• Exploration d'Enfant des mers

    LA PIECE QUI ME RAPPELAIT L’OCEAN

    Je m’avançais au centre du corridor. Ma peur m’avait peu a peu quittée, et au fur et a mesure que je m’éloignais de la tour Sud-Est du château, une confiance grandissante m’envahissait, renforcé par un sentiment de déjà-vu.

    Je regardai autour de moi. Les murs étaient peints en bleus. Une touche de blancheur avait été ajouté ici et la. Au plafond, on pouvait apercevoir des fils au bout desquels pendouillaient des petites boules remplis d’un liquide transparent. Elles se balançaient doucement, au grès d’un vent imperceptible. Le bruit qu’elle provoquaient me faisaient penser à la pluie que j’attendais toujours avec impatiente, chez moi, pour sa fraîcheur qui me faisait oublier la chaleur de l’été.

    Je m'aperçus avec étonnement que le sol était recouvert d'une fine couche d'eau, alors que je ne l'avaispas remarqué en entrant. J'enlevai mes chaussures et retroussai mon jean afin de ne pas les mouiller. Sur le mur opposé, une lucarne était ouverte. Je m’approchai, espérant voir un vue quelconque sur le paysage extérieur. Je n’avais pas fait trois pas que je m’arrêtai.

    J’avais entendu un bruit. C’était comme un léger vombrissement, un son a la fois doux et sauvage, qui me projetai dans mon passé, accentué par une effluve lointaine , d’algues et de sel. Le bruit des vagues s’intensifia puis, soudainement, se tu. Le silence était de retour dans la petite pièce. Il se fit plus pesant.

    Je recommençai à marcher. Je me convinquis que ma conscience me jouait des tours, que ce n’était que mon imagination. Pourtant, j’aurai juré avoir ressentit toutes ses sensations. Qu’importe, me dis-je encore. Je tendis la main vers la lucarne, curieuse, mais mes doigts ne sentirent rien.
    Comme toujours quand je me trouvai devant des phénomènes plus ou moins étrange, je me sentai obliger d’y trouver une explication rationnelle. La tentation étant trop forte, je passai alors tout mon corps a travers la fenetre. La piece aux souvenirs disparue derrière moi

     

    HALL DU SILENCE

    Mes pas résonnent dans le silence inquiétant du hall. Je suis seule, et poutant je sens une présence, tout près. Je marche droit devant, ne voulant pas me retourner ni montrer ma peur. J’avance de plus en plus vite, en accélérant le pas. Je cours. La porte me semble infiniment loin; je me rapproche et pourtant elle s’éloigne. Je m’arrête et je me rends compte que je suis essoufflée. Mon coeur bas à deux cent à l’heure. Du calme, me dis-je. Du calme. Je m’appuis sur mes genoux, j’essaye de ralentir ma respiration… Je me redresse. Un bruit, à ma gauche… Je tends mes oreilles, tentant sans y parvenir d’entendre le moindre son, le plus petit murmure… Mais la moquette du 1er étage étouffe tout.
    Et puis, soudain…

     

    LA PIÈCE OÙ IL FAISAIT NOIR

    Je suis tombée dans une trappe. Je chute. Je ne vois rien. J’entends le vent siffler à mes oreilles, je sens un air froid se coller à ma peau. Je n’ai pas besoin de prendre mon pouls pour savoir qu’il bat encore plus vite qu’il y a quelques secondes. Ma chute dure des heures, et pendant des heures, je meurs. J’ai soif, j’ai sommeil, je veux dormir. Mais mon cerveau me tiens éveillée. Il est intelligent, et lui aussi a peur. Car il sait que je pourais ne pas m’en remettre, si je m’endors. Mais les heures s’ajoutent. J’ai envie de fermer les yeux, mais je me retiens.
    Et puis j’atteris. Lourdement. Ouch ! Mon pied me fait mal. Je m’assied pour l’examiner. Rien d’insurmontable, loin de là. Il n’est pas cassé, c’est l’essentiel. Mais quand même… Ben, ça fait mal. Je regarde autour de moi. Je ne vois rien. Littéralement. Il fait noir, noir et noir. Ah si, il y a un petit point lumineux, là-bas. Je me relève. Enfin, j’essaye. Mon pied me lache et se dérobe. Je met ma main dans mon sac, et j’en sors une athèle que je fixe autour de ma cheville. Et pour la mille et unième fois, je me dis que c’est très pratique, les sacs sans fond ni poids. Maintenant je peux tenir debout. Je ne sais pas quelle est la taille exacte de cette pièce, mais elle est grande.
    Au bout de quelques pas, je me rends compte que l’unique source lumineuse de la pièce n’est pas aussi loin que je le pensait. Surtout quand je rentre dedans. Enfin, pas tout à fait. Je rentre dans la porte. La lumière est une poignée fluorescente. Je tate le mur et je trouve l’interrupteur. Deux lampes s’allument, et j’aperçois un grand lustre suspendu au plafond, ainsi qu’un canapé et une table basse contre le mur opposé. Mais je ne m’attarde pas sur les details. Je tourne la poignée, j’ouvre la porte. Et tandis que je la referme derrière moi, j’entends le bruit caractéristique d’une chute mal terminée et d’une cheville tordue.

     

    LA BIBLIOTHÈQUE DU FUTUR

    Mais les rangées de livres qui m’entourent m’empêchent d’y penser. Des dizaines de milliers de livres à perte de vue. Le bonheur total. J’oublie immédiatement ma cheville blessée, mon mal de tête et mon besoin de repos, pour me concentrer uniquement sur l’instant présent. Un rêve d’enfant qui se réalise… Une vague déferlante de joie. Des romans, de tout ages, de tous genres, classés par auteurs. Science-fiction, romantique, fantastique, historique… En français, anglais et espagnol… Des références oubliés, du Balzac, Les Misérables de Victor Hugo, Indiana Teller, CHERUB, Les Héritiers d’Enkidiev, le Pacte des MarchOmbres de Bottero…
    Je pris un bouquin, le lu, alla le reposer, en pris un autre… Je ne vis pas les heures passer. Je pris le deuxième tome des Ames croisée, m’assis par terre. Et mon cerveau se mit en marche. Mes yeux relirent le titre sur la 1ere de couverture. Mais c’était bien ce qui était écrit. Les Ames Croisées, Tome 2, de Pierre Bottero. Auteur qui est mort il y a bien 5 ans sans jamais avoir publié ce volume là. Mon sang ce figea dans mes veines, et la panique remplaça la surprise. Je voulais pas comprendre, pas savoir. Le Château est comme ça, me dis-je. Remplis de mistères que l’on ne veut pas entendre, parce qu’on a trop peur de la réalité qu’il peut nous offrir.
    Je chercha une porte, et prenant les jambes à mon cou, je m’enfuis, laissant la bibliothèque à demi explorée derrière moi.

     

    L’ASCENSEUR DE LA TOUR EST 

    Je me retrouva devant un panneau d’ascenseur. J’enfonçait un bouton au hasard, le premier qui me tomba sous la main étant la -1. Je me rendis compte de mon erreur quelques instants plus tard quand la porte s’ouvrit sur un lac enflammé. Et aussi illogique que cela puisse paraître, le château n’a aucune logique. Je ne fus donc pas très étonnée, mais je recula tout de même tout au fond de la petite cabine, peureuse que j’étais et appuya sur un second bouton, le 7, qui me mena à une pièce bien plus acceuillante et chaleureuse que celle du -1.

     

    LA 500E PIÈCE VUE PAR L’ENFANT DES MERS*

    Je refermai la porte derrière moi et remarqua qu’elle était cachée par un tableau de Picasso, le Guernica. Mais je me désintéressais  bien vite de l’œuvre, aussi célèbre soit-elle. La pièce était large, spacieuse, meublée d’une large table où reposais mille et une friandises et d’une petite dizaine de fauteuils et chaises diverses. J’en repérai une qui me parut assez confortables, mais je n’eus pas le temps de la tester car sept aventuriers se tenaient devant moi. Le seul mot qui me vint à l’esprit en les voyants fut « bizarre ». L’un était un nain barbu, mais il y avait également un garçon brun et deux jeunes filles, l’une très sale habillée de vêtements misérables et l’autre bien mieux vêtu. Une petite fille pas plus haute que trois pommes (à peine dix cm) se tenait côte à côte avec quelqu’un qui flottait à quelques centimètres au-dessus du sol et dont le corps était transparent.

