante. Elle sautille.
    Je ne sas pas pourquoi je ne l’ai pas tué… Je ne sais pas pourquoi je ne tue pas d’enfants.

     

    LA PIECE OU LA POMME EMPOISONNÉE DEVIENT UN ŒUF EN CHOCOLAT
    Ecrite en écoutant Electric Angel, de Kagamine Rin.
    Aifé

    -Aifé! Regarde!
    Lià court dans la pièce, sautille d’excitation. Et, à son âge, je la comprends. La pièce est grande, le plafond peint d’un bleu ciel, en trompe l’œil, des nuages dessinés ici et là. De l’herbe tendre recouvre le sol. Des buissons par endroit, deux ou trois arbres en fleurs, un ruisseau, et un superbe soleil dessiné qui réchauffe mon visage. Lià me rejoint, en courant, un objet brillant dans la main.

    -Tu as vu? C’est du chocolat! Je n’avais pas fait la chasse aux œufs depuis 3 ans! Depuis que je suis rentrée ici! C’est génial!

    Je m’accroupis pour être à sa hauteur, et murmure.

    -Le Château ne t’as jamais emmenée à la fête de Pacques?

    -Non. Il disait que ce n’était pas bien.

    -Je comprends… Retourne toi, il y a une poule en chocolat, sous ce buisson…

    Elle se retourne, et court en riant jusqu’au buisson. Pourtant, je la vois revenir avec une cloche en chocolat blanc, et un lapin doré sous le bras en plus.

    -Tu veux bien me les garder? Merci Aifé! C’est génial!

    Sa joie de vivre me réchauffe le coeur. Je dépose ses trouvailles à mes pieds, et la regarde courir, chercher des œufs à travers la pièce. Je ne comprends pas ce que je ressens pour elle. Pourtant, j’ai envie de la protéger, de la sauver des dangers du lieu, de la voir sourire, rire, de sécher ses larmes si elle en avait. Elle revient vers moi, pour déposer d’autres œufs sur le tas formé. Je souris, en la voyant s’accroupir, ramper sous les buissons, grimper aux arbres pour attraper des oiseaux de chocolat, les faire tomber à terre, et sauter à son tour, pour les ramasser. Je ne comprends pas pourquoi, je en l’ai pas tuée, en la voyant. Je sais que je ne tue pas d’enfants, mais je sais aussi qu’elle est mon point faible. Elle est bien trop naïve.

    Je me demande ce qui lui arrivera, si j’arrive à rejoindre les rangs du Château. Peut être la tuera t-il tout simplement? Je souhaites sincèrement que non. Au mieux, elle pourrait rejoindre la quête du Château avec moi. Pourrais je renoncer à mon rêve, juste pour elle, à ma seule raison de vivre?

    Un cri de joie raisonne, et j’immerge brusquement de mes pensées.

    -Tu en veux?

    -N’y goûtes pas!

    Trop tard. Lià a croqué dans le morceau de chocolat, sans même se soucier de savoir s’il était comestible. Habituée à manger la nourriture offerte par le Maître des Lieux, elle ne s’était même pas doutée qu’il était empoisonné. Elle tombe à terre, à quelques mètres de moi. Je cours la rejoindre, m’agenouille auprès d’elle.

    -Lià! Tu vas bien?

    Elle tremble, secouée de spasmes incontrôlables. Ses yeux terrifiés me fixent. Elle demande.

    -Aifé! J’ai… J’ai mal! Qu’est ce qui se passe?

    Je me rends compte que ma voix énervée et anxieuse l’a effrayée à son tour. Je prends une voix rassurante, et murmure.

    -Rien, rien… C’est certainement passager. Tout va bien…

    -Non!

    Elle tousse, maintenant. Je la force à s’assoir, lui tape dans le dos. Un mince filet de sang s’échappe de sa bouche. Par instinct et réflexe, je l’allonge sur le dos, oppresse sa poitrine, puis la relâche. Mon intervention l’aide à respirer, ses voies respiratoires ne sont plus obstruées.Cependant, ses tremblements ne cessent pas pour autant.

    -Calme toi Lià. Tout va bien.

    Je tente de la rassurer, de l’apaiser. Mais en ce moment, Lià est comme un animal craintif. Elle sent ma peur, et comprend tout.

    -Je vais mourir!

    -Bien sur que non… Écoute moi bien Lià. Je… crois que tu as été empoisonnée. Mais ne t’inquiète pas. Tu vas guérir.

    -Ce n’est pas vrai…

    La gamine a beau être naïve, elle ne s’est pas laissée avoir par mon mensonge. J’oppresse, sa poitrine plus fort encore. Je tente vainement de ne pas entendre ses pleurs. Je saisis un tube de ma poche, et verse le contenu dans sa gorge. J’enlève ma main de sa poitrine. Elle inspire, tousse, et hurle de douleur. Elle se débat, tente d’échapper à mon emprise.

    -Je suis désolée Lià!

    Elle produit des sifflements stridents, pleure des larmes de sang. Il me semble que ses râles de douleur s’entendent dans tout le château. Ses pupilles se dilatent.

    -Je sais que les humains n’en consomment pas habituellement, mais c’est le seul moyen!

    -Je veux mourir!

    -Calme toi! C’est normal! La substance est très forte! Tu iras mieux après.

    Elle s’évanouit de douleur. Elle ne respire plus. J’appuie sur son ventre, violemment. Sa respiration reprend, sifflante d’abord, puis presque indétectable. Je lève la tête. La pièce est telle qu’elle était lorsque nous sommes arrivés. Je ne peux m’empêcher que c’est triste pour la gamine que son premier Pacques depuis quelques temps soit le jour d’où elle gardera un souvenir horrible.

    Je me relève, et la prend dans mes bras. Elle semble si vulnérable, ainsi. Je m’avance, dans la pièce, et sors par la porte dissimulée derrière un buisson. Je sais le danger écarté. Je murmure, à la petite, bien qu’elle soit inconsciente, tandis que nous passons la porte.