    La fillette me demanda mon nom, d’une voix claire et forte, étonnante pour sa taille et son âge. Je lui répondis puis elle se présenta : « Je suis Poussière d’Étoile, mais tu peux m’appeler Poussière. Voici Esprit, ma meilleure amie, Gabi et Leila qui sont compagnons, comme Un gars et le Petit grand nain, là-bas. »

    Je pus deviner sans aucune difficulté que cela faisait quelques mois, si pas des années, qu’ils arpentaient le sol du Château, contrairement à moi qui ne mettait aventuré entre ses murs qu’il y a quelques semaines. Mon cœur se mit à battre très fort dans ma poitrine. Des aventuriers ! Des vrais, en chair et en os ! Je ne cachai pas mon excitation et bavardais avec entrain. Qu’aurais-je pu faire d’autre ? Je n’avais pas grand-chose à raconter, mais j’écoutais attentivement toutes les histoires de mes camarades qui, eux, en avait vu des vertes, des rouges et des pas mûres ! Cela me fit sourire. J’adorai cette expression ! Je me sentais un peu naïve face à eux, si expériencés. Mais je ne pus m’empêcher de commenter :

    « Tout de même, c’est bizarre que sept explorateurs se retrouvent au même endroit ! » Je regardais Esprit et Poussière se chercher du regard.

    Esprit prit la parole : « Et regardez, ces fauteuils ont l’air d’être faits sur mesure… Comme si on nous attendait ! » Je jetai un coup d’œil autour de moi. Elle avait raison.

    « C’est vrai ! » s’exclama Gabi.

    « Mais il y en a douze, et on n’est qu’en sept… On va avoir de la visite ! » fit remarquer Un gars. Au même moment, un grincement provenant d’une épaisse porte noire me fit sursauter. Instinctivement, nous nous rapprochâmes tous les uns des autres. Le Petit grand nain jura et attrapa sa hache. Enfin, une fille blonde entra dans la pièce.

    « Salut ! » lança-t-elle. « Ben dites donc, vous en faites une tête ! Au fait, vous faites quoi ici ? Waouh, quel buffet ! » Aussitôt, Esprit et Poussière se relaxèrent et nous présentèrent Miss Juliette. Elle avait l’air encore plus insouciante que moi ; elle ne réagit pas du tout quand les filles lui expliquèrent notre inquiétude. Et étonnement, tout le monde commença à se détendre et comme si de rien n’était, on se remit à papoter. Aucune gêne dans la conversation et personne ne reparla du mystère. Tant mieux ! Je parlai un peu avec tout le monde, de tout et de rien, faisant plus ample connaissance. J’admirai Poussière d’’Etoile, m’amusai avec Miss Juliette et apprit qu’elle pouvait se transformer en chat, mangeai quelques pâtisseries (il y avait de tout : des tartelettes, des gâteaux, des biscuits, des petits pains) et pris un verre d’eau.

    Peu après, une femme d’une trentaine d’années et une jeune fille brune arrivèrent. Leurs noms étaient ArtistElsa et Violette. Poussière parla pour nous tous, expliquant dans les moindres détails ce qu’on savait de notre petite réunion. Elle avait à peine fermé la bouche qu’une onzième fille arriva. Leeko s’intégra au groupe après que Poussière eut répété son petit discours et nous invita dans les fauteuils. Je m’assis dans celui que j’avais repéré en entrant et qui s’avéra en effet très confortable. Les fauteuils étaient disposés en un cercle, de sorte que nous puissions tous nous voir sans avoir à se tourner dans tous les sens. 

    Un seul siège était vide et j’étais assez curieuse de savoir à qui il appartenait. On fut tous assez surpris quand on découvrit que la dernière aventurière, habillé en tenue de combat (T-shirt de camouflage, pantalon brun, bottes en cuivre…) nous sauta dessus tel un bolide affamé… et qu’une louve nous égorgea à moit1ié. Heureusement, ArtistElsa, pleine de compréhension, cria : « Stop ! Nous ne sommes pas tes ennemis ! Nous sommes des aventuriers, comme toi ! »  ce qui eut pour effet de ralentir un peu l’animal, sans pour autant qu’il enlève ses griffes de Miss Juliette. Elle nous regarda tour à tour, droit dans les yeux. Je n’ai jamais réussi à supporter ça, mais quand son regard se fixa dans le mien, je tiens bon. J’espérai qu’elle comprenait que l’on ne lui voulait aucun mal. Apparemment oui, car après quelques secondes, elle nous dit qu’elle s’appelait Louvelo. Elle se retransforma en une fille d’apparence normale, mais chacun de nous savait qu’il ne fallait pas se fier aux apparences et que derrière cette fille se cachait un être redoutable.

    On s’était tous levés et s’est avec soulagement que l’on se rassit. Cependant, je pouvais voir Gabi qui se tortillait sur son siège, le Petit grand nain jouant avec sa hache, même Miss Juliette semblait anxieuse. Seule ArtistElsa était sereine. Et moi, une seule chose occupait mon esprit : pourquoi nous étions nous tous retrouvé ici, dans cette même pièce ? Je voulais croire que c’était juste le hasard qui nous avait tous emmenés ici, mais plus j’y pensais et plus il m’était difficile d’y croire.

     

    Soudainement, je sentis mon siège bouger sous moi. Je reteins une exclamation, mais pas Poussière. C’était comme s’il y avait un mini tremblement de terre à l’intérieur du château. J’étais effrayée. Je n’étais pas du genre courageuse et brave, qui n’a peur de rien. Mes yeux s’agrandirent de frayeur quand les murs commencèrent à se fissurer et qu’une poudre blanche nous entoura. Je me levai. Ou plutôt, j’essayai. J’étais incapable de bouger. Mes pieds étaient collés au sol par une glue ultra-forte.  Poussière, un Gars, Leïla... Tous mes compagnons étaient dans la même situation que moi. La poudre blanche me piquait les yeux et la poussière m’aveuglait. Je clignai les yeux  pour tenter de faire disparaître la douleur, mais quand je les rouvris, un homme, très grand, se tenait devant nous. Nous ne savions  pas qui il était mais il était si… Il n’y avait pas de mot pour le décrire. Il se répandait une sorte de méchanceté de tout son être, s’était étouffant.

    « Les décennies passent, et pourtant il se trouve toujours des explorateurs pour s’aventurer entre mes murs. Toujours les mêmes imbéciles arrogants qui sont convaincus qu’ils parviendront à s’en tirer. Pitoyables. Qu’ils explorent une, dix ou vingt pièces n’a pas d’importance. Tous finissent par mourir ou par perdre la raison. Aucun aventurier ne m’avait jamais échappé. »

    Ses mots s’enroulaient autour de nous tel un serpent, il parlait avec tellement d’arrogance que s’en était insupportable.  « Jusqu’à aujourd’hui. Douze d’entre vous m’ont posé plus de problèmes en quelques mois que tous les autres aventuriers en cent ans. Il fallait que cela cesse. Mais apparemment, je me fais du souci pour rien. Vous avez sauté à pieds joints dans le piège. » Dans n’importe quelle autre situation, j’aurai répliqué que je ne pouvais pas lui avoir posé de problèmes, j’avais à peine visité cinq pièces, mais face au Château, car c’était bien lui, mes lèvres restaient immobiles.

    Et puis il rit. Ce n’était pas un rire joyeux, ni un rire comme les vilains dans les films. C’était bien pire. Le son était amplifié à travers la pièce, répugnant, et toutes les fibres de mon corps tremblaient à l’unisson. Mais ce n’était pas de peur. Enfin, si un peu, mais c’était surtout par dégout. Pourquoi ? Je ne sais pas.

     « Enfin, le principal c’est que je puisse vous détruire une fois pour toutes. Si vous voulez implorer ma pitié, je crains qu’il ne soit trop tard. » Et puis il se tut. Et d’un pas rapide, il se retrouva devant Poussière.

     « Tss tss. Pas même haute dix centimètres et elle pense pouvoir me défier! » Le poison dans sa voix ne présageait rien de bon. Mais pourtant, Poussière réussi à réunir assez de courage pour tirer un poignard et le lui lancer au visage. Mais c’est à peine si elle lui fit une éraflure.

    « Si c’est ainsi, meurs donc la première!  » Je vis le visage de Poussière rougir, des larmes lui couler sur les joues. Elle avait mal. Le Château était en train de l’étrangler ! Louvelo réagit au quart de tour. Elle prit sa forme de Louve et bondit sur le monstre. Elle fut l’élément déclencheur. Tous, comme s’ils n’avaient attendus que son signal pour attaquer se jetèrent dans l’action. Je me joignais à eux. Je plongeai la main dans mon sac-banane, et sourit lorsque j’en tirais un arc et un carquois. Je bandais mon arc et tirais une flèche. Elle alla se planter dans l’oreille du Château.  Mais il l’arracha essaiment comme il repoussa toutes les autres attaques.

    Je ne faisais pas attention aux autres jusqu’au moment où la taille de notre ennemi augmenta jusqu’à atteindre plus de cinq mètres de haut. Il était colossal. Il brisa le mur et ramassa des briques pour les lancer sur nous. Aussitôt, Un gars prit la table et la retourna de telle sorte qu’elle nous servait de bouclier. Je tirais une flèche et me reçus un bloc de pierre à la tête.

    Là, je me dis que l’on ne travaillait pas avec la bonne technique. J’essayai d’appeler Gabi (c’était la plus proche de moi), mais c’est Violette, ArtistElsa et Leila qui me hélèrent. Je me faufilais vers elles. Elles m’expliquèrent leur plan. Ni une, ni deux, je leur passais un gros élastique de mon sac et courus chercher ce qu’elles avaient besoin. Et pendant que les garçons et Esprit faisaient diversion, ArtistElsa alla trouver Poussière. Je leur donnai le saladier et elles assemblèrent le tout. Poussière et ArtistElsa nous rejoignirent. J’étais surexcité. C’est à peine si on demanda à Poussière son avis avant de la mettre dans le bol. Gabi coupa l’élastique et Poussière s’envola dans un bel arc de cercle. Elle atterrit exactement là où nous le voulions. Elle s’agrippa aux narines (berk !) du géant, grimpa le long de ses joues et lui enfonça son poignard dans la pupille. J’avais envie de lui hurler « Bravo ! » mais me retient. On l’attaqua tous ensemble, moi avec mes flèches, Louvelo et Miss Juliette avec leurs griffes… Chacun avec notre arme mais tous dans le même but. Le Petit grand nain se servit d’une corde pour attacher les pieds du géant. Il trébucha, tomba. Poussière et Miss Juliette sautèrent par terre. Je devais avoir l’air d’une idiote, mais ce n’est pas grave.

    Le Château reprit une forme normale et dit : « Pas mal. Je n’en attendais pas moins de vous. A présent qu’on s’est amusés, on peut passer aux choses sérieuses. » Hein ?

     

    Des harpies nous entourèrent. Je n’eus pas le temps de bander mon arc qu’elles disparurent et qu’un liquide noir et nauséabond le remplaça, bientôt suivit par une tempête de vent énorme. Le plumage d’un rapace succédait aux sables mouvants tout droits sortis du Mont St Michel. Et ainsi de suite. Les apparitions ne restaient pas visibles plus de cinq secondes. Je n’avais aucune stratégie d’action, je ne pouvais viser aucune cible. À nouveau, une harpie me blessa, je fus trempée et recouverte du liquide, le tonnerre retentit au-dessus de moi, si près de mes oreilles que je faillis devenir sourde. Un aigle me mordit. J’étais incapable de me défendre et ça me tuait. Mais je remarquai très vite que l’ordre des transformations était fixe, toujours harpies-liquide noir-tempête- sables -etc.

    Je m’éloignai inconsciemment de Gabi et Leila, me retrouvant coincée contre un mur. Je m’aperçus de mon erreur quand une horde de harpies s’acharna sur moi, seule dans mon coin. Cependant, j’avais compris le mode de fonctionnement du Château, alors je pus me défendre. Je m’en sortais à peu près contre les harpies, les aigles (des flèches faisaient l’affaire) et le sable mouvant (je m’accrochais au mur) en revanche je ne savais pas quoi faire contre l’eau noir et la tornade. Les éclairs étaient attirés par des lances plantés au sol par mes compagnons. Ils avaient eux aussi remarqués la répétition et ils s’organisaient. Je me rapprochai d’eux. Je comptais le temps entre chaque piège. Sables. 1. 2. 3. 4. Aigles. 1. 2. 3. 4. Gobelins. 1. 2. 3. 4. Harpies. 1. 2. 3. 4. 5. 6. Eau. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 6 et demi. Le rythme ralentissait : le château faiblissait et on le voyait fréquemment apparaitre sous sa forme humaine. Sable. 8 secondes. Je ramenais la corde de mon arc contre ma joue, tirai. La flèche se ficha dans le cœur d’un aigle. J’eus le temps de tirer trois autres flèches. J’atteignis Leeko. J’entendis quelqu’un crier : « Eau ! ». 12 secondes. « Harpies ! » puis « Sable ! ». Tous ensembles, nous sautèrent au mur. Les changements de forme se faisaient lents, plus d’une minute chacune. « Gobelins ! » Je me mis en position de combat. Nous étions les attaquants et plus les attaqués.

    Et puis, plus rien. Le château repris sa forme humaine. Il haletait, des gouttes de sueurs un peu partout sur son corps. D’un accord commun, nous l’attaquèrent mais il disparut. Ceux qui avaient bondi tombèrent et perdirent l’équilibre. Le petit séisme qui suivit n’arrangea rien.

     

    J’accrochais mon arc et mon carquois dans mon dos. Nous formâmes un petit cercle par terre. Je sortis quelques cannettes d’Orangina de mon sac-sans-fond-très-utile et des pommes. Je restais un peu sans rien dire, tout au plaisir de partager un moment de bonheur avec eux. Je souriais au blagues d’un Gars, mais me joignit peu à la conversation. Je ne voulais pas gâcher mon bonheur en pensant à la séparation qui, j’en suis sure allait suivre. Je fouillai un peu dans mon sac puis me levai. « Qui veut faire du roller ? » lançais-je. Je brandis deux paires de patins et en sortis dix autres de tailles diverses. Je me chaussais.

    Quelques heures plus tard, nous nous quittâmes. « Mais on se reverra! » nous dit Poussière. Je partie par une porte opposé au tableau de Picasso. J’avais beaucoup appris auprès de ces aventuriers hors-pairs, et je m’étais fait de nouveaux amis. J’espérai que l’on se retrouverait un jour comme l’avait prédit Poussière, mais rien n’était plus sûr.

     

    LA PIECE OU JE RENCONTRAIS MERLIN (UN MILAN), SIXTYNE (UNE MAGE NOIRE) ET ERZA (UNE FILLE A PEU PRES NORMALE AVEC DES CHEVEUX ROUGES)

    Je me retrouvais dans un long couloir. Des dizaines de portes s’alignaient sur les murs. Quelques une étaient en ébène noire, d’autres des portes métalliques en fer, grises, il y avait des portes en chêne, en plastique… L’éclairage était rudimentaire, mais les fenêtres laissaient passer la lumière du jour. J’entendais les voix lointaines de quelques personnes, et le pépiement joyeux des oiseaux. Je me penchais à une des fenêtres et l’ouvris. Il faisait beau. Qu’est-ce que j’aurais donné pour pouvoir courir à nouveau, pieds nus, dans une herbe fraîchement tondu, sentir le parfum des fleurs, les rayons du Soleil sur ma peau… Au lieu de ça, les salles sentaient pour la plupart du renfermé, les sols étaient à moitié recouverts de poussière, les allées regorgeaient de restes de cadavres, de cris et de sang séché.

    Je soupirais. J’allais refermer la fenêtre lorsque j’entendis le cri si caractéristique du milan, oiseau o combien magnifique. Depuis ma plus tendre enfance, j’adorais les rapaces, mais le milan avait toujours été mon favori. Je tendis la main. J’avais mon gantelet pour mon arc, de toute façon. Il vint se poser docilement sur mon avant-bras. J’approchai doucement mon autre main de sa tête. Habituellement, les oiseaux de proie non-éduqué avait toujours peur, mais celui-ci ne semblait pas effrayé, bien au contraire. Il me laissa le caresser sans bouger. Un vrai amour… Autrefois, avant le Château, j’avais un milan un peu comme lui, même couleur de plumes, brunes un peu foncé, et le bec légèrement incurvé. Et si… Je le retournai sur le dos. Il avait une petite cicatrice, sur le bas du ventre.

    - Merlin. Brave petit.

    L’oiseau releva la tête, prouvant si besoin était que c’était bien lui.