    -Tiens bon Hachûnui. Tiens bon…

     

    LA FORÊT DE BAMBOUS
    Aifé

    Je fais quelques pas, et dépose Lià sur le sol. La gamine est toujours inconsciente, et je crains pour sa vie. Je n’aurais jamais du l’entraîner avec moi.Tout est beaucoup trop dangereux ici. J’ai peur pour elle. Encore ce foutu sentiment que je cherche à éviter plus que tout!
    Je m’écarte de la petite de quelques pas. La terre sèche est meuble sous mes pieds. Devant moi, ou plutôt autour de moi, devrais je dire, des bambous. Mais, vraiment une tonne de bambous. Des grands, fins, élancés, épais, blancs, rouges, verts, jaunes, en fleurs, couverts de feuilles… Bref, de multiples variétés…
    Je lève les yeux. Un ciel étoilé. La lune est absente. Quelques étoiles filantes passent. Je touche du bout du doigt un bambou. Aussitôt, il s’illumine. Un dôme argenté s’élève dans la clairière. Il disparaît lentement. Je jure. Nous sommes prises au piège, Lia et moi. Le choc que j’ai ressenti, en touchant le dôme me fait comprendre qu’il est impossible de le traverser. Notre seul espoir de sortie: le sol, mais je crains que la petite soit trop faible pour supporter cette voie de sortie. Je ne sais pas combien de temps elle pourra retenir sa respiration. Un gémissement m’arrache à mes pensées. Je me retourne. Lià essaie de se relever. Je la plaque au sol, et m’assois à ses côtés.
    -Tu vas mieux?
    -On va dire!
    Elle n’est pas consciente du danger qu’elle a encouru. Et en même temps, j’en suis soulagée. Elle me regarde, et dit.
    -C’est quoi ce que tu m’as fait boire?
    -Quelque chose.
    -Dis moi! Dis moi!
    Je soupire, et sort une petite gourde transparente. A l’intérieur, un liquide écarlate, teinté de paillettes couleur bronze.
    -Ooooh! C’est trop beau… C’est quoi?
    -Quelque chose.
    Mon obstination à ne pas lui répondre fait qu’elle ne me repose plus la question. Elle se colle contre moi, et dit.
    -J’ai faim.
    -Je n’ai rien à manger. Nous trouverons quelque chose dans la prochaine pièce.
    -Bah alors on y va!
    Elle se lève avec enthousiasme, et pousse un gémissement, en sentant la douleur affluer en elle.
    -Tu n’es pas en état de repartir, Lià…
    Je soupire d’exaspération. Pourquoi ai je embarqué une gamine avec moi? La protéger semble devenir de plus en plus difficile. La petite fait un pas, trébuche, et me tombe dessus. Je l’assois au sol, et fais de même.
    -Lià… écoute moi bien. Nous sommes prises au piège. Il n’y a qu’un moyen de sortir. Pour cela, il faut que tu fermes les yeux, et que tu ne respire pas pendant une minute. D’accord?
    Elle hoche la tête. Je souris. Elle semble assez excitée de tenter une expérience bizarre, mais j’ai tout de même un doute. L’enfant ne m’obéit jamais. Elle pourrait vouloir ouvrir les yeux, et alors, elle me verrai, et comprendrait que je ne suis pas humaine! Elle prendrait alors peur, me lâcherai, et mourrait asphyxiée dans les murs du château.
    -Très bien. Fais moi confiance.
    Je prends ses mains, et aussitôt, elle ferme les yeux. Nous nous enfonçons dans le sol, et je n’ai que le temps de souhaiter que la chute ne soit pas trop rude.

     

    LA PIECE OU LE BLEU DOMINE
    Aifé

    -Aïe!
    -Tu vas bien?
    Lià est en vie, c’est déjà ça. Je la tenais serrée contre moi, et c’est donc ma tête qui a cogné le sol. Je relâche la pression, et elle m’échappe. Nous nous relevons, toutes les deux. La pièce est belle. D’une beauté à couper le souffle. Elle est grande, d’une quinzaine de mètres sur vingt. Une fontaine est au centre de la pièce. Des nénuphars en fleurs y flottent. Le clapotement doux et calme de l’eau apaise immédiatement Lià, qui ne sent aucun danger au premier abord.
    Le bleu domine ici. Sur les murs, des fleurs en saphir se mêlent à d’autres en aigue-marine. Et le fond, est en diamant bleu pâle, uni. C’est magnifique. Le sol est simple, par rapport au reste de la pièce, où tout respire la luxure. Un sol de marbre blanc et lisse, sur lequel se dessinent des veinures bleues pâles.
    Lià fait quelques pas, puis rassurée par le fait que rien ne bouge, court jusqu’à la fontaine. Elle rit, en voyant quelques poissons s’enfuir en la voyant. Puis, elle s’arrête, en me voyant me raidir. Je pose un doigt, sur mes lèvres, pour demander à Lià de ne faire aucun bruit.
    J’avais raison. Une présence, un souffle, derrière moi.
    Je me retourne. Une personne dans l’ombre, bras croisés, me regarde. Poignard à la ceinture, il est vêtu de noir. Le manque de clarté m’empêche de voir ses traits.
    -Déclinez votre identité.
    Une voix rauque, maquillée. Que dire? Avant que Lià n’ouvre la bouche, je réponds. Mentir. Il ne doit pas savoir.
    -Aifé des Ombres, et Lià.
    Tout dépend de mon nom. S’il découvre que je suis une Saanp, le combat sera ouvert.
    Il ricane. Mon cœur bat à cent à l’heure. Sentiment de peur. Pas pour moi, mais Lià. Elle ne sait pas se battre, et est bien trop vulnérable. J’espère que si l’inconnu use de son poignard, elle aura la présence d’esprit de se cacher. Je me place devant elle, à la fois pour avertir l’inconnu de ne pas la toucher, et aussi pour la rassurer.
    -Aifé… Cela fait bien longtemps que je ne t’avais pas vu…
    Il sait qui je suis. J’ai peur. Si mon prénom lui dit quelque chose, il sait forcément pour tout.
    -Qui êtes vous?
    -Tu n’arrives pas à deviner?
    -Votre odeur m’est masquée.
    -La tienne non, Saanp.
    Et merde. Il sait. Ce type est forcément un reptilien. Mais tant que je n’aurais pas déterminé sa race, je ne pourrais pas le vaincre. J’adresse à l’inconnu un regard suppliant.
    -Elle ne sait pas… pour les Saanps…
    Il ricane de nouveau. Mais d’un signe de tête accepte de ne pas se transformer. Je bondis. Il dégaine son poignard, moi le mien. Il doit forcément connaître la plupart de mes attaques au katana, puisqu’il me connaît, et je préfère éviter d’être prévisible.
    Ses coups sont puissants. Il me met plusieurs fois à terre. Je suis soulagée que Lià ai bondi, échappant au danger. Il me touche plusieurs fois, sans vraiment me blesser. Je le touche aussi, mais il ne gémit pas une fois. Très haute tolérance à la douleur.
    D’un coup, il me lacère l’épaule. De l’autre, il me plaque contre lui, poignard sur ma gorge. Il murmure, menaçant.
    -Rends toi…
    Je ne réponds pas, et enfonce mon coude dans son abdomen. Il recule de quelques pas, et j’enfonce ma lame dans son bras. Il ne dit rien. Je reconnais en lui les critères de quelques races. La liste s’est limitée. Surunen, hachurui, et soghun.
    Trois races. La douleur me transperce, mais je ne dois pas lâcher prise. Déterminer son clan est maintenant vital. Ses coups sont toujours aussi forts, tandis que je faiblis. Il est certainement vétéran. Je croise son regard. Yeux bleus perçants. Une seule race possible. Mais c’est trop tard.
    D’un coup, il me projette au sol. Je tombe. Le sang voile mon regard quelques secondes. Je lève mon bras devant mon visage, pour me protéger du dernier coup. Je murmure, d’une voix asséchée.
    -Tu es un surunen…
    Ses yeux deviennent plus menaçants encore. Je baisse mon bras. J’ai protégé Lià au péril de ma vie. Avec un peu de chance, elle s’est enfuie.
    -Achève moi…
    Il baisse son arme. Ma détermination l’a t’elle fait fléchir? Il se penche sur moi. Ses yeux sont maintenant empreint d’une grande sagesse, son regard est protecteur. Il murmure, pour que je sois seule à l’entendre.
    -C’est vraiment toi, Aifé…
    Je sombre. Cette voix maintenant sienne, que je reconnaîtrais entre mille. Cette voix, qui n’est plus maquillée, maintenant… Je m’évanouis. Juste le temps d’estimer mes blessures. Épaule lacérée, coup de poignard à la poitrine, faible égratignure sur la joue droite, près d’un demi-litre de sang versé. Chances de survie: infimes.
    Dernier murmure, avant ce sommeil synonyme de mort. Dernier mot. Juste un prénom. Le sien.
    -Néo…