    -Allez, viens, dis-je. Il voleta jusqu’à mon épaule. J’allais avoir les traces de ses griffes pendant au moins dix jours, mais tant pis. Je laissai la fenêtre ouverte derrière moi.

    Je marchai le long du corridor, sans vraiment faire attention où je mettais les pieds, tout à mes pensées, lorsque je rentrais dans une femme, habillé simplement de pantalon en toile.

    -Hé ! Fais un peu attention ! dit-elle

    -Je…  Mais…

    -T’es mou du cerveau ou quoi ? Dégage du passage !

    Mais pour qui se prenait-elle, cette fille ? Elle se croit tout permis ou quoi ?

    -Et, ce n’est pas de ma faute si tu as un derrière qui fait trois fois le couloir !

    -Hein ? Non mais tu…

    Un grand tremblement l’interrompit, je dus me tenir au mur pour ne pas tomber. Je bandai mon arc, aux aguets. La jeune femme plissa des yeux. Le sol se craquela par endroit, et les parois s’effritèrent. Et soudain…

    Un géant apparut devant nous, poursuivi par des insectes. Il criait, hurlait. « Au secours ! Au secours ! Des araignées ! » Ah, non, en fait ce n’était pas des insectes mais des araignées.

    -Un géant qui a peur des araignées ! Eh bien ! On aura tout vu, dans ce fichu Château, marmonna la jeune femme. Je relevai la tête.

    -Comment t-appelles-tu ? Moi, c’est Sara.

    -Mmm ? Oh, Sixtyne. Mage noire, à ton service.

    -Mage noire ? Mais tu… enfin non, je préfère ne pas savoir.

    -Tant mieux. Je n’aime pas expliquer. C’est quoi ce piaf ?

    - Ce n’est pas un piaf, c’est un milan. Il s’appelle Merlin. Tu veux venir avec moi ? Je veux dire, tu es une aventurière, peut-être qu’on pourrait…

    -Oui, oui, bien sûr. Aucun problème.

    -Euh… Tu sais par où tu veux aller ?

    -Dernière porte à droite. Par ici, dit-elle en prenant le devant.

    -Hé, attendez-moi ! cria quelqu’un. Je m’arrêtai. Une jeune fille d’à peu près mon âge, avec des cheveux d’un rouge éclatant courait vers nous. Elle s’arrêta, essoufflée.

    -Je suis Erza.

    -Moi, c’est Sara et elle s’est Sixtyne, dis-je. Tu as vu le géant?

    -C’était un géant? J’appelle ça un ogre moi, dit Erza. 

    -Oui, possible. Mais c’est la même chose, non ? Une personne très grande qui essaye de nous manger.

    - Pas faux. Je vous accompagne. Enfin, si vous voulez bien.

    -Vous avez fini, là ? J’aimerai bien y aller.

    Je souris. Je ne sais pas pourquoi, je connaissais Sixtyne depuis à peine quelques minutes et je l’aimais déjà. Et Erza avait l’air assez sympathique.

     

    LA PIÈCE AUX DRAPS COLORÉS

    Je poussais la porte et entrais, suivis de Sixtyne et Erza. La pièce était,immense. Des draps colorés étaient accrochés au plafond et pendaient jusqu’au sol, ondulant au grès d’une légère brise. Des dizaines et des dizaines de draps flottaient dans la pièce. Des rideaux aux motifs bizzaroïdes laissaient passer quelques rayons de soleil, enveloppant la pièce d’une douce lumière dorée. Les murs avaient une teinte argentée et le sol était tapissé d’une moquette épaisse. Le tout était d’une beauté époustoufflante. Je laissais trainer mes mains sur les tissus de soie. J’essayer de toucher avec les yeux, je voulais me rappeller des moindres détails, de toutes les textures, des arrangements de la pièce, mes yeux se ramplissaient de merveilles.

    Merlin évitait habilement les draps suspendues au plafond tel un gigantesque Labyrinthe quand soudain il poussa un cris aigu et batta frénétiquement des ailes pour échapper à… quelques chose que je ne pouvais pas voir car il était caché derrière un rideau, mais qui quelques secondes plus tard s’avéra être Louve. Merlin se cacha derrière moi tandis que Sixtyne et Erza se mettaient en position de combat, jambes fléchis et genoux pliés, et je ne pus m’empécher de rire intérieurement.
    -Louvelo ! C’est Sara. Tu peux te transformer, s’te plait ?
    Louvelo me jetta un coup d’oeil, me reconnu et quelque secondes plus tard une jeune fille se tenait à la place de la louve. Elle me lanca un regard interrogateur, et je fis les présentations :
    -Erza, Sixtyne, voici Louvelo. Elle peut se transformer en Louve. Louvelo, Sixtyne est une mage noire. Je les ai rencontré il y a quelques minutes.
    -Et l’oiseau ? C’est un explorateur ou je peux le manger ?
    - Son nom est Merlin,dis-je fermement. C’est un milan 1ue j’ai dressé et il n’est pas question que tu le manger.
    - Et c’est normal qu’il y a une sorte de fantôme qui plane au dessus de vous?
    -Un fantôme ? Je me retournais et faillit me mordre la langue quand je me vis face à face avec un gros plan du visage d’un esprit… qui me semblait assez familier.
    -Leeko ? C’est toi ? Que t-es-t-il arrivé ? Le fantôme me regarda et secoua la tête, le visage vide de toute émotion.
    -Leeko? Mais le fantôme resta muet. Je me mis a paniquer et je partis en courant vers une porte, suivis de près par mes compagnons.

     

    LA PIÈCE DU PETIT GARÇON

    La porte était, heureusement, ouverte. Nous la refermèrent avec soulagement. Sauf que… La pièce dans laquelle j’étais était tout SAUF accueillante. Premièrement, nous firent un pas et Paf ! Tous mes compagnons tombèrent dans un ravin (j’entendis pas mal de piaillements et de hurlements mais à part ça ça avait l’air d’aller. Et ils durent décider de se séparer parce que je n’entendis pas de cris « À l’aide ! Viens nous aidez !» mais plutôt « Ok, a + ! On se rejoint plus tard »). Deuxièmement, les murs étaient rouge de sang, et des cranes pendaient au plafond. Un tas d’os avait été jeté au centre de la pièce, sur un parquet vieux et usé, et l’on devinait sans peine qu’ils étaient humains. Une odeur nauséabonde m’assaillit, et je fronçais le nez. C’était dégoutant. Mais jusque-là, ça allait encore. Ce fut quand mes yeux se posèrent sur une petite forme recroquevillée dans un coin que tout vira à l’inconcevable. Je m’approchais, et je vis avec étonnement qu’elle respirait. Il me tournait le dos, et je pouvais voir ses omoplates tellement il était maigre. Ses bras étaient recouverts de longues griffures entourées de sang séché qui avaient à peine finis de cicatriser. Aussitôt, la compassion m’envahit, suivit de près par une fureur incontrôlable. Je voulais dégommer celui qui était responsable de ses cicatrices, celui qui avait pût faire souffrir un gamin, surtout aussi mal nourri. Je voulu le prendre dans mes bras, par pur instinct maternel (va savoir) mais dès que je toucha sa peau, une onde de choc se propagea dans tout mon corps. Je fis un bond en arrière, surprise. Le petit être était entouré d’une aura grise parcourue de fins filament jaunâtres, un peu comme si elle était électrifiée. Ses épaules furent traversées d’un tremblement léger. Il se retourna, et ses yeux pales me remplirent de chagrin. C’était des yeux trop vieux pour son âge, les yeux d’un enfant qui avait survécut là où tant d’autres était mort, mais en perdant une part de lui, les yeux d’un enfant qui avait abandonné toute gaité, qui avait perdu son insouciance d’antan. Les yeux d’un gamin innocent qui s’était retrouvé dans un monde trop grand pour lui.

    – Qui a pu te faire ça ? Qui ?

    Un sourire triste et fatigué se dessina sur ses lèvres. Quand il parla, sa voix était saccadée ; il avait du mal à prononcer les mots. Il avait dû rester muet pendant très longtemps.

    –Tu ne veux pas savoir, crois-moi. Je sais ce que tu veux faire, mais ça ne servirait à rien. Personne ne peut rien contre lui.

    –Mais… Pourquoi ?

    –Je le connais sous un autre nom que le Château, mais c’est lui. Pour moi, il est tout autre chose, il… Il est…

    Le gamin fit une pause. Il cherchait ses mots, et je me mis à redouter ce qui allait suivre. Qu’est-ce que le Château avait à voir là-dedans ?