     

    LA PIECE OU JE REPENSE A TAMAÏS
    Aifé

    «-Aifé! Reviens ici immédiatement!
    -Viens me chercher, Tamaïs!
    -Rends le moi! C’est dangereux!
    -Je n’en ai jamais eu! Je veux juste le voir!
    Mon frère finit par me plaquer contre le mur, et récupère son katana. Il murmure, en souriant, essoufflé.
    -Un jour… Toi aussi… tu en auras un…
    -Est ce qu’il y aura mon nom sur la garde?
    -Tu ne voudrais pas plutôt celui de ton amoureux?
    -J’ai pas d’amoureux!
    Je me dégage, et court dans le couloir sombre, pour échapper à Tamaïs qui rigole derrière moi.
    -Tu en auras un! Et il te fera plein de bisous!
    -Même pas vrai! Et en plus, comme c’est toi le plus vieux, tu seras amoureux en premier!
    Il s’arrête, avec un drôle de sourire.
    -Comme c’est moi l’aîné, je n’aurais pas le choix.
    Je m’arrête aussi, comprenant tout, malgré mon jeune âge, soit cinq ans.
    -C’est vieux, comme coutume. Il t’obligera pas à le faire.
    -Qu’est ce que tu en sais? Il tient à ce que le sang des Saanps reste pur.
    -On s’en fout! Si t’es un traqueur, tu pourras pas te marier!
    Il se jette sur moi, et commence à me chatouiller.
    -C’est quoi ce vocabulaire, jeune fille?
    -Il t’obligera pas! Parce que t’es le meilleur des traqueurs!
    Il me chatouille de plus belle.
    -Il ne t’a jamais rien dit sur l’orgueil? Tu sais, un jour, ce sera toi la meilleure.
    -On s’en fout! On a le temps!
    -C’est quoi ce langage? Redis le pour voir!
    -On s’en fout! On s’en fout! On s’en fout!
    Puis, je m’échappe, et cours de nouveau, en riant aux éclats. Lui préfère s’adosser à une colonne. Lorsque je me retourne, je lui lance.
    -T’es trop vieux pour me suivre?
    Il ne répond pas, et se contente de sourire. A mon âge, je croyais vraiment qu’à quinze ans, on était vieux. C’est pour ça que j’ai profité autant que possible de l’année qu’il me restait avant de commencer l’apprentissage.»

    -Pourquoi elle dit tout le temps « Tamaïs »?
    -Vas t’en, Lià, tu me gênes.
    J’ouvre les yeux. Aussitôt, une douleur intense me saisit. Je voudrais hurler, mais je ne peux pas. Une main sur ma bouche, une autre sur ma poitrine. L’esprit embué, je prends peu à peu conscience de la situation. Un homme est avec moi. Je suis blessée. Lià est là. Je ne sais pas comment je me suis faite toutes ces blessures. Je ne sais pas qui est cet homme. Je voudrais me débattre, mais je suis trop faible. Je sais juste que cet homme est dangereux, que nous devons repartir. La pièce est noire, vide. Une source de lumière tangente nous éclaire. Un souffle, celui de Lià, je crois. Je ne réussis pas à distinguer autre chose. Je réussis finalement à bouger le bras. La douleur devient insupportable. Evanouissement.
    -Tamaïs…

     

    LA PIECE DU LONG COULOIR POUSSIEREUX
    Aifé

    Je reprends peu à peu conscience, dans les bras de quelqu’un. Un homme, je crois. Il marche rapidement, silencieusement. Ballottée, je n’ai même pas la force de bouger, de me débattre, de protester. J’ouvre les yeux, et bats plusieurs fois des cils avant de pouvoir voir quoi que ce soit. Les contours sont flous. Je distingue un visage. Néo. Tout me revient en mémoire. Le combat, Lià, ma défaite, mes blessures, le danger.
    Je ferme les yeux, car les garder ouverts me fait mal.
    Je sombre de nouveau, bercée par le rythme régulier de mon ancien mentor.

    Un éternuement me tire de ma torpeur. Une voix familière s’exclame.
    -C’est plein de poussière ici!
    Une voix neutre, sans émotion, lui répond.
    -Nous sommes dans un couloir abandonné. L’entrée y est difficile. Nous ne serons pas suivis.
    -Pourquoi tu m’as demandé de fermer les yeux quand on est entrés?
    -Je ne te permets pas de me tutoyer, Lià.
    -Excusez moi.
    Un bruit sourd retentit, et résonne. Puis… un sanglot? Lià pleure. Je commence à comprendre. L’homme l’a frappée. Je voudrais me débattre, mais mes membres ne m’obéissent pas. Drogue? Néo nous a eu. Je m’inquiète d’avantage pour Lià. Je fais une nouvelle tentative, les yeux fermés, incapable de les ouvrir.
    Encore un échec.
    Je tremble, maintenant. Néo ne s’en aperçoit pas. La fatigue et la douleur s’allient pour me faire sombrer de nouveau. Je sens le sang couler contre ma peau. Je m’évanouis, malgré ma lutte, et le silence résonne dans ma tête. Je n’entends plus le pas régulier de Néo, ni les sanglots de Lià. Juste le silence.