    –Il est mon père.

    –…

    Mon cerveau fut réduit au silence pendant une bonne minute. Ok. Problème. Le Château a… un fils ? J’ai du mal à y croire. Et son fils est ce petit garçon ? Un garçon d’à peine huit ans, maltraité et mal nourri ? Je le savais cruel, mais pas au point de torturer son propre enfant.

    –C’est un monstre. Aucun être vivant ne pourrait faire cela.

    –Il n’est pas vivant. Ni mort.

    – Tu veux dire que c’est un mort-vivant ?

    –Non, pas vraiment. Je ne sais pas trop ce qu’il est. Il est immortel, en quelque sorte.

    –Immortel ? Mais…

    –Oui, oui, je sais, vous aurez du mal à le tuer. Mais il s’est fait tellement d’ennemis qu’un beau jour, l’un d’entre sera peut-être assez intelligent pour trouver son talon d’Achilles. Mais… Le jour où vous le trouverez… (il planta ses yeux dans les miens) Faîtes-le vite, d’accord ? Il me fait mal, mais c’est quand même mon père. Et puis, je le prends du côté positif : à la fin, grâce à lui, je serais comme le héros de Vipère au poing, plus rien ne pourra me faire mal.

    –Tu l’aimes ?

    –L’aimer ? Je ne pense pas, non. Mais je ne veux pas voir quelqu’un souffrir comme il m’a fait souffrir, même lui.

    Mon regard se reporta sur ses plaies, et je culpabilisai. J’avais complètement oublié ! J’étais tellement concentré sur ce qu’il me racontait que j’en avais oublié la première raison que j’étais là. Je fouillai dans mon sac pour des pansements et de l’eau, mais il m’arrêta :

    –Non ! L’enveloppe qui m’entoure envoie un choc électrique à quiconque essaye de me toucher, sauf pour lui.

    –Je peux endurer un électrochoc, tu sais. J’ai vu pire.

    –Je sais. Mais je ne veux pas que quelqu’un souffre par ma faute. Et… Aïe !

    Sous mes yeux paralysés, il se tordit de douleur, hurlant comme un possédé, les larmes roulant sur ses joues. Cela dura à peine quelques secondes, et je ne pus m’empêcher de le prendre dans mes bras, faisant fi des électrochocs. Je le serrais contre moi, son petit cœur battant à tout rompre contre ma poitrine. Il se débattit, criant, donnant des coups. Alors je le serrais encore plus fort. Et peu à peu, il sa calma. Il se laissa aller et posa sa tête sur mon épaule. Les larmes coulèrent à flot pendant si longtemps que je ne sais pas si je restai là des heures ou bien des jours.

    –Ça va mieux ?

    Il souleva sa tête de mon épaule et me regarda. Il me répondit par un sourire tremblotant. Et il reposa sa tête contre mon cou. Je passais ma main dans ses cheveux et il resta là, sans bouger.

    Plus tard, bien plus tard, je me rendis compte que je m’étais endormie, et que quelque part pendant mon sommeil, il était parti, emportant avec lui bandages et désinfectants. Tant mieux, il en aura sûrement besoin. Mais j’aurais tant voulu pouvoir l’aider que j’étais un peu déçue qu’il soit parti sans rien dire.
    Et j’aurais bien aimé savoir son prénom, aussi.

    Je cherchai une porte du regard et en trouvai une en face de moi. Bizarre… Je ne me rappelle pas l’avoir vu. Je jetais un dernier coup d’œil à cette pièce macabre et m’en allai.

     

    LA PIÈCE OÙ JE ME REPOSAI.

    Je sortais de la salle bouleversé ; j’étais encore sous le choc. Je n’arrivais tout simplement pas à imaginer que le Château avait un fils, c’était juste… Incroyable ! Et les paroles du petit trottèrent dans ma tête pendant un bon bout de temps. Et ses pleurs qui m’avaient brisés le cœur. Il semblait si fragile, et pourtant il était courageux, ça se voyait.

    Je regardai autour de moi. Des magazines étaient éparpillés sur le sol, recouvraient le plafond et décoraient les murs. Un vieux pull usé était posé sur une chaise et un grand fauteuil trônait au centre de la pièce. Un bureau avait été poussé contre le mur, à côté d’une grande étagère remplis de livres de toutes sortes. Un panier en osier était caché derrière des rideaux aux motifs « vintage » ; quelques poils en tapissait la couverture.
    Je fis un tour sur moi-même, étonnée. Rien ? Pas même un seul truc qui fait peur ? Pas une trace de sang ? Et bien. Ça faisait longtemps que je n’étais pas atterrie dans une pièce aussi calme !

    J’en profitais pour m’assoir un peu. Je posai mon arc et mon carquois à côté de moi, de façon à ce qu’ils ne me gênent pas. Je pris ma gourde et bus quelques gorgées d’eau, ainsi qu’un sandwich au jambon –un rare privilège de nos jours–.

    Merlin (mon milan) vint se percher sur mon épaule, et je sentis une douleur se propager tout le long de mon bras : j’avais oubliée de remettre une protection. Je lui fis signe de venir sur mon poing, plutôt que mon épaule, parce que les griffes d’un rapaces font vraiment, vraiment très mal. Je cherchai des yeux un perchoir, et me dis que l’accoudoir du fauteuil lui irait parfaitement, et dès que la pensée m’effleura, il prit son envol. Je souris. Mes liens avec mes rapaces sont parfois très difficiles à comprendre, mais de toute façon, qui veut essayer de comprendre ? Pas moi en tout cas.

    Je pris mon temps. Je refis ma natte, qui s’était défaite lors de mes différentes visites de pièces. Je traînai un peu. Mes doigts tracèrent des dessins invisibles dans l’air. Je fredonnai une mélodie de mon passé. Je me coupai les ongles. Ces gestes pourtant si simple, qui autrefois faisait partis de mon quotidien, me manquaient. Bizarre, non ? C’était un peu comme tout, j’imagine : je rêvai de pouvoir sentir le souffle du vent, de voir les courants d’airs, de me laisser porter par les blizzards déchaînés de mes montagnes. Je voulais goûter au sel de la mer encore une fois. Je voulais entendre les nuages glisser dans le ciel azuré, revoir l’aurore boréale de la banquise.

    Mouais. La nostalgie, c’est jamais très bon pour la santé.

    Je partis de la salle. 

     

    LA PIÈCE OÙ DÉCIDÉMENT RIEN NE SE PASSAIT (mais qui ne fait pas bon vivre non plus) :

    La chaleur fut remplacée par une pièce sombre et froide qui dégageait une atmosphère macabre. L’odeur, la puanteur m’étourdissait Je regardai autour de moi. Rien. La pièce était vide. Aucun meuble, aucun corps. Les murs étaient noirs, recouverts par endroits de poussière grise. J’aperçu un mouvement dans le coin de ma vision. Je me retournai vivement, et… rien. Pourtant, j’aurais juré… Ça devait être un jeu de lumières. Je laissai mes doigts trainer le long des murs. La pièce précédente avait été un arc-en-ciel aveuglant, un rayon de soleil dans l’obscurité. Un sourire bienveillant. L’espoir. Tout ce que j’avais besoin. Je n’avais pas erré entre les murs du château aussi longtemps que le PGN, un gars ou Louvelo, pourtant je me sentais déjà oppressée par le Maître du Château. Pour moi, la bataille était passée en un éclair, et les quelques pièces que j’avais traversé avaient été un havre de paix. Mais cette pièce, elle… Je ne sais pas. C’est comme si la pièce précédente avait été, contrairement à la croyance, le beau temps avant la pluie. Je ne voulais pas trop m’attarder dans cette pièce, alors je parti. J’avais de la chance. Il ne se passait jamais rien là où j’allais.
    Je franchis la porte.