     

    LA PIECE DE LA PLANQUE DE NEO
    Aifé

    J’entends une respiration. La mienne? Je ne crois pas. J’ouvre les yeux, et croise le regard neutre de Néo. Il me fixe quelques secondes, puis continue de panser mon bras. Je ne ressens rien. Je n’entend rien, je ne goûte rien, je ne respire aucune odeur, et je ne sens rien sur ma peau. En fait, je ne sens même pas ma peau.
    Je le regarde continuer de panser ma plaie. Tout me semble surréel. Mes pensées sont vagues, mes souvenirs m’assaillissent. Lui faire confiance? Il a frappé Lià. Le combattre?Je suis bien trop faible, et le moindre de ses coups me donnerait la mort.
    Il s’arrête, sans que je ressente le contact. Je pose mon regard dans ses yeux, pour essayer de lire en lui. Pourtant, son visage est impénétrable, et j’ai plus l’impression que c’est lui qui lit en moi. Peur, doute, tristesse…
    Il pose une main sous ma tête, d’une autre m’aide à me redresser contre le mur. Je me débats faiblement, mais d’une gifle il me terrasse, et je me laisse faire. Je tente de parler, mais ma gorge trop sèche, mes membres ankylosés ne le permettent pas. Je secoue la tête. Aussitôt, les odeurs, la douleur, tout me revient. J’entends un cri.
    -Aifé ! Tu es réveillée !
    Le claquement sec d’une gifle, puis le néant.

    Les battements d’un cœur contre le mien me tirent de ma torpeur. J’ouvre les yeux. Lià est collée contre moi, endormie. Je lève difficilement une main, puis la laisse retomber sur ses cheveux. Comme pour avertir Néo de ne plus la frapper, bien que je sois trop faible face à lui. Un ricanement. Je tourne la tête à droite. Un homme, debout, avec un katana à la main, vêtu de noir nous observe. Je murmure, pour ne pas réveiller Lià, tout en la serrant contre moi.
    -S’il vous plaît…
    Il hoche la tête. Puis, enchaîne des katas, de plus en plus vite. La lame vrombit,siffle dans l’air, à cause de la vitesse. Ne pouvant supporter plus longtemps de rester éveillée, je me rendors, Lià contre moi.

    -Bois.
    J’ouvre la bouche en tremblant. Il laisse un mince filet d’eau pailletée pénétrer dans ma gorge. Un goût de métal reste en moi, me redonnant des forces. J’arrive à me redresser seule. Et pour la première fois, je peux observer la pièce. Elle est sobre, simple. Un matelas, une fenêtre, recouverte d’un rideau blanc. Aucune porte. Mais il n’y a aucun doute pour moi que nous sommes rentrés en traversant le mur. Aucun ornement, aucune décoration, aucune lumière, à part celle du jour, aucun meuble, à part ce matelas. Deux katanas sont posés dans un coin. Je porte la main dans mon dos. Le katana qui y était accroché n’y est plus. Je regarde de nouveau les deux armes. Mon nom, est gravé sur la garde. Je soupire de soulagement.
    Je relève les yeux. Il est assis, agenouillé à côté de moi. Je parvins à demander.
    -Pourquoi ?
    Il se redresse, froid. Je murmure, pour ne pas réveiller Lià.
    -Pourquoi m’avez vous attaquée?
    -Cela te concerne t’il?
    Oui. Cela me concernait. Mais puisqu’il ne veut pas se justifier, je me contente de baisser la tête. Je demande, en regardant Lià.
    -Qu’allez vous faire de nous?
    -Je suppose que je vais vous garder avec moi jusqu’à ce que tu sois capable de la protéger.
    Lià se retourne. Je distingue à présent sa joue. Des traces rouges, une peau enflammée. Je relève les yeux, en larmes.
    -Pourquoi l’avez vous frappée? Ce n’était pas de l’irrespect, elle est comme ça, elle ne connaît pas nos mœurs.
    -Son insupportable habitude de poser des questions, et de tutoyer tout le monde m’a mis hors de moi.
    Une toute petite voix murmure.
    -Je suis désolée…
    Puis, un sanglot, silencieux. Je serre Lià contre moi, mettant au défi d’un simple regard, Néo de la frapper de nouveau.
    -Quelle incapacité à contenir la douleur! Tous les enfants que j’ai élevé ont vécu bien pire que toi, gamine.
    -Arrêtez !
    Je n’aurai pas du. Je place ma main devant mon visage. Il se contente de se lever, et de s’adosser au mur le plus éloigné. Je soupire de soulagement, m’allonge sur le matelas, et caresse les cheveux de Lià pour la calmer.

    «-Tu as peur ?
    -Pour toi.
    -Pourquoi ?
    -Je t’aime.
    -Aifé… Tout ira bien…
    -Et si tu meurs ! Moi je fais comment ?
    -Tu te débrouilleras. Tu es grande, maintenant.
    -Je préfère que tu restes avec moi…
    -Ce n’est pas possible.
    -Si on lui en parlait ?
    -Cela lui ferait honte. Qu’un traqueur refuse sa destinée. Et si je ne suis pas traqueur, je ne choisirais pas ma vie pour autant.
    -Oui, mais tu resterais avec moi.
    -Tu es grande. Tu t’en sortiras.
    -J’ai envie que tu me fasses un câlin tous les soirs.
    -Le maître s’en chargera.
    -Il les fait mal les câlins. Toi tu fais bien. Tu es gentil, et j’ai chaud toute la nuit, quand tu restes dormir avec moi.
    -Tu exagères un peu. Tu ne veux pas que je traque, juste pour des câlins ?
    -Oui.
    Il éclate de rire, et me prend dans ses bras. Encore cette sensation de chaleur, d’être protégée, quand je suis avec lui. Il a dix-sept ans, et moi sept. Pourtant, mon frère Tamaïs et moi n’avons jamais été aussi liés.»

    -Fais moi un câlin…
    Je serre Lià contre moi. Ma vie est un éternel recommencement. Sauf que ce n’est pas moi la petite fille en détresse. C’est moi la personne qui protège, qui subit, pour elle. Je pleure, tandis que je sens son corps contre le mien.
    -Tamaïs…
    J’entends la respiration régulière de mon mentor. Il fait nuit. Dans l’ombre, je ne distingue que ses yeux.

    -Nous partons. Essaie de te relever.
    Lià se relève, et se fond aussitôt dans l’ombre, loin de Néo. La peur et l’instinct lui indiquent de le fuir. Je pose une main sur le mur, me relève, fais un pas, et lève la tête vers Néo.
    -Tu peux marcher ?
    -Je ne sais pas.
    -Quelle distance peux tu tenir ?
    -Je ne sais pas.
    Une nouvelle gifle. La patience n’a jamais été son point fort. Trop faible pour tenir sur mes jambes, ma tête heurte le mur. Je m’effondre. Encore un échec. Je ne voulais que lui échapper. Je n’ai pas réussis. Évanouissement.

     

    LA PIECE DE L’ENFER
    Aifé
    Paroles semées de l’Enfer, de Kyo.

    -Aifé… Je peux te parler?
    J’ouvre les yeux. Je suis allongée dans la poussière. Un feu de camp éclaire faiblement le visage de Lià. Les flammes dansent, illuminant la pièce de lueurs changeantes, effrayantes par moments, rassurantes par d’autres. Je me redresse péniblement. Sa poitrine est empreinte d’une marque bleuâtre énorme. Hors de moi, je l’attire dans mes bras, et murmure énervée à son oreille.
    -Il t’as encore frappée?
    -Il dit que c’est de ma faute…
    -Il n’avait aucune raison d’être violent avec toi! Je ne le reconnais plus.
    -J’arrive pas à dormir…
    -Viens.
    Je m’allonge, et elle se blottit contre moi. Je reconnais en elle le comportement d’un animal apeuré, mon comportement avec Tamaïs plusieurs années plus tôt. Je murmure.
    -Que faisait ta mère quand tu n’arrivais pas à dormir?
    -J’ai pas de souvenirs de ma mère. Juste sa voix quand elle chantait.
    -Elle était chanteuse?
    -Je sais pas. Elle disait que quand on chantait, on oubliait tous ses problèmes, et que c’était le seul moyen d’avoir vraiment de l’espoir.
    Je me rappelle que Tamaïs disait pareil. Et je me souviens que les nuits où nous dormions ensemble, parfois, il chantait les chansons qu’il aimait bien, à voix basse, pour me faire dormir. Je secoue la tête.
    -Ta mère était une optimiste.
    -C’est vrai! Quand elle chantait, je dormais toujours. Et lorsque le Château l’a emmenée, elle chantait aussi. Même quand il la tapait, elle chantait, en souriant.
    Je ferme les yeux. Je n’ose imaginer de quelle manière le Château l’a torturée, elle et son mari.
    -Dors, Lià.
    Elle ferme les yeux, mais je la sens trembler toute la nuit. De froid ou de peur? J’espère que c’est le premier choix.

    -Tu me chantes une chanson?
    -Non. Je ne veux pas qu’il intervienne.
    Je parle de Néo, et elle le sait aussi. Je me redresse. Nous sommes dans une clairière. Une forêt de pins nous entoure. Les braises du feu de camp brûlent encore, mais c’est la lumière du jour qui nous éclaire. Néo est assis à côté du feu. Il fixe les braises, et veille. Un peu comme le mâle qui surveille et protège les femelles lionnes, tandis qu’il étend sur elles son pouvoir.
    -S’il te plaît…
    -Quelle chanson voudrait tu entendre?
    -Une chanson qui colle à ce qu’on vit.
    -Il y en a tellement, Lià…
    -Bah alors choisis.
    Je fixe son ecchymose devenue violette. Et soudain, j’en ai assez. Assez de Néo, qui frappe Lià sans état d’âme, assez d’avoir peur de lui, assez de Néo, en fait. Au diable le respect qu’il mérite. Je tourne le dos au feu, et regarde Lià.
    -S’il te plaît… J’aurais moins peur après…
    J’en doute, mais l’enfant me surprend toujours. Peut être cela l’aidera t’il vraiment? Je commence à chanter, surtout pour lui faire plaisir. Je n’aime pas vraiment ça, et je doute de l’efficacité de la musique à effacer la peur, le doute, la douleur, je doute de son efficacité à donner du courage.

    -On veut de la vitesse fragile…

    C’est vrai. Je veux aller plus lentement, je veux avoir le temps de guérir, de me remettre de mes blessures.

    -Des fleurs à tous les feux rouges, pour freiner notre adrénaline,
    A grand combat de caféine…

    Drogue, poudre d’or, d’argent… Toutes ces substances… L’une qui me réduit à néant, l’autre qui m’aide à tenir le coup, à ne pas me transformer devant elle.

    -La belle parade des ondes qu’on avale à outrance,
    sans rien dire, sans rien dire…

    Combien de fois ai-je laissé Néo me frapper, m’injurier, sans rien dire? Je ne sais pas. Combien de fois ai-je laissé Disolvit Glaciem, mon maître, le faire? Je ne sais pas non plus. Trop, je pense.

    -On peut croire en de nouveaux jours,
    Dans le sillage des hommes que la raison ignore depuis toujours,

    Le Château, Tamaïs… Tous ces hommes en qui j’ai confiance, que j’ai envie de rejoindre, avec qui j’ai envie de me battre. Avec qui j’ai besoin de me battre.

    -On peut même jouer à être sourds,

    Je sens une pression derrière mon épaule blessée, qui m’arrache un gémissement. Une voix rauque, tandis que je continue de chanter. Il m’ordonne de me taire. Je continue. Pour Lià. Il me soulève, et me jette au sol.

    -On s’est laissées tomber à genoux,
    On s’est enlisées, jusqu’au cou…

    Lià me fixe, morte de peur. Je la fixe en retour. Elle sait déjà que ça se finira mal pour moi. Je souris. C’est pour elle. Comme Tamaïs l’a fait pour moi, maintenant, c’est son tour d’être protégée. Je l’aime. Comme ma meilleure amie, comme ma sœur, comme…

    -Mais un mot de toi, Pour ma peine,
    Ma paranoïa, sur tes lèvres…

    Le claquement sec d’une gifle. Douleur sur la joue gauche. Je me redresse. Un coup de vent.

    -Mais alléluia, le vent se lève…
    Sur l’enfer, où je me promène…

    Il me soulève, lame contre la gorge. Je relève la tête. Je comprends ce sentiment d’espoir. Chanter pour oublier, pour avoir le sentiment d’exister, ne serait ce qu’une seconde. Ce sentiment de vivre, d’être, d’être heureuse. Il place son bras contre ma gorge. De son couteau, il commence à me taillader le dos, en fine coupures. Je hurle.

    -Des nébuleuses, dans nos têtes, explosent!
    As tu goûté, à la dernière nouveauté, que la mort nous propose?

    Y a tu goûté, Lià? Je le subis pour toi! Arrêtes d’avoir peur! Je survivrai. C’est sûr, je te le jure! J’ai un objectif, maintenant. Finir la chanson, coûte que coûte. Finir pour elle.
    Il me lâche. Je retombe à genoux.

    -On s’est laissés, tomber à genoux!
    On s’est enlisés, jusqu’au cou!

    Je chante de plus en plus fort, maintenant. Peut être pour ne plus entendre la voix de Néo qui m’ordonne de me taire? Peut être pour avoir la sensation de ne pas sentir la morsure des coupures sur ma peau? Penser à Lià, penser à Lià, penser à Lià… Je lève la tête. Mes yeux brillent de larmes.

    -Mais un mot de toi, pour ma peine,
    Ma paranoïa, sur tes lèvres,
    mais alléluia, le vent se lève,
    Sur l’enfer, d’où je nous surveille!