     

    LA CAFÉTÉRIA OÙ JE RENCONTRAI UNE VIEILLE AMIE ET OÙ JE REÇUS LE MESSAGE DE EMERENCE/LA NÉBULEUSE

    Il y eu un immense tremblement. Puis un coup de tonnerre résonna dans la nuit. Je levai les yeux au plafond, et remarquai les lueurs bleues-grises répandus tout le long du toit. J’observai la pièce. Elle était immense. Presque 10 mètres de hauteur et le double en largeur, avec des murs beige et le sol pavé de pierres grises. La salle était composée de deux étages : le premier, où je me tenais, étais rond, avec des colonnes circulaires qui soutenaient un balcon intérieur comme on voit dans les salles de théâtre seulement sans les sièges et en deux fois plus grand ; des statues rondes et grosses, imposantes dans leur laideur ; quelques étagères où reposai des plats à l’odeur alléchante organisées en arc de cercle à l’intérieur de la pièce, des centaines de tabourets et de chaises rondes positionnés autour de tables rondes ; des plateaux ovales ainsi que leurs assiettes assorties, les pichets et les verres un cylindre arrondi parfait… Le tout ressemblait à une immense cafétéria.
    Un deuxième tremblement suivi d’un autre coup de tonnerre retentit dans la salle et j’eu à peine le temps de me décaler avant que des dizaines de jeunes gens arrivent en courant et se jettent sur le self –car s’en était bien un. Je fus à moitié écrasée par les dizaines d’elfes aux oreilles pointues et aux longs cheveux pour la plupart attachés en une tresse qui leur tombait à la taille, de fées miniatures (ou de taille humaine) aux ailes transparentes, colorés ou grises, de nains –sûrement des cousins éloignés du PGN–, de fantômes et d’Esprits, de lilliputiens, de garous (chats, loup, chiens, oiseaux, etc.), de gnomes… Tous se dirigeaient vers le self, se bousculant les uns les autres dans leur hâte. Je les voyais se saisir d’un plateau, prendre un plat chaud (voir deux), une entrée, du pain, un dessert et quelques fruits puis courir s’assoir à une des centaines de tables. Ils étaient assez rares à se regrouper par race : je pus observer un nain discuter passionnément des vertus des saucisses marseillaises contre les andouilles de Guémené avec une jolie fée (l’andouille gagnera à tous les coups, elles sont bien meilleures), un elfe et un loup-garou se chamailler gentiment, se traitant de chiens et de fillettes (ah! l’amour…) tandis que plus loin quelques gnomes bleus et deux jeunes sorcières, reconnaissables à leur chapeau pointu, se frayaient un passage entre d’innombrables personnages. J’entendais des magiciens se jeter des sorts d’un bout à l’autre de la salle, les nains qui s’interpellaient, le doux bourdonnement d’ailes, le ricanement incessant de Grincheux, le chant mélodieux des sirènes dans leurs bulles d’eau, le souffle d’un dragon contre ma nuque et le… Hein ? Je me retournais vivement. Un dragon, haut de plus de deux mètre, se tenait derrière moi, dressé sur ses pattes arrière. Ses narines laissaient échapper des filaments de fumée. Son corps reptilien était recouvert d’écailles dont le couleur me rappelait l’eau turquoise des mers de mon enfance, celles que je survolais avec mes parents et ma famille étant petite. Il avait replié ses deux immenses ailes, qui partaient de ses épaules, là où les deux os forment un creux dans le dos. Elles l’entouraient tel le cocon entourent la chrysalide avant sa naissance sous forme de papillon. Mais, plus que sa taille et sa beauté, se fût la puissance de son aura qui m’attira. Je m’inclinai pour manifester mon respect envers les créatures de l’Ancien Monde, comme m’avais appris mes aînés, car je le connaissais : c’était Kilgara, une vieille ami à mon père.

    –Bienvenu à tous, nobles aventuriers, explorateurs, étudiants et résidents du château. J’espère que vous êtes tous bien installé. Dans quelques instants, vous pourrez aller consulter le tableau et les résultats, mais avant cela, je souhaiterai vous rappeler quelques règles : premièrement, le SILENCE est demandé partout dans l’établissement, et je vous serai gré de le respecter en ma présence ! Deuxièmement, merci de bien nettoyer vos tables après avoir mangé ! Les aides de ménages ont encore retrouvés des papiers qui trainaient au sol hier : on se croirait dans une porcherie ! Et troisièmement, la règle la plus élémentaire de toutes, SOYEZ POLIS LES UNS ENVERS LES AUTRES !!! Cette institution existe depuis plus de deux mille cinquante-sept ans grâce à la collaboration et à l’entente des différents représentants de toutes les races ici présentes, alors je vous prierai de vous montrer digne de vos ancêtres et de ne pas avoir à les humilier en vous faisant renvoyer ! Tout le monde a compris ? Alors merci et bon appétit à tous !
    – Bon appétit, Dragonne !

    –Urmm. Voilà qui est mieux. (Se tournant vers moi.) Ton nom, je te pris ?
    –Enfant des mers, Dragonne.
    –Enfant des mers ? La fille de Dana ? Comment va le fils de Borvo ?
    Et me*de. Elle m’a reconnu. Espérons qu’elle n’en dise pas trop, bavarde comme elle est.
    –Il est mort à cinquante ans.
    –Oh. Mes condoléances, je ne savais pas. Je vis dans ce château depuis si longtemps, tu sais, que je ne sais plus ce qui se passe en dehors.
    –J’imagine bien. Cela fait à peine quelques jours que j’arpente les murs de ce Château mais je n’ai plus aucune nouvelle de dehors.
    –Est-ce que César a gagné contre Vercingétorix ?
    Je ris. J’avais oublié que Kilgara était si âgée.
    –Oui, et il s’est passé bien des choses depuis. Le petit peuple a été oublié : toutes les traces de notre existence ont été effacées de la mémoire des Hommes. Nous ne sommes présents que dans leurs vielles légendes, maintenant, informais-je avec tristesse, et ceux qui ont réussi à survivre sont très peu nombreux. Notre héritage survit tant bien que mal dans le folklore de certaines régions, mais nous disparaissons peu à peu de la Vielle Europe. Nous ne sommes même plus dignes de faire peur aux jeunes humains !
    –QUOI ? tonna la Dragonne. Ils n’ont plus peur de nous ? Mais qu’est-ce que vous avez fait pendent mon absence ?
    Rien. Ou plutôt tout ce qui était en notre pouvoir, mais ça n’a pas suffi.
    –Je vais leur apprendre, moi ! Dès que je sortirai de ce château, je vais leur montrer ce que c’est d’avoir peur !
    Ah oui ? Et comment ? Tu es enfermée dans ce château pendant encore bien des années, et tu penses pouvoir en sortir demain ? Moi pas ! E de toutes façon, elle se ferait attraper en moins de deux, avec tous les avions et les nouvelles tech…
    –Ahhh ! Ma tête ! Qu’est-ce que…

    « Aventuriers, aventurières. Je suis de ces magiciennes qui connaissent le monde des rêves. Je suis de ces femmes qui combattent. Je suis comme vous. On dit souvent qu’il faut être solidaire, et je viens pour cela. Je suis Emerence, ex-dame du Château. Oui, du Château. Si vous étiez vivants, vous me foudroyez sur place. Mais vous êtes dans le monde des rêves, et c’est moi qui vous ai amenée ici. Vous êtes des aventuriers aguerris, combattants, sans faiblesses, vous combattez tout les jours notre monstre commun. Le Château. Oui, je dis le notre, car je suis avec vous. Le Château n’est pas qu’un ennemi. C’est la personne qui m’a pris mes fils, qui m’a fais mourir le cœur. Le Château est pour moi que haine, une haine brûlante. Si je le pouvais, je l’entrainerais avec moi dans ma mort, j’irai le combattre seule. Mais je ne peux. Je sais que parmi vous se cachent des magiciens, maitre d’armes, de magie noire, d’animaux fantastiques. Je suis coincée dans cette tourelle au 83 ème étage, la porte auburn, tout au nord. Vous entendrez sans doute mes cris. Pourquoi vous appelle-je ? Parce que je veux combattre notre terreur, cette suprématie, ce monstre, cet homme redoutable, qui n’a causé que tort. J’ai besoin de vous, de votre cœur, de vos vies, de votre passion, de votre combat. Alors, venez, pour la pièce 1000, me rejoindre, je vous en supplie. Et que les lâches, s’ils ne viennent pas, regretteront amèrement leurs refus… »

    Oui, eh ben ce serai sympa de ne pas nous donner un mal de tête infernal en nous contactant, c’est toujours apprécié ! N’empêche. Un deuxième regroupement d’explorateurs qui veulent se battre contre le Château ? Intéressant ! Et puis elle pourrait nous apprendre plein de choses sur le Château.
    –C’est où la tourelle Nord du 83ème étage ?
    –Sûrement au nord du château, au 83e étage, pourquoi ?
    –Non, pour rien. C’était un plaisir de te revoir, Dragonne. À bientôt !
    Et je m’enfuis avant qu’elle est pu dire un mot, laissant la cafétéria bondée et une Dragonne étonnée derrière moi.