    Elle est ma raison de vivre, maintenant. Ma seule raison de survivre, plutôt. Pour la protéger, l’aimer, la surveiller. Je ressens une vive douleur dans le dos. Encore un coup. Lui désobéir l’a mit en colère, et si je tente maintenant de me soustraire à sa sentence, le code ordonne un suicide. Je baisse la tête.

    -J’ai donné ma vie, pour partager la tienne,
    Bien écorchée vive, je m’éveille…

    Je hurle. La douleur est trop intense. Naïve que je suis! Comment ai-je pu croire qu’il voulait me protéger? Chaque jour, par ses coups, il retarde mes chances de survivre. Il est un monstre!

    -Mais un mot de toi, pour ma peine,
    Ma paranoïa, sur tes lèvres,
    Mais alléluia, le vent se lève,
    Cet enfer, tout ce qu’il me reste…

    La chanson est terminée. Je reste immobile, attendant le coup mortel. Pourtant, il ne vient pas. Je lève la tête, me protège de mes mains. Il tourne autour de moi, à pas lents, réfléchissant sans doute à sa sentence. D’une voix froide, il ordonne.
    -Régénère toi.
    -Je ne peux pas.
    -Régénère toi!
    Il hurle de colère, maintenant. C’est assez étonnant, pour un reptilien.
    -Elle ne doit pas savoir.
    -Elle saura, tôt ou tard!
    Je lève les yeux sur Lià. Je murmure.
    -N’ai pas peur…
    Trop tard. Sa patience est à bout. D’un simple coup sur l’arrière du crâne, je m’effondre. Estimation des blessures: Épaule blessée, poitrine en sang, joue rouge, coupures dans tout le dos, ecchymoses, douleur intense. Je m’évanouis avant même de toucher le sol. Juste un cri, qui résonne en moi, encore et encore. Son cri. Lià. Puis une gifle.

     

    LA PIECE DE L’ARBRE D’OR
    Amayelle et Shvimwa

    Nous sommes dans une pièce ronde. Dit comme ça, ce n’est pas très descriptif, mais je n’ai pas le cœur de penser à la pièce. Les révélations d’Immanuel tournent encore et encore en moi. Comment mon maître a t’il pu me mentir? Et si le prophète dit vrai, seul Ignis est mon frère? Je me retiens de fondre en larmes devant Shvimwa. Je ne veux pas qu’elle croie que je suis faible. Déjà qu’elle n’était pas très enthousiaste, à l’idée que nous fassions route ensemble, la moindre larme lui servirait de prétexte pour nous fausser compagnie.
    La pièce est ronde. Un lustre éclaire faiblement la pièce. Quelques bougies mourantes dessinent des ombres changeantes sur les murs verts. Un arbre magnifique est au centre de la pièce. Il brille, à la lueur des bougies. Un éclat d’or attire mon attention. Immanuel souffle à mon oreille, tandis que Shvimwa tourne sur elle même pour évaluer les dangers de la pièce.
    -Je ne crois pas ce cet arbre soit un vrai.
    -Pourquoi?
    -C’est une reproduction, un faux. C’est une sculpture.
    Ce dernier mot m’est étranger, mais je fais mine d’avoir compris. Je m’adosse au mur, pour faire le vide dans ma tête. Aussitôt, je touche une matière douce. Je me redresse, surprise. Le prophète sourit.
    -C’est de la mousse.
    -C’est vivant, ça?
    Il n’a pas le temps de me répondre. Le mouvement brusque de Shvimwa nous fait tourner la tête en même temps, par instinct. Je me tourne, pour faire face à l’inconnu, qui vient d’entrer dans la pièce.
    Personne ne parle. Le silence est pesant. Je comprends le désir de Shvimwa de laisser l’homme se présenter, mais ma curiosité l’emporte.
    -Qui… êtes vous?
    Une vois rauque, d’homme nous répond. Dans la pénombre, il est difficile de distinguer ses traits. Il me semble qu’il est brun. Ses vêtements sont simples, mal entretenus, un barbe de plusieurs jours lui mange le visage. Ses yeux brillent d’intelligence, mais je n’arrive pas à voir leur couleur.
    -Je m’appelle Rehane. Quel est votre camp?
    -Résistants.
    Shvimwa a raison. Autant mettre les bases tout de suite, et ne pas se faire passer pour celui qu’on n’est pas. Le silence revient de nouveau. Je le brise, tandis que le main d’Immanuel se glisse dans la mienne.
    -Je m’appelle Amayelle.
    -Je suis Immanuel.
    -Shvimwa.
    Il fait un pas. Moi aussi, mais Shvimwa me bloque. Elle murmure.
    -Te fais pas tuer maintenant, petite…
    Rehane fait un autre pas. La main de Shvimwa tremble sur sa garde.
    -Je suis… résistant, également. Qu’est ce qui me prouve que je peux vous faire confiance?
    -Qu’est ce qui nous prouve qu’on peut vous faire confiance?
    C’est sorti, comme ça. Cet homme doit avoir au moins trente ans. Nous ne faisons pas le poids en corps à corps, mais je peux toujours utiliser ma magie.
    Il rit d’un rire sans joie.
    -Vous avez raison, jeunes gens. Qu’est ce que des enfants font ici?
    Immanuel s’avance. Son apparence paisible, de non combattant, trouble Rehane.
    -Je suis prophète. Mon rôle est de rendre pure l’âme du Château.
    Il ricane.
    -Bon courage… Personne ne peut vaincre le Château, ni le rendre meilleur. Sauf peut être… Non, c’est bien trop… Je ne peux pas vous faire confiance.
    -Je sais que les Étoiles te parlent.
    Rehane sursaute violemment, tout comme Shvimwa. Les deux hommes commencent à se tourner autour, lentement.
    -Comment sais tu que…
    -Je suis prophète. J’ai entendu ta détresse. Je sais que tu cherches les Élus. Et tu as de la chance… Une se trouve devant toi.
    Il se tourne vers Shvimwa et moi, ne sachant laquelle de nous deux l’est. Shvimwa s’avance, arme à la main, prête à se défendre contre l’homme. Il s’exclame.
    -Je ne peux pas te croire, Emmanuel… C’est un piège!
    -Immanuel. Et ce n’en est pas un. Je n’ai qu’une parole.
    Rehane se raidit, et porte les mains à sa tête, comme en proie à une intense douleur. Ses yeux se voilent, il tremble, puis, il redresse la tête, le visage en sueur, au bout de quelques minutes.
    Shvimwa fait un pas de plus. Les deux combattants commencent à tourner en rond, lentement, tandis qu’Immanuel recule vers moi. Rehane baisse la tête, et je reconnais en lui l’attitude que j’avais avec mon maître quelques semaines plus tôt, pour lui témoigner mon respect. Je me mords la lèvre. Ne surtout pas penser à ça, surtout pas…
    Il souffle, émerveillé, tandis qu’il la dévisage.
    -La Prophétie… Les Étoiles…
    -Qui es tu?
    -Je suis Rehane.
    Elle secoue la tête, agacée.
    -Qui es tu? Quelle est ta vie?
    -J’ai depuis bien longtemps été frère d’armes du Château. Puis, je l’ai renié, lorsque j’ai compris que ses intentions n’étaient pas justes. J’ai passé 15 ans de ma vie, dans les prisons des gobelins, parce qu’ils pensaient que j’étais contre eux. Et il y a peu, j’ai vaincu leur chef. Je suis enfin libre.
    -C’est quoi cette histoire de prophétie?
    Le ton est moins tendu. Dans la voix de Shvimwa, je décèle aussi du respect, probablement à cause du fait qu’il a combattu le Château 15 ans, alors qu’il pouvait se rallier à sa cause, pour ne plus souffrir. Je m’y connais plutôt bien, puisque les intonations de voix de mes frères et sœurs étaient différentes, lorsqu’ils s’adressaient à Abnar, car ils lui parlaient avec respect. Mais, est ce qu’il s’appelle vraiment Abnar?
    Goût amer dans ma bouche. Ne pas y penser, ne pas y penser.
    Il murmure.
    -Je préfère t’en parler après, loin des oreilles indiscrètes.
    -Pourquoi moi ?
    -Parce que tu es l’Élue.
    -Je m’en fous d’être l’élue ! Ce qui compte pour moi, c’est de retrouver ma sœur !
    -Ca tombe bien, elle est sur ma route. Je dois retrouver les trois enfants de la Prophétie, soit toi, ta sœur, et ton frère.
    -Bien. Je vais te suivre.
    -Je te parlerai de tout ça lorsque nous serons seuls.
    La confiance règne… Mais je comprends son désir de ne pas divulguer le… secret.
    Je demande.
    -Du coup, l’idée, c’est que vous fassiez route ensemble, et qu’Immanuel et moi, on continue de notre côté?
    -Oui.
    Shvimwa s’avance vers moi. Elle souffle à mon oreille, pour que je sois seule à l’entendre.
    -On se reverra, gamine… Et bonne chance, avec ton mentor… Ne le laisses pas gagner…
    -Merci…
    Elle s’écarte, puis s’approche de Rehane. Avant que nous repartions dans une discussion trop compliquées, ils sortent tous deux par la porte, en nous jetant un dernier regard. Je me tourne vers Immanuel. Il m’embrasse, et murmure.
    -On y va?
    -On y va.
    Oubliées les règles, comme quoi seul un Maître magicien peut faire un vortex, et encore moins que ça doit être un endroit connu. Je regarde une dernière fois l’arbre d’or. Je nous téléporte, loin d’ici, en priant pour que la pièce suivante ne soit pas dangereuse. Lourde erreur.

     

    LA PIECE DE LA BRUME BLEUE
    Amayelle

    Un coup de tonnerre, puis un éclair déchirant le ciel. Un cri mêlant peur et douleur, puis, plus rien. Juste le silence, moi qui tombe à genoux. Après, des pleurs, d’abord simples larmes, puis sanglots déchirants.

    Ça fait cliché non? Pourtant, c’est comme ça que ça s’est passé. Immanuel a disparu.

    Immanuel! Où es tu? Pourquoi est ce qu’il est venu? Maître Abnar était apparu dans un tourbillon d’étoiles dans la pièce où nous nous trouvions toi et moi. Puis, une violente dispute avait éclaté entre nous deux. Immanuel s’était interposé lorsque mon mentor avait commencé à me frapper. La magie avait fait son effet. Un éclair, puis plus rien. Juste moi qui pleure, seule, Immanuel disparu, mort, ou en sale état.

    Immanuel! Pourquoi ai-je peur? Pourtant le danger est écarté! Je ne vois plus, je n’entends plus le tonnerre, ni le ciel, ni la lune d’une lumière éclatante auparavant. Une brume compacte, épaisse a engloutit la pièce. J’ai chaud. Pourtant, je tremble de peur. Une sensation glacée me parcourt l’échine. Je crois que j’ai peur pour toi.

    Immanuel! Pourquoi ai-je mal? Je ne suis pourtant presque pas blessée! Je n’ai que quelques taches bleues persan, aucune blessure sérieuse. Ma plus grande douleur est intérieure. Mon cœur ensevelit peu à peu par mes larmes, qui bat de plus en plus fort, animé seulement par l’énergie du désespoir.

    Immanuel! Est ce que tu m’aimes encore? Je relève la tête. Je ne distingue rien, ici. Juste de la brume bleue et rien d’autres. Avant, la lune éclairait la pièce de sa lueur fœtale. Je sais cependant qu’elle est présente, car sans elle, je ne distinguerais même pas le bleu saphir profond qui m’entoure. Juste du noir. Comme le sang qui recouvre mon cœur.

    Immanuel! Pourquoi es tu parti? Ton dieu n’était il pas sensé te protéger? Ton corps a disparu. Je n’ai qu’eus le temps de te distinguer, agenouillé, une intense douleur sur le visage. Peut être une teinte d’amour dans le regard. Je refonds en larmes.

    Immanuel! Pourquoi le pendentif me brûle t-il? Je sens son intense chaleur sur ma peau froide. Je ne distingue même pas la flamme magnifique qui l’anime. Je sais juste que tu m’as dit de le garder. Tu m’as dit qu’il m’aiderait. Je comprends que je n’entendrais peut être plus jamais ta voix.

    Immanuel! Aide moi! Je me relève, tremblante, et marche hagarde dans la pièce. Tout plutôt que de rester ici. Même si je ne vois rien, je continue d’avancer. Je trébuche, me relève, encore et encore. 10, 15, 20 pas. Puis je heurte un mur. Je m’y adosse, et fixe la brume épaisse.

    Immanuel! Je suis prise au piège! Je sais que trouver une porte ne sert à rien ici. J’errerai certainement plus d’une centaine d’années. Un détail attire mon attention. Une coupure sur ma main gauche, une autre sur ma joue droite. Pourtant, mon maître ne m’a fait aucune blessure externe… Pourquoi?

    Immanuel! Qu’est ce qui se passe? Je sens le sol se dérober sous mes pieds. Ma tête heurte le sol. Un choc. Peut être la mort? Je n’ai pas la force de me relever. Je veux rester ici, dans la brume. J’ai trop mal pour continuer.

    Immanuel! Pourquoi j’entends ta voix? Hallucination? Miracle?
    «Tu peux t’avouer vaincue, ou te battre. Tu peux te soumettre, ou décider. Tu peux être toi, ou le reflet qu’on t’ordonne d’être.»
    Je relève la tête, puis la laisse retomber. Il est parti. C’est tout.
    Tout tourne en moi. Mes pensées se mélangent, disparaissent, puis apparaissent, à une vitesse fulgurante. Mes forces m’abandonnent, et pourtant, je veux me battre. La peur et la douleur s’allient, et des images m’apparaissent. Je ne ressens aucun de mes bleus, juste mon cœur, qui hurle à l’agonie, noyé dans ce sang qui me tue, et les coupures sur ma main et ma joue. Elles palpitent, au rythme des battements de mon cœur. 100 à l’heure. J’ai mal. Je rate un battement. Suffocation dans la brume épaisse, enveloppante. Un cri. Douloureux. Le mien.