     

    LA PIÈCE OÙ JE RESTE CINQ SECONDES. MAX.

    J’arrive dans une pièce… banale. normale. sans intérêt, quoi. Alors je sors.

    LA PIÈCE À L’ARCHER EN DÉLIRE

    Je franchis la porte. Mon cerveau marchait encore à cent à l’heure—j’essayais de trouver une manière efficace de me rendre dans le cachot d’Émerence— aussi, je ne remarquai la flèche qui filait vers moi que quand elle se planta dans la porte d’ébène derrière moi, m’arrachant un cri de surprise. Par réflexe, je positionnais une flèche sur la corde de mon arc et la tendis, bien que je ne voie pas l’archer, certainement dissimulé derrière la rambarde de l’escalier. Je restais immobile cinq secondes avant de m’avancer prudemment. D’après l’angle et la vitesse de la flèche, je dirais que je pourrais atteindre le tireur dans quatorze pas. Je fis mine de relâcher la tension dans mon bras et franchit les quelques mètres restants.

    Aussitôt que je l’aperçus, la flèche fila. Puis une autre. J’envoyais flèche sur flèche, tout en courant. Lui aussi. J’évitai quelques une de ces flèches, mais l’une d’entre elle se planta dans ma cuisse gauche. Je retins une plainte, mais continuais à avancer. J’étais ravis d’avoir refait mon plein de flèches l’autre jour. Je ramassai quelques une de celles qu’il m’envoyait. Quand la distance entre nous se fut rapprochée, je rangeais mon arc et attrapai le cylindre attaché à ma ceinture. Au contact de ma main, le cylindre laissa place à une magnifique épée double qui avait fait la joie de mes parents. Son manche usée et ses lames grises et abimées étaient ce qui avait fait ma réputation, il y a bien longtemps. Maintenant… Elles étaient un outil de survie. Je la maniais avec habilité et précision, une précision telle qu’il ne m’était guère difficile de trancher les rares flèches qui venaient encore à mon encontre.

    Le tireur ne semblait pas vouloir rester ici encore bien longtemps ; il regardait fréquemment le haut de l’escalier, reculant pas à pas. Je ne sais pas s’il cherchait à s’enfuir ou à appeler des renforts, mais dans le doute je m’élançais vers lui. Il fut forcé de lâcher son arc au profit d’un sabre, un katana d’une soixantaine de centimètres de long, à vue de nez et d’une rare beauté. Il se mit sur la défensive, tandis que j’attaquais. Il parait quelques un de mes coups, mais pas tous. Dommage. J’aurais bien aimé un combat équilibré, pour une fois. En moins de cinq minutes, il fut à terre, face contre terre, et je tenais ses bras derrière son dos.

    —Qui es-tu ?
    —Un ami.
    Je ris.
    —Oui, bien sûr. Et moi, je suis ta mère.
    —Comment pourriez-vous être ma mère ?
    OK. Ou cet homme est débile, ou il ne connait pas le second degré. Il continua.
    —Tu es arrivée dans ce château il y a quelques jours et tu as rencontre le Château et les explorateurs qui le combattent, mais tu es née après moi ! Je ne pourrais pas être ton fils, voyons !
    —Umm… D’accord ? Et maintenant, réponds-moi. Qui es-tu ? Pourquoi m’as-tu attaqué ?
    —Je suis votre fils, et je vous ai attaqué parce que vous étiez ma mère.
    Bon. Il est débile.
    —Mais à part ça ? Votre nom ?
    —Vous ne me croyez pas, affirma-t-il.
    Qu’est-ce qu’il croyait ? Bien sûre que je ne le croyais pas !
    —Je viens du futur. Une pièce du château m’a renvoyé vers le passé, et…
    —Ton nom.
    —Je peux vous le prouvez, si vous voulez.
    —Pour la dernière fois, ton nom.
    J’appuyais ma lame sur son cou, histoire qu’il comprenne bien.
    —Ton nom est Sarale Kim Cealen Mag’Hil. Tu es la fille de la mer. Tu fais partie de l’ordre des korr…
    —Qui es-tu ?
    Cette fois, ce n’était pas de la frustration que j’entendis dans ma voix, ni de la colère. C’était de la peur.
    —Je suis votre frère.
    —Ah. Donc, vous n’êtes pas mon fils.
    —Quoi ? Non, bien sûre que non. Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
    Là, ma peur est repartie illico se blottir au fin fond de mon cœur. J’étais vraiment tombée sur un psychopathe. Je retins un soupir et enfonça ma lame dans son cou.
    —Non, rien. Ton nom, s’il te plait. Je compte jusqu’à trois. Un. Deux.

    L’homme se mit à trembler, puis ouvrit la bouche. Les mots sortirent à une vitesse ahurissante, si vite que j’eus de la peine à tout comprendre :
    —« Liam. Liam Kailm. Ne me tuez pas, s’il vous plait. Le Château m’a engagé il y a deux ans pour surveiller les explorateurs du château. Il voulait que je l’avertisse dès qu’un d’entre vous semblait assez puissant pour lui poser un problème. Il disait que vous êtes une vraie plaie qui détruisait tout ce qu’il avait mis des années à construire. Que vous semez la haine sur votre passage, que vous ne laissez que des ruines partout où vous aller. Il ne voulait pas que vous réunissiez. Il ne voulait pas, oh non, il ne voulait pas… Il disait… Il disait que si vous trouviez un moyen… De… De vous rassembler, alors à un moment, vous comprendriez… Il nous a dit que si vous nous découvririez, vous nous tueriez. Que vous nous chercherai, nos exterminerai jusqu’au dernier. Et il était sûr qu’un jour… Vous sauriez tout. Et alors, alors, vous nous chercheriez… Vous nous chercheriez… Et je savais… Je savais, oui, Ella me l’avait dit… Ella… Oh, Ella… Ella !… »
    Il délirait. Il délirait, et moi avec. Car ce visage, je l’avais déjà vu. Mais où ? Où ? Il gémit, et je desserrai légèrement mon emprise. Je ne savais toujours pas pourquoi il m’avait attaqué. Il marmonnait des mots que je n’arrivai pas à comprendre, des phrases sans queue ni tête :
    —« Elle l’avait dit… La souris se retournera contre les chats… La sourie se changera en chat… Et l’aigle ravagera les autres… L’Aigle… Lakire roij ouon…. Jhiu uwoak atoa pure… »
    Je cherchai une corde du regard, ou un objet quelconque mais n’en trouva aucun. Alors je décidai de le laisser là. Ce n’était pas prudent, j’en étais consciente, mais je n’allai pas rester ici dix mille ans non plus. J’entrepris de ramasser les flèches. Certaines étaient cassées, mais la plupart pourraient être réutilisées. Je les rangeais dans mon carquois. Je franchis la porte.

    LA PIÈCE DU COMBAT

    J’entre dans une nouvelle pièce, cette fois-ci un peu plus, hum, originale. Mais je ne vais pas m’attarder non plus : vu la délicate odeur de sang et les traces d’impacts sur les murs en acier, je préfère partir vite fait bien fait. Si cela est possible, bien entendu. Les murs sont été troués. Les meubles ont été renversés. Les cadavres sont un peu partout, leurs blessures encore fraiches. Les armes qui les ont tués sont figées dans leur poitrine. J’entends un râle, quelque part, mais il s’éteint avant que je puisse faire quelque chose. Les traits de son visage sont figés dans une ultime grimace, dans un dernier cri de douleur. Je voudrais rester pour les incinérer. Mais je ne peux pas. Il faut que je parte. Tout de suite. Maintenant.

    – hiu huuhuu!

    Ou pas. Je cherche mon milan des yeux, mais je ne le vois nulle part.

    –Merlin ? Où es-tu ?

    Je tourne la tête dans tous les sens, et enfin je l’aperçois, perché sur une fenêtre. C’est drôle, il y a tout le temps des fenêtres. Il vole jusqu’à moi, et se pose mon protège-bras. Je lui caresse lentement la tête, et il pousse quelques cris stridents.
    J’accélère le pas, et fonce vers la porte. L’air est répugnant. Je sens que je vais vomir si je ne sors pas d’ici. Merlin s’envole tandis que je cours pour atteindre la porte. Mais avant que je ne puisse l’atteindre, je sens mes pieds se dérober sous moi.

    Je me suis évanouie. Évanouie ! Moi ! Mes parents me tueraient s’ils apprenaient. Je me suis évanouie à cause de l’odeur du sang ! Alors que toute ma vie, je n’ai connu que ça. Pour une fois, je suis ravie d’être seule dans ce château. Je me levai, et je courus vers une porte en bronze, ornée d’étoiles et de soleils.

    LA CHAMBRE OÙ, À MON GRAND DÉSESPOIR, ON ME PLANTA UNE SERINGUE DANS LE BRAS

    Mes yeux s’agrandirent d’étonnement. Qu’est ce que…
    –Bonjour ! Bonjour ! Comment allez-vous, jeune fille ? Bien ? Oui, vous allez bien, vos nerfs marchent parfaitement. Venez, venez, que je vous présente à mes associés.
    Il me montra deux jeunes hommes aux visages souriant, en blouse blanche et verte. Lui-même était un petit homme, un vieillard. Avec sa chemise à carreaux marron et son pantalon en toile gris, ses lunettes en demi-cercles, ses cheveux blancs, sa barbe et ses sourcils broussailleux, il était le parfait professeur fou, tels qu’on les imagine.
    –Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu de volontaires, je commençai à désespérer !
    Volontaire ? De quoi parlait-il ?
    —Vous avez l’air parfaite ! Asseyez-vous sur la table, là.
    Mon instinct me disait de fuir, et pourtant… je m’exécutai.
    —Voilà, c’est bien. Maintenant, allongez-vous. Très bien. Très, très bien. Quel est votre nom ?
    —Sara.
    —Sara ? Quel joli prénom. C’est votre mère qui la choisi ?
    Je serrai les dents.
    —Oui.
    —Votre mère vous aimez-t-elle, Sara ? Moi, la mienne m’a toujours détesté. Je ne sais pas pourquoi, et je ne le saurai sans doute jamais, j’imagine. J’ai toujours pensé que c’était parce que j’étais plus intelligent que les autres, que je savais des choses que je n’aurais pas dû savoir. Savez-vous ce que c’est, mademoiselle Sara, de garder un secret ? Car je vais vous en révéler un, mademoiselle Sara. Je vais vous révéler un secret, un secret qui doit rester secret. Car voyez-vous, si le monde apprenait… Ce serait la catastrophe. Les peuples ne savent jamais ce qu’ils veulent, mademoiselle Sara. Vous avez déjà entendu cette phrase, n’est-ce pas ? Personne ne sait ce qu’il veut. Il faut toujours que les autres décident pour eux. Vous comprenez ? Oui, je vois que vous comprenez. Vous êtes une fille intelligente. Une fille… hors du commun.

    À ces mots, il s’arrêta et me regarda, longuement, intensément. Son regard me fit froid dans le dos. Je sentais la sueur perler sur mon front, et mes mains étaient moites. Qu’est-ce que j’avais avec les hommes fous ? Un des assistants dit quelque chose dans une langue que je ne connaissais pas. Le vieillard lui répondit.
    —Je suis désolé, mademoiselle.
    Et il me planta une seringue dans le bras.

    LÀ OÙ JE RETROUVE MA SŒUR ET JE DÉCOUVRE CE QU’EST UN DEUIL

    Un cri. Du blanc. Beaucoup de blanc. J’étais au milieu des cadavres, après l’archer fou, puis… puis quoi ? Il s’était passé quelque chose… Un docteur, une table… Des images qui défilent dans ma tête. Un autre cri qui déchire le silence. Des mots, murmurés dans mon oreille…
    J’étais allongée dans un lit d’hôpital. Une lampe éclairait doucement la chambre.

    —You’re okay. Thanks god, you’re okay. I was so worried! Sara, do you know how long you’ve been sleeping?

    Une main, un sourire… Cette voix… Qui était-ce ? Je cherchai le nom, mais en vain. Mes souvenirs me revenaient peu à peu : le vieux docteur, son monologue, ce regard qui m’a tant effrayé, les courtes phrases échangés dans cette langue qui m’était étrangère, et enfin, la seringue. Et aussi idiot que cela paraisse, la seule chose à laquelle je pensai fut mes parents. Ils allaient m’assassiner. À tous les coups, ils me regardaient encore, réfugiés derrière les murs de la ville. Et sérieusement ? Je m’endors deux fois en cinq minutes ? Mais qu’est-ce que j’ai, bon sang ?

    —Sara? Are you even listening? Hey, Sara?
    J’ouvris les yeux. Un visage se pencha sur moi, et pendant un instant je fus saisie d’un doute.
    —Miri? Is that you?
    —Yeah. It’s me. Your little sister.
    —What… Why? You were supposed to stay safe, with Mom and Dad! I was the one who was picked! They didn’t… Why did you came here?
    —I had to see you.
    Bien sûr. Elle voulait me voir. Elle n’avait qu’à demander aux parents, ou à Lily, et elle m’aurait vu. Je passai au français, sachant qu’elle était plus à l’aise avec cette langue.
    —Pourquoi mens-tu ?
    —Je ne mens pas.
    Je la regardai.
    —Miri, on m’a injecté du liquide dans mes veines, mais ce n’est pas pour autant que je suis devenue aveugle. Qu’est-ce qui se passe ?
    —Rien ! Je te jure, je voulais juste…
    —Miri.

    Elle ouvrit la bouche, me regarda, puis la referma. Ses yeux se fixèrent sur un point derrière moi. Elle coinça une mèche de cheveux derrière son oreille, joignit ses mains, les écarta l’une de l’autre. Elle joua un instant sur le bord de mon lit. Finalement, elle leva les bras en l’air.
    —Ils sont sortis des remparts.
    — …
    —Il y a quelques jours. On a essayé de les arrêter, mais ils étaient trop nombreux. Et puis leurs magiciens, Sara, tu les aurais vus, ils pouvaient soulever des blocs de pierre, des morceaux de murs, et leurs bêtes, elles étaient affreuses. Ils avaient même des griffons et des sphinx. Nous n’avions aucune chance. Ils sont arrivés, et ils ont tout détruits. Les maisons, l’école, l’épicerie. Ceux qui avaient des dons ont tentés… Et leurs magiciens les ont tués en premier. Mais ça n’aurait fait aucune différence, car maintenant il ne reste plus personne. Ils sont tous morts. Papa, maman, Ellenita, Lia et Carl. Les Magiciens, ils ont dit qu’ils arrêteraient s’il n’y avait plus de rassemblement. Ils ont dit que tout ça, c’était de la faute de ceux qui se rebellent. De ceux qui combattent le Maître du château. De…
    —Miri. Stop. S’il te plait.
    —J’étais dans la cabane. J’ai tout vu. Je suis restée jusqu’à ce qu’ils soient partis. Et après, j’ai couru. Mais Sara, si tu voyais…

    Les larmes coulaient sur ses joues, comme sur les miennes. Je la pris dans mes bras. Mes parents, mon frère, mes sœurs… Morts ? Je ne voulais pas la croire. Je ne voulais pas avoir entendu. Je voulais oublier, ne pas y penser. Je voulais qu’elle mente. Mais Miri était incapable de mentir. Je la serrai contre moi.
    Ça ne pouvait pas être de ma faute. Je refusais d’y croire. J’avais fait bien des choses inexcusables, mais je n’étais pas responsable de la mort de ma famille. Ce n’était pas possible. Non. Le Château était puissant, mais il n’aurait pas eu le pouvoir de sortir de son refuge. Dehors, il est impuissant. Non ?
    Ma sœur murmura quelque chose.
    — Miri ?
    —Il nous prenait déjà nos sœurs et nos amies, mais jusque-là, il n’avait jamais tué. Je le hais.
    —Moi aussi.
    Mais je me haïssais encore plus.
    —Tous, Miri ? Ils sont tous morts ?
    —Oui.
    Et elle pleura de plus belle. Je laissai mon chagrin de côté et la câlinai, la rassura pendant des heures.
    —Tout ira bien, lui disais-je.
    Quel beau mensonge ! Mais elle semblait y croire. Alors je continuai.

    Quand elle eut séchée ses larmes, je me levai et lui pris la main.
    —Viens. On y va.
    Je la menai vers une porte grise, plate, sombre. Une porte sans vie.

     

    *pour lire le projet de la 500e Pièce, vous pouvez vous rendre sur l'article correspondant. 


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