    -Immanuel! Est ce que je meurs?!

     

    LA PIECE DE MATHIEU, ou LA PIECE OU J’AI APPRIS LA VRAIE MAGIE
    Amayelle

    C’est allongée dans l’herbe humide que je m’éveille. J’ai moins mal, mais les coupures sur ma joue et ma main me brûlent encore. J’ouvre les yeux. Je suis près d’un ruisseau. Je me relève, lentement, puis tourne sur moi même. Il fait jour, ici. Je suis dans une plaine, des tiges de fleurs dépassent. Une teinte verte tendre se mêle à du rouge, du rose, et du mauve. C’est magnifique. L’endroit est paisible. Pas un bruit, pas un oiseau qui pépie, juste le ruisseau qui chante. Soudain, je sursaute. Mes yeux se posent sur un homme.
    Il est agenouillé, devant une plante. Je vois ses mains bouger, doucement, je m’approche. De la magie ! Une brume bleue s’échappe de ses mains, et enveloppe une fleur. Aussitôt, celle ci pousse, grandit, puis s’arrête.
    L’homme se retourne vers moi, avec un grand sourire.
    -Bonjour Amayelle.
    -Bonjour.
    Très bien. Qu’il connaisse mon nom, c’est légèrement stressant.
    -Comment vas tu?
    -Comme ça peut aller. Et toi?
    -Je vais bien. Alors, qu’en penses tu?
    -De quoi?
    -De tout ça, de mon œuvre?
    -La plaine? J’aime bien vos fleurs.
    Il éclate de rire, paisible. Je l’examine. Il est jeune, 25 ans, peut être, vêtu d’un pantalon qu’Immanuel m’a apprit être un jean, un tee-shirt bleu ciel, et un pendentif de bois, accroché à un cordon de lin.
    -Merci! J’ai hâte que tu me montres ta manière de les faire pousser!
    -je ne peux pas faire pousser les fleurs…
    -Pourquoi?
    -Ma magie… je peux juste créer des boucliers d’énergie, et me téléporter.
    L’homme s’approche de moi, et pose sa main sur mon épaule, bienveillant.
    -Oublie tout ce qu’on t’a apprit. Ta magie est spéciale, extraordinaire, comme toutes les magies. Ce que tu es capable de faire est incroyable, et tu n’en as même pas conscience.
    -Alors apprend moi.
    -Impatiente? J’étais comme toi à ton âge. Mais je ne vais pas me mettre à radoter maintenant!
    Il éclate de rire, de nouveau, tranquille. Je me détends, peu à peu, tranquillisée moi aussi par son attitude pacifique.
    -Explique moi…
    -Très bien. Assis toi, je t’en prie.
    Je m’assois sur l’herbe, et il en fait autant. Il me regarde, plante son regard vert émeraude dans mes yeux bleus, puis sourit.
    -Surtout, n’oublie pas qu’il faut que tu t’amuses. La magie n’est pas une arme. C’est l’expression de ta créativité. C’est donc important que tu sois dans ton élément, que tu sois à l’aise avec elle. Vous ne devez faire qu’une.
    Je hoche la tête, attentive.
    -Ensuite… Pour dépasser les limites que tu t’es imposée, inconsciemment, et utiliser la magie à ton maximum, tu dois l’invoquer de la manière qui te semble la plus simple.
    -Comment?
    -Je ne sais pas. Qu’est ce que tu aimes faire?
    -Je ne sais pas. Lire?
    -Je doute que pour utiliser ta magie, ce soit pratique d’ouvrir un livre. Surtout qu’elle peut te servir aussi pour te défendre.
    -Je croyais que ce n’était pas une arme…
    -En effet. Tu peux te battre de manière créative. J’ai connu quelqu’un qui faisait très bien pousser les rosiers.
    -Et alors?
    -Alors beaucoup ont perdu du sang.
    -Je comprends…
    -Qu’est ce que tu fais de mieux?
    -J’adore chanter…
    -Et bien voilà! Nous y sommes! Il faut que tu chantes, pour être en parfaite harmonie en toi même. La magie viendra d’elle même!
    -C’est vrai?
    -Je t’assure!
    Il est excité. Probablement parce qu’il va découvrir en même temps que moi ma véritable magie.
    Je souffle, doucement, les premières notes d’une chanson.

    -Ignis, où es tu? Je t’aime.
    Mon amitié est éternelle.
    Ignis, que fais tu? Je t’aime.
    Ma peine est réelle.

    Je laisse doucement ma voix m’envahir, je prends confiance, chante de plus en plus fort. J’ouvre les yeux. L’homme me murmure qu’il sont argentés. Je sens la magie affluer.

    -Ignis où es tu? J’ai peur.
    Ça fait des jours que je ne te vois plus.

    Je sens mon cœur battre à 100 à l’heure. Mes ailes frétillent. Je ferme les yeux, émerveillée. Je laisse tout cet ensemble m’envahir, me calmer.

    -Ignis que fais tu? J’ai peur.
    Ta voix me manque de plus en plus.

    J’ouvre les yeux, en l’entendant pousser une exclamation de joie. Des bulles rosâtres, brillantes flottent tout autour de nous. C’est magnifique. Je me tourne vers l’homme, qui me sourit, bienveillant.
    -Tu as trouvé ta voie. Et cette magie est magnifique. Tu feras de grandes choses.
    -Merci à toi.
    -Nos chemins se recroiseront, jeune fille. Prend soin de toi, en attendant. Je ne veux pas qu’il t’arrive malheur.
    -Tu penses que je peux aussi partir de manière créative ?
    -Oui.
    Je ferme les yeux, lui sourit, puis forme de mes mains une incroyable bulle mauve. D’abord minuscule, elle croit, croit, et finit par mesure deux mètres. Les couleurs de l’arc en ciel s’y reflètent.
    Je murmure en souriant.
    -A bientôt.
    -Bonne chance.
    -Ça me fait penser que je ne connais pas ton nom…
    -Mathieu.
    Je souris, puis entre dans la bulle. Je l’éclate avec mon doigt. Je disparais.


  • Commentaires

    3
    Dimanche 15 Mai 2016 à 16:28

    J'ai complété les pièces.

    2
    Jeudi 28 Avril 2016 à 21:23

    Il en manque plein... Mais c'est un travail énorme, titanesque.

      • Vendredi 29 Avril 2016 à 15:04

        Je sais ^^Ça avance, petit à petit.

